Dominique Meeùs
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— au dossier marxisme
En l’absence totale de perspectives de ventes au tiers monde, les patrons ont braqué leurs regards depuis un certain temps sur le monde socialiste. Après avoir, pendant des années, misé leur espoir sur le marché chinois, ils ont concentré toutes leurs forces pour faire basculer les régimes d’Europe de l’Est. Grâce à l’aide de Gorbatchev, ils ont obtenu un succès d’une rapidité inespérée. « La Perestroika et la Glasnost ont remporté un grand succès, d’une valeur inestimable », écrit la Deutsche Bank en conclusion d’une étude sur l’évolution en Europe de l’Est32.
Depuis fin 1989 a lieu une réelle invasion des pays de l’Est. Le démantèlement des monopoles d’État, la reconversion vers une économie de marché capitaliste sont un ballon d’oxygène pour les monopoles occidentaux et japonais. La même étude prévoit de grands débouchés pour les produits de consommation, mais également pour les technologies de pointe, pour des entreprises de grands travaux, pour des fournisseurs de machines-outils, pour des entreprises de transport, d’énergie et de communication (p. 71). L’étude déplore une certaine réticence des bailleurs de fonds privés. Ils attendent que les risques politiques soient moins grands et que les nouvelles « démocraties » aient ouvert la voie pour le grand capital, par une injection massive d’aide occidentale. Ne temporisent pas par contre, les producteurs d’automobiles, qui mènent un combat acharné pour s’emparer du marché de l’automobile est-européen. On prévoit que le marché de l’automobile dans les pays de l’ancien COMECON pourrait doubler d’ici l’an 2000, pour atteindre une demande de 4 millions de voitures par an. Volkswagen s’est approprié les meilleurs morceaux, par la reprise de l’usine Trabant de Zwickau en Allemagne de l’Est et de Skoda en Tchécoslovaquie. Fiat s’était déjà implanté plus tôt sur le marché soviétique et polonais et General Motors a accaparé l’usine Wartburg à Eisenach. La Hongrie devient un pôle d’attraction pour la production de pièces détachées destinées à l’exportation.
De toute manière, ce ne sont que les entreprises intéressantes qui ont l’honneur d’être dévorées par les cannibales occidentaux. Au moins le tiers des entreprises ferment irrémédiablement leurs portes, pour cause de rentabilité insuffisante dans un système de marché libre. Beaucoup d’entreprises condamnées fournissent des produits utiles, mais tel n’est plus le critère à l’heure actuelle. Plus il y a de fermetures, plus il y a des marchés pour les produits occidentaux. Par la liquidation à grande échelle de capital constant, le taux de profit des entreprises restantes reçoit un coup de fouet. (Voir l’encadré 121 bis.) L’anéantissement massif de capital contribue à alléger la crise de surproduction des monopoles occidentaux. La Treuhandanstalt, l’organisme qui a pour mission de privatiser l’économie est-allemande, a classé les huit mille anciennes entreprises d’État en différentes catégories. Mi-1991, mille des meilleures étaient déjà vendues (parmi elles les entreprises de technologie de pointe Zeiss et Robotron).
Enfin, l’Europe de l’Est fournit une réserve de main-d’œuvre qui vient à point. La qualification est bonne et les salaires n’atteignent même pas le tiers ou le quart. La légion de chômeurs, qui s’accroît à un rythme forcené, a un double rôle pour le patronat. Premièrement, elle maintient la pression sur les salaires locaux et permet les chantages les plus odieux lors des investissements. (IKEA n’investit en Pologne qu’à condition qu’aucun syndicat ne soit autorisé.) Deuxièmement, elle devient un réservoir à l’importation de main-d’œuvre qualifiée et bon marché. Déjà, la pression patronale est forte pour mobiliser ces réserves et favoriser l’immigration.