Dominique Meeùs
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223.
Nouvelle technologie et nouvelles formes d’organisation

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Cette flexibilité est le résultat d’une réorganisation de la production et d’une pleine utilisation des possibilités qu’offre l’informatique.

1o Les composantes technologiques.

L’automatisation du processus de production, dans le cadre de la conception tayloriste classique, inclut, depuis de nombreuses années, l’utilisation de machines à commande numérique (ou assistées par ordinateur) et l’introduction de robots.

Les machines à commande numérique permettent de contrôler et de manœuvrer les presses, les fraiseuses… par un langage informatique numérique. Les précurseurs des actuelles machines numériques datent des années 60. Les premières d’entre elles fonctionnaient avec des programmes produits à distance par ordinateur et stockés sur des bandes perforées. Dans le courant des années 60, on a établi une liaison directe entre l’ordinateur et la machine, ce qui permettait à l’ordinateur de corriger, de donner de nouvelles instructions en cours de processus. Au milieu des années 70, les machines ont été équipées de microprocesseurs, ce qui permettait un contrôle direct, sophistiqué, pendant le processus de production, tandis que la nouvelle programmation se faisait simultanément. Ce mode de commande numérique s’est, depuis lors, rapidement généralisé.

Les robots ont fait leur apparition entre la fin des années 60 et le milieu des années 70. Mais, surtout depuis le début de la crise, les constructeurs automobiles ont favorisé l’essor du robot, en qui ils voyaient un collaborateur plus productif, plus fiable que l’ouvrier des chaînes de production. En 1976, General Motors lança le modèle « Puma », imitation d’un bras humain comportant six charnières (« articulations »). Le bras se meut autour de six axes : sur son axe de base, autour de l’articulation de l’épaule, autour du coude et de trois articulations du poignet. Le travail humain peut ainsi être copié par imitation des mouvements. Le robot est programmable en fonction des tâches à accomplir.

Dès ce moment, de nombreux futurologues prédisent le remplacement progressif du travail humain par le robot. Mais la robotisation se produit beaucoup plus lentement que l’annonçaient les prévisions les plus pessimistes. Les raisons en sont le coût élevé du robot, son manque de souplesse et de « feeling », les nombreuses pannes de ces machines et le fait que, en fin de compte, le robot n’est qu’une composante d’une organisation complexe.

Après la machine à commande numérique et le robot, la recherche technologique s’oriente vers l’intégration de tous les processus et machines de production au sein d’un seul et même système commandé par ordinateur. Pour y parvenir, il faut, en première instance, résoudre le problème de la communication mutuelle entre les différents instruments, machines, ordinateurs et systèmes d’information. Chaque ordinateur, chaque machine à commande numérique a son propre « langage », ses propres codes, ses propres relations avec le monde extérieur. Intégrer les protocoles, les normes et les différents codes en un seul système compatible (concordance de langage), en synchronisation (concordance sur le temps) et avec des commandes univoques (concordance sur la hiérarchie) représente une tâche complexe. Jusqu’ici, les systèmes faisaient le plus souvent appel aux postprocesseurs « interfaces » afin de « traduire » les codes utilisés dans le langage du monde extérieur.

À la fin des années 70, General Motors constate que seulement 15 % de ses équipements — composés de 2 000 robots et de quelque 20 000 automates (à commande numérique) sont capables de communiquer en dehors du processus qu’ils contrôlent directement. GM se lance donc, en 1981, à la recherche d’un système de communication uniforme, le MAP (Manufacturing Automation Protocole). L’objectif est de briser l’incompatibilité entre les systèmes IBM, Data Control, Digital, Honeywell… GM menace de ne plus leur acheter aucun équipement si ces constructeurs ne collaborent pas en vue d’accorder leurs systèmes. Les experts des différentes firmes sont quasi littéralement enfermés, jusqu’à ce qu’ils proposent un nouveau système. La recherche dure cinq ans et occupe 120 ingénieurs. Le résultat, c’est le MAP, un protocole de communication en passe de devenir un « standard » en la matière. 1 500 sociétés, parmi les plus grandes des États-Unis, se regroupent sous la bannière du MAP. À la fin 1988, une trentaine d’installations MAP fonctionnent.

Cette évolution ouvre la voie au « Computer Integrated Manufacturing » (CIM), des systèmes grâce auxquels des entreprises entières ou des unités sont commandées par ordinateur dans un réseau intégré. Les systèmes CAO-FAO (conception et fabrication assistée par ordinateur) en sont des composantes. Le réseau peut aussi s’étendre aux entreprises de sous-traitance et même avoir des antennes auprès des distributeurs et revendeurs qui peuvent, de cette manière, commander directement la chaîne de production « sur mesure ».

2o L’organisation à la japonaise.

Dès 1948, Toyota, entre autres, tente d’échapper à la rigidité du taylorisme en instaurant une organisation plus flexible du travail. Ainsi apparaîtront de nouveaux concepts, tels que le just-in-time, le « management by stress » et le « team work ». Tous trois sont reliés entre eux, mais ils mettent chacun l’accent sur un aspect spécifique.

Le principe du just-in-time (JIT) porte sur la méthode de gestion des stocks : son objectif est la production sans stock. Dans le JIT, la chaîne de production est mise sous tension par la demande, par les commandes. C’est aussi valable au sein du processus de production : chaque unité est cliente de celle qui la précède et fournisseur de celle qui la suit. Les entreprises japonaises ont mis au point un ingénieux système de cartes (kanban) qui éclusent les commandes exactes à travers la chaîne de production. De cette manière, rien n’est produit qui n’est pas demandé, les produits sont livrés « sur mesure » et les stocks de produits et stocks intermédiaires sont réduits au minimum. Combiné au principe du management by stress, le JIT permet à tous les problèmes de faire surface immédiatement et exige leur résolution immédiate.

Le management by stress (MBS) concerne la manière dont les rythmes de production sont accrus. Dans les chaînes classiques, des tampons de toutes sortes sont prévus pour absorber les pannes locales ou interruptions grâce à des stocks de réserve, des suppléants, etc. Le MBS élimine tous ces « tampons ». L’objectif est de faire apparaître aussi bien les points faibles que les points trop forts. Les points faibles flanchent en cas d’accroissement du stress, les points trop forts ne flanchent jamais. Les problèmes sont localisés par un système de feux lumineux (vert, orange, rouge). Les interruptions de travail (rouge) ont une fonction positive, car elles permettent d’apporter les adaptations nécessaires : renfort dans le premier cas, compression dans le second cas. L’ensemble est « mis sous tension » par l’accroissement systématique des rythmes de travail, la réduction du nombre d’ouvriers ou de machines, l’attribution de tâches supplémentaires. La ligne fonctionne idéalement lorsque tous les postes de travail oscillent en permanence entre le vert et l’orange, quand chaque poste de travail est sous stress suffisant.

Le team work (TW) est nécessaire pour faire fonctionner ce système autorégulateur. À tous les stades de la production, la chaîne est sous tension, sans réserves ; chacun doit pouvoir intervenir en cas de panne. La production just-in-time signifie aussi que l’on produit de petites quantités qui doivent circuler rapidement. Tout cela suppose des modules flexibles dans lesquels chacun maîtrise les différentes tâches et où les trous sont automatiquement comblés. La ligne est divisée en petites unités de production flexibles ; la chaîne continue est remplacée par une ligne d’assemblage qui assemble les « blocs » préparés par des unités de production « autonomes » contiguës.

Dernier élément, l’outsourcing ou sous-traitance. Une grande partie de la production des pièces est confiée en sous-traitance, ce qui permet de se décharger du problème des stocks sur de petites entreprises de sous-traitance qui, elles, doivent pouvoir, à tout moment, satisfaire à la demande de l’entreprise centrale. Ces entreprises y font face en comprimant les salaires, en imposant des conditions de travail plus flexibles et en se spécialisant dans des domaines spécifiques.

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