Dominique Meeùs
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— au dossier marxisme
Depuis les années 30, la sociale-démocratie prône les théories de l’économiste bourgeois Keynes. D’après Keynes, le système ne tend pas automatiquement à l’équilibre, mais doit être corrigé par une intervention étatique, afin d’éviter de graves crises.
Si la crise des années 30 a porté un fameux coup à la pensée libérale classique, de même, la crise des années 70 est un coup dur pour la théorie de Keynes. La faillite d’un « capitalisme planifié, contrôlé et corrigé par l’État » met la sociale-démocratie en position défensive par rapport aux défenseurs agressifs de la libre concurrence. La sociale-démocratie cherche désespérément une nouvelle recette keynésienne pour un capitalisme prospère, mais elle n’en trouve pas. Puisque la sociale-démocratie a depuis longtemps adopté les bases du capitalisme (l’appropriation privée des moyens de production et les lois de marché qui en découlent), il va de soi que son « alternative » ne peut rester indifférente aux plaintes patronales. Les mots clés de l’alternative socialiste sont : « défense de la position concurrentielle », « nouvelle politique industrielle » et « relance sélective ». La seule façon de redresser la position concurrentielle est d’imiter les remèdes libéraux, ce qui ne laisse, évidemment, aucune place à de quelconques mesures contre les holdings, les banques et les monopoles. Les ténors belges ne laissent planer aucun doute à ce propos. D’après Willy Claes, « prétendre que les socialistes ne pourraient pas se montrer compréhensifs à l’égard du rôle des entreprises et de l’importance de leur capacité concurrentielle est une légende11 ». Ce qu’il ne tarde d’ailleurs pas à prouver, dès qu’il retourne au poste de ministre des Affaires économiques, en faisant voter, comme première mesure, « la loi pour la sauvegarde de la position concurrentielle » qui donne au gouvernement le pouvoir d’intervenir dans les salaires (1989). Pour Guy Spitaels, le transfert massif de revenus vers les entreprises mis en œuvre par le gouvernement Martens V ne pose aucun problème : « Mais soit ! Le président du Parti socialiste n’est pas gêné de dire qu’il ne critique pas le fait que les entreprises regorgent d’argent. J’admets que la prospérité de celles-ci est une condition nécessaire pour la prospérité du pays12. »
Afin d’atténuer l’influence néfaste de la politique des salaires, la sociale-démocratie présente sa « relance sélective ». Mais cette stimulation des investissements par le biais de commandes et de subsides se heurte, à son tour, à l’état délabré des finances publiques. Dès que la sociale-démocratie fait partie du gouvernement, elle a le choix : ou bien ne pas tenir ses promesses, ou bien chercher de l’argent pour les réaliser en taillant dans les dépenses sociales de l’État.
Pour mener cette politique à terme, la sociale-démocratie compte sur le consensus social. C’est peut-être ce qui la différencie le plus de ses opposants libéraux. Son image de marque face à la bourgeoisie, c’est qu’elle sait, mieux que les libéraux, garantir la paix sociale. C’est ce qu’elle a essayé de prouver pendant toute sa cure d’opposition (1981-1988), en freinant le plus possible les syndicats dans leur lutte contre la politique gouvernementale. C’est une approche nouvelle qui remonte sûrement à 1960-1961 ; durant les mois précédant la grève, le PSB a mené dans l’opposition, une campagne d’agitation forte. Après cette grève et après son accession au gouvernement, le PSB a mis quasiment toutes les mesures de la « Loi unique » en application, ce qui, plus tard, lui a coûté de nombreuses voix d’électeurs ouvriers. Ce risque, le PS et le SP ne voulaient plus le courir cette fois-ci. Spitaels a prévenu tous ceux qui voulaient l’entendre : « Il y a place pour une politique différente, mais pas pour que le jour succède à la nuit13. » Ce qui mène Willy Claes à la conclusion : « Nous devons déjà inclure d’avance dans notre tactique le risque d’un fameux désenchantement auprès de nos militants de base, tout comme en France, après l’arrivée au pouvoir de Mitterrand14. »