Dominique Meeùs

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Chapitre 2.
Les nouveaux développements
technologiques

Le deuxième facteur nouveau est le progrès technologique, qui a fait un bond qualitatif au cours de la dernière période. Cela a des répercussions fondamentales, entre autres, sur les méthodes de production, les rapports de travail et la pratique syndicale. Il n’est pas aisé de déterminer une position correcte face à ces phénomènes nouveaux, qui touchent aussi bien le secteur des services que le processus de production. Nous sommes en fait confrontés à un vieux débat, qui, une fois de plus, revient sous les feux de l’actualité.

Lorsqu’au début du 19e siècle éclata la première révolution technologique et industrielle, elle eut une influence destructrice sur les conditions de vie et de travail du jeune prolétariat industriel. Des soulèvements spontanés prirent à diverses reprises les machines mêmes pour cible. Entre 1811 et 1816, un certain Ned Ludd devint particulièrement populaire parmi le prolétariat britannique. Les luddites, le mouvement qui s’inspira de son nom, prônaient la confrontation directe avec « les machines qui nuisent à la société ». Pendant la première révolte des ouvriers français en 1830 (à Lyon), les machines et équipements « modernes » subirent également beaucoup de dégâts. Et lorsqu’en 1886, la classe ouvrière belge se souleva pour la première fois, les nouveaux fours à verre furent la cible de la colère ouvrière à Charleroi. Les nouvelles installations, tout comme les châteaux de leurs propriétaires, furent livrées aux flammes.

Lorsqu’apparaissent le taylorisme et le travail à la chaîne, la discussion rebondit à nouveau. Faut-il combattre ou applaudir l’organisation scientifique du travail (OST) ? Amène-t-elle le chômage et des conditions de travail abrutissantes ou, au contraire, entraîne-t-elle l’apparition d’un mode de production plus rationnel qui constitue un pas en avant dans la voie du socialisme ? Le syndicat américain AFL estime, en 1913, que jamais l’esprit humain n’a imaginé de procédé plus diabolique que le taylorisme pour dégrader des êtres humains à l’état de machines. Mais très vite, les dirigeants syndicaux changent d’avis et se réconcilient, en 1925, avec la Taylor Society, qui regroupe les partisans enthousiastes de cette doctrine (parmi lesquels Henri De Man1…).

Les nouvelles méthodes de production soulèvent aujourd’hui les mêmes questions. Quelle attitude le mouvement syndical doit-il adopter à l’égard de la nouvelle technologie et surtout de ses conséquences ? Le rejet, la négociation pour le contrôle de son application ou une collaboration positive ?

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Notes
1.
Henri De Man est l’un des premiers à avoir propagé le taylorisme et le fordisme en Europe. En 1918, il se rend aux États-Unis, en mission gouvernementale, pour étudier ces pratiques en fonction de la reconstruction d’après-guerre. En 1931, il écrit un ouvrage élogieux sur les idées et les activités de la Taylor Society : Réflexions sur une économie dirigée.