Dominique Meeùs

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124.
La politique de crise envers le tiers monde

La concurrence acerbe entre les groupes et pays capitalistes est en contraste singulier avec leur solidarité face au pays du tiers monde. S’il s’agit de protéger les sources de pétrole au Moyen-Orient, tous les pays impérialistes (et à présent aussi les pays ex-socialistes) s’allient et sont prêts à s’engager dans une agression militaire barbare et meurtrière. L’enjeu de la guerre de Golfe fut résumé de façon substantielle par Heiko H. Thieme, consultant principal de la Deutsche Bank à New York : « Récemment, on a découvert des champs pétrolifères en Arabie saoudite qui sont encore plus grands que ceux qui existent déjà. Il ne faut pas être un génie pour en comprendre l’enjeu, sauf si Saddam Hussein ou l’un ou l’autre fanatique religieux contrôle ces champs. C’est pourquoi les États-Unis ont réagi si vigoureusement. Ils veulent préserver ces champs pour le monde libre et ne pas les gaspiller à des fanatiques, qui, à mes yeux, ont beaucoup moins le droit de les revendiquer que les entreprises pétrolières occidentales. Elles les ont découverts, les exploitent, les ont construits. La propriété privée appartient évidemment aux pays concernés, mais cela ne donne à aucun pays ou pays avoisinant le droit de les voler. Voilà ce que le monde a condamné de façon unanime et, pour la première fois, totalement solidaire30. »

Par les prix faibles des matières premières, les intérêts élevés et le protectionnisme, la crise est reportée sur les pays en voie de développement.

1o Les prix faibles des matières premières diminuent le coût du capital constant (diminution de C).

Après que le front uni des producteurs de pétrole du tiers monde (OPEP) a imposé des prix plus justes pour le pétrole en 1973 et en 1979, les pays impérialistes ont organisé la contre-offensive. Cela a mené à une baisse à partir de 1981 et à l’effondrement des prix du pétrole après 1985 (une perte de plus de 60 %). Bon nombre de prix de matières premières et de produits agricoles du tiers monde ont suivi la chute des prix du pétrole, suite à la détérioration des rapports de forces.

2o Le transfert d’unités de production à haute intensité de travail vers le tiers monde procure une main-d’œuvre extrêmement bon marché aux multinationales. Avec des salaires qui atteignent à peine un cinquième jusqu’à même un vingtième, le coût salarial (V) de la production est réduit au minimum. Les pays du tiers monde sont montés les uns contre les autres afin d’obtenir des conditions de production aussi favorables que possible (zones franches, interdiction d’activité syndicale, conditions de travail inhumaines).

3o L’impérialisme défend ses propres marchés contre les importations du tiers monde. Les États-Unis pratiquent un dumping financier par le cours du dollar, la CEE protège son marché au moyen de subsides agricoles et de barrières d’entrée. Après le pillage néocolonial des produits agricoles et des matières premières, les pays impérialistes visent, à présent, le contrôle du secteur des services. Dans beaucoup de pays du tiers monde, le secteur des services échappe encore aux tentacules des banques et des monopoles. Lors du récent Uruguay Round du GATT, les pays riches ont voulu imposer leurs diktats concernant l’ouverture du secteur des services, le contrôle des investissements (interdisant au tiers monde de dresser des barrières) et la protection des brevets et des octrois des monopoles (ce qu’on appelle propriété intellectuelle). À ce propos, les spécialistes du tiers monde parlent carrément d’une recolonisation ; tout développement indépendant est contré31.

Notes
30.
Trends « Beleggersalmanak », 1er décembre 1990, « Une décennie d’or », p. 25.
31.
Raghavan, Recolonisation, Third World Network, Zed 1990.