Dominique Meeùs

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123.
Concentration énorme et centralisation du capital

À quoi ont servi tous ces bénéfices augmentés ?

1o Aux rationalisations. Les investissements des sociétés en Belgique atteignaient à peine 10 à 12 % du PNB pendant la période 1976-1987, un creux historique. Le gros de ces investissements était des investissements de rationalisation, qui augmentaient la productivité, mais qui n’impliquaient pas d’extension de la production. Au total, environ 380 000 emplois furent perdus dans l’industrie durant cette période, par des fermetures et des rationalisations. En 1980, 11,5 millions de véhicules ont été produits en Europe par 10 millions d’ouvriers et d’employés ; en 1989, 15,8 millions en ont été produits avec un tiers du personnel en moins24.

2o À la thésaurisation des réserves et aux activités de placement. Tous les groupes financiers et toutes les entreprises ont à faire face à des surplus de capital croissants, de l’argent qui n’est pas consacré à la production et qui est placé sur les marchés de capitaux. D’après les chiffres de la Banque nationale, les entreprises belges ont mis de côté environ 1 363 milliards de francs belges durant la période 1980-198925. Une multinationale telle que Siemens s’est constitué ainsi un magot de 1 000 milliards de francs belges.

3o Au rachat de marchés, par des reprises et des fusions. Les revenus des placements constituent une partie de plus en plus grande des moyens disponibles. Selon une étude française récente, ils procurent plus ou moins le tiers des moyens financiers (à côté du profit d’exploitation et des crédits bancaires)26. Ce butin est le plus souvent destiné au rachat d’autres entreprises ou sociétés. Il est en effet beaucoup plus facile de racheter des marchés que de les conquérir par une publicité agressive ou par la concurrence de prix. Le nombre de reprises, participations et fusions a connu une montée phénoménale en Europe ces dernières années et il continue à augmenter au fur et à mesure que la « fièvre de 1993 » monte. Pour les 1000 entreprises européennes les plus importantes, la Communauté européenne enregistre chaque année le nombre de fusions, de participations ou de « joint ventures » (investissements en commun) ; il y eut 558 opérations de ce type en 1986, 708 en 1987, 1025 en 1988 et 1122 en 198927. Durant les trois premiers mois de 1990, 11,6 milliards d’ECU (environ 500 milliards de francs belges) furent dépensés pour des reprises dans toute la Communauté européenne28 ! Au plan mondial, durant les six premiers mois de 1990, il y eut pour 62 milliards de dollars (2 200 milliards de francs belges) de fusions et de reprises29. Face à cela, même la fameuse lutte pour le contrôle de la Générale en 1988 est réduite à néant.

Ces chiffres démontrent l’ampleur jamais vue auparavant, de la concentration de pouvoir, de richesse et d’arbitraire entre les mains des grands monopoles internationaux et des groupes financiers. L’autre face, c’est la concentration de misère, l’exploitation et l’asservissement des pays et des peuples pauvres, des couches inférieures de la population et des travailleurs. Car les reprises vont toujours de pair avec des fermetures, des rationalisations et des coupes dans le coût salarial, de manière à récupérer au plus vite le capital investi.

Notes
24.
Le Monde, 12 janvier 1990.
25.
Rapport de la Banque nationale 1989, Tableau VI, p. 100, somme de la capacité de financement nette des sociétés (2.4).
26.
CERC (Centre d’étude des revenus et des coûts), « L’utilisation des ressources des entreprises », L’Humanité, 16 novembre 1990.
27.
Commission CEE, Report on Competition Policy, 1986 à 1990.
28.
Translink’s European Deal Review, juin 1990.
29.
Recherche de « Deal Watch », Financieel Ekonomische Tijd, 19 juillet 1990.