Dominique Meeùs

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Crise et nouvelles technologies

Il existe des liens entre la crise et le développement de nouvelles technologies. Ces liens sont l’enjeu d’un débat théorique : la crise a-t-elle provoqué l’apparition de la nouvelle technologie ou l’automatisation est-elle à l’origine de la surproduction ; la nouvelle technologie est-elle le point de départ d’une nouvelle période de croissance ou entraînera-t-elle une aggravation de la surproduction ? Pour certains, les cycles longs s’expliquent par les grands bonds technologiques : les nouveaux produits connaissent une phase de mûrissement, une phase d’épanouissement et une phase d’usure. Pour eux, la solution de la crise est très simple : collaborer tous ensemble pour acquérir la nouvelle technologie et la faire percer ; ensuite, suivra automatiquement une nouvelle longue phase de croissance. Cette théorie de la succession spontanée de périodes de vaches grasses et de vaches maigres a une influence particulièrement néfaste sur l’idéologie syndicale.

Le rapport interne entre crise et technologie ne peut être conçu de manière plus simpliste. La crise est beaucoup plus qu’un simple problème technologique, elle est, en première instance, un cancer du système social qui fait éclater toutes les contradictions politiques et économiques.

D’autre part, il y a bien sûr une relation entre crise et nouvelle technologie. Avant le déclenchement de la crise, les nouveaux secteurs technologiques étaient déjà en train de se développer, mais il est incontestable que la crise a intensifié la course aux nouvelles technologies. Il y a à cela deux raisons, qui découlent entièrement de la logique du système.

1o La création de nouveaux marchés est, pour le patronat, un moyen d’échapper à la crise. Le patronat cherche de nouveaux marchés dans les secteurs de la nouvelle technologie, où la croissance de la demande et les taux de profit sont très élevés. La concurrence généralisée que se livrent les entreprises afin de s’implanter dans les secteurs des nouvelles technologies n’a rien à voir avec le souci de l’emploi, mais bien avec la perspective de marges bénéficiaires élevées. Le patronat veut que des monopoles d’État tels que les compagnies de poste et de téléphone soient de toute urgence « dérégulés » et privatisés parce qu’elles renferment, à cause des nouvelles technologies, de gigantesques marchés lucratifs. Une dizaine de monopoles s’y affrontent dans une lutte dont l’enjeu est le marché des télécommunications, estimé à 2 000 milliards de francs belges par an. Au besoin, la demande de nouveaux produits est créée artificiellement, comme c’est le cas, par exemple, pour la super TV (TV haute définition), en cours de développement. Le consortium Siemens-Philips-Thompson mène un combat de géant avec les monopoles japonais pour la maîtrise d’un futur marché de luxe estimé à 10 000 milliards de francs belges, sur une période qui s’étend jusqu’en 2010. Les mêmes monopoles industriels qui ont détruit l’environnement voguent maintenant toutes voiles dehors pour développer la technologie d’épuration de l’environnement. Ils espèrent ainsi décrocher une partie du « marché de l’environnement », un marché particulièrement prometteur qui, rien que pour l’Europe, est estimé à 3 000 milliards de francs belges (par an) en l’an 2000.

2o La chasse à la plus-value extra est sans conteste un autre moteur du développement technologique. La crise a aiguisé la concurrence autour des marchés existants. Qui rationalise le premier, produit plus avec une productivité plus grande, réduit ses coûts de production, celui-là dispose d’un avantage sur le marché, qu’il convertit en supplément de plus-value, une plus-value filoutée aux capitalistes restés sur le carreau. Une grande partie de la recherche technologique est consacrée à la mise au point de systèmes de production et de machines plus productifs. Depuis 1975, des robots sont de plus en plus souvent utilisés dans la production automobile et l’on travaille à des systèmes complexes assistés par ordinateur. La rationalisation de la production est une des composantes principales du combat pour la suprématie mondiale, que mènent les États-Unis, l’Europe et le Japon.