Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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Les tentatives sans nombre de la science bourgeoise pour « anéantir » le marxisme n’ont nullement ébranlé ses positions. Aussi la lutte contre le marxisme s’est-elle poursuivie sous le couvert d’ « améliorations » et d’ « interprétations » de la théorie de Marx. « La dialectique de l’histoire est telle que la victoire du marxisme en matière de théorie oblige ses ennemis à se déguiser en marxistes. » (Œuvres, t. 18, p. 608.) , « Les destinées historiques de la doctrine de Karl Marx », Les révisionnistes ont essayé d’adapter l’économie politique prolétarienne aux intérêts de la bourgeoisie.
Les dix dernières années du 19e siècle ont vu entrer en scène le révisionnisme, dont le principal représentant a été le social-démocrate allemand Ed. Bernstein. Les révisionnistes sont partis en guerre contre l’enseignement de Marx et d’Engels sur l’inéluctabilité du renversement révolutionnaire du capitalisme et de l’établissement de la dictature du prolétariat. Ils ont soumis à une révision complète tous les aspects de la théorie économique révolutionnaire de Marx. Les révisionnistes ont proposé de combiner la théorie marxiste de la valeur-travail avec la théorie de l’utilité marginale, mais, en réalité, ils lui substituaient cette dernière. Ils ont interprété la théorie marxiste de la plus-value dans le sens d’une « condamnation morale » de l’exploitation capitaliste. Retranchés derrière de prétendues « données nouvelles » sur le développement du capitalisme, les révisionnistes ont proclamé « périmée » la théorie marxiste de la victoire de la grande production sur la petite, de la paupérisation du prolétariat dans la société capitaliste, de l’irréductibilité et de l’aggravation des contradictions de classes, de l’inéluctabilité des crises économiques de surproduction en régime capitaliste. Ils appelaient les ouvriers à renoncer à la lutte révolutionnaire pour la suppression du régime capitaliste et à se contenter de la lutte pour leurs intérêts économiques immédiats. En Russie, les conceptions du révisionnisme ont été reprises par les « marxistes légaux », qui étaient en fait des idéologues bourgeois (P. Strouvé, M. Tougan-Baranovski, etc.), par les représentants du groupe opportuniste des « économistes » et par les menchéviks.
Les opportunistes de la 2e Internationale, K. Kautsky (1854-1938), R. Hilferding (1877-1941), et d’autres encore, ont adopté une forme plus subtile de falsification du marxisme. Au début de leur activité, ils étaient des marxistes, qui collaboraient à la diffusion de la théorie marxiste. Sous ce rapport, il faut mentionner les travaux de K. Kautsky tels que La Doctrine économique de Karl Marx, La Question agraire et plusieurs autres, ainsi que l’ouvrage d’Hilferding, Le Capital financier (1910) qui, malgré des erreurs, a joué un rôle positif déterminé dans l’étude scientifique de la phase contemporaine du développement du capitalisme. Cependant, par la suite, K. Kautsky et R. Hilferding sont passés en fait sur les positions des adversaires du marxisme révolutionnaire, tout en continuant pendant un certain temps à faire figure d’ « orthodoxes », c’est-à-dire de disciples fidèles de Marx et d’Engels. S’opposant en paroles — et encore de façon peu conséquente — à certaines affirmations des révisionnistes, ces opportunistes vidaient de sa substance révolutionnaire le marxisme, qu’ils essayaient de transformer en un dogme stérile. Ils rejetaient la théorie de la dictature du prolétariat, qui constitue l’âme du marxisme, niaient la paupérisation absolue de la classe ouvrière et prétendaient que les crises finissent par disparaître en régime capitaliste.
Cachant par tous les moyens les contradictions profondes du capitalisme monopoliste, K. Kautsky traitait l’impérialisme seulement comme une forme particulière de politique, comme la tendance des pays industriels hautement évolués à se soumettre les régions agricoles. Cette théorie semait l’illusion que la politique de conquête ne découle pas de la nature du capitalisme monopoliste. Au cours de la première guerre mondiale, Kautsky a lancé la théorie antimarxiste de l’ultra-impérialisme, qui prétend que l’on peut, à l’époque de l’impérialisme, par voie d’entente entre capitalistes des différents pays, créer une économie mondiale organisée et éliminer ainsi l’anarchie de la production et les guerres. Ce qui est caractéristique de cette théorie réactionnaire, c’est la coupure entre l’économique et le politique et la méconnaissance de la loi du développement inégal des pays capitalistes à l’époque de l’impérialisme. La théorie de l’ « ultra-impérialisme » présentait l’impérialisme sous un jour favorable et désarmait la classe ouvrière au profit de la bourgeoisie, en créant l’illusion d’un développement pacifique et sans crises du capitalisme. C’est à ce même but que devait servir la « théorie des forces productives », théorie vulgaire que prêchait Kautsky, et suivant laquelle le socialisme serait le résultat mécanique du développement des forces productives de la société, sans lutte de classes ni révolution. Au lendemain de la grande Révolution socialiste d’Octobre, Kautsky est entré en lutte ouverte contre la première dictature du prolétariat du monde et a appelé à l’intervention contre la République des Soviets.
Dans son ouvrage Le Capital financier, R. Hilferding voilait déjà le rôle déterminant des monopoles dans le capitalisme contemporain et l’aggravation de ses contradictions ; il a méconnu les traits essentiels de l’impérialisme : le parasitisme et le pourrissement du capitalisme, le partage du monde et la lutte pour un nouveau partage. Pendant les années de stabilisation provisoire et partielle du capitalisme qui suivirent la première guerre mondiale, Hilferding prétendit, à la suite des économistes bourgeois, que s’était ouverte l’ère du « capitalisme organisé » où, grâce à l’activité des monopoles, disparaissent la concurrence, l’anarchie de la production, les crises et où commence à dominer une organisation harmonieuse et consciente. De là, les chefs réactionnaires de la social-démocratie ont tiré la conclusion que les trusts et les cartels « évoluent » pacifiquement vers l’économie socialiste planifiée, qu’il ne reste plus à la classe ouvrière qu’à aider les hommes des trusts et les banquiers à organiser l’économie, et qu’alors le capitalisme actuel « s’intégrera » progressivement dans le socialisme sans lutte aucune ni révolution.
Ainsi, chez Kautsky, Hilferding et les autres théoriciens réformistes de la social-démocratie, la présentation de l’impérialisme sous un jour favorable est inséparable du thème de « l’intégration pacifique du capitalisme dans le socialisme », qu’ils prêchent pour détourner la classe ouvrière de la lutte révolutionnaire pour le socialisme, et subordonner le mouvement ouvrier aux intérêts de la bourgeoisie impérialiste. C’est à ce but que devait servir, en particulier, la théorie apologétique de la « démocratie économique », diffusée par certains leaders socialistes de droite dans l’entre-deux-guerres. Selon cette théorie, en assumant le rôle de représentants syndicaux dans les directions d’usine et dans d’autres organismes, les ouvriers prendraient part sur un pied d’égalité à la gestion des affaires et deviendraient peu à peu les maîtres de la production. Par leur politique de trahison des intérêts de la classe ouvrière, les social-démocrates de la 2e Internationale ont frayé la route au fascisme en Allemagne et dans plusieurs autres pays.
La théorie du « socialisme coopératif », fondée sur l’illusion que, dans le cadre de la domination du capital, la diffusion des formes coopératives conduirait au socialisme, est une variété de la théorie réformiste de l’intégration pacifique du capitalisme dans le socialisme.
Ce sont les ennemis du socialisme — menchéviks, trotskistes, boukhariniens, etc. — qui répandaient en Russie les conceptions kautskistes antimarxistes en matière de théorie de l’impérialisme. En prêchant les théories apologétiques de « l’impérialisme pur », du « capitalisme organisé », etc., ils s’évertuaient à escamoter les contradictions sans cesse aggravées du capitalisme monopoliste. En niant la loi du développement inégal du capitalisme à l’époque de l’impérialisme, ils cherchaient à verser dans la conscience de la classe ouvrière le poison du doute sur la possibilité de la victoire du socialisme dans un seul pays.
Après la deuxième guerre mondiale, on vit les chefs réformistes de droite des travailliste anglais, les chefs socialistes de droite en France, en Italie, en Allemagne occidentale, en Autriche et en d’autres pays (L. Blum, K. Renner, etc.), se poser en défenseurs du capitalisme. Les chefs socialistes de droite défendent les monopoles, prêchent la paix de classe entre les ouvriers et la bourgeoisie, souvent ils soutiennent activement la politique réactionnaire de l’impérialisme à l’intérieur et sa politique agressive à l’extérieur. Pour concilier les travailleurs avec l’impérialisme, inculquer à la classe ouvrière la foi en la possibilité de voir s’améliorer sa situation misérable tout en maintenant le régime capitaliste, les théoriciens socialistes de droite ont inventé la théorie du « socialisme démocratique », qui est une variété de la théorie de « l’intégration pacifique du capitalisme dans le socialisme ».
La théorie du « socialisme démocratique » prétend qu’en Angleterre, aux États-Unis, en France et dans les autres pays capitalistes, il n’existe plus maintenant ni exploitation, ni opposition entre les intérêts de classe du prolétariat et ceux de la bourgeoisie ; elle déclare que l’État impérialiste est une organisation au-dessus des classes, et que toute entreprise, propriété de cet État, est une entreprise « socialiste », Les chefs travaillistes ont déclaré que la nationalisation de la Banque d’Angleterre, des chemins de fer et de certaines branches d’industrie, qui fut réalisée alors qu’ils étaient au pouvoir, après la deuxième guerre mondiale, était un triomphe du « socialisme démocratique ». Mais en réalité, la nationalisation travailliste a été une mesure bourgeoise, qui n’a point modifié la nature économique des entreprises nationalisées en tant qu’entreprises capitalistes. La bourgeoisie monopoliste est demeurée la vraie maîtresse de l’Angleterre. Les détenteurs des entreprises nationalisées, précédemment déficitaires, se sont vu accorder une large compensation et un revenu élevé garanti, tandis qu’on oblige les ouvriers occupés dans les industries nationalisées à fournir un effort encore plus intense, pour un salaire maintenu à un bas niveau. La théorie du « socialisme démocratique » n’est qu’un paravent pour cacher l’oppression grandissante des masses laborieuses par le capitalisme monopoliste d’État, degré supérieur de la domination exercée par l’oligarchie financière.
Tout en prêchant la « paix sociale » dans la société capitaliste, les chefs des partis socialistes de droite aident activement la bourgeoisie à mener une grande offensive contre le niveau de vie des masses laborieuses, à réprimer le mouvement ouvrier dans les métropoles et le mouvement de libération nationale dans les colonies et les pays dépendants. Pour ce qui est de l’interprétation et de l’appréciation de tous les principaux phénomènes économiques de l’époque actuelle, ils suivent d’ordinaire les économistes bourgeois.
Une lutte suivie contre les théories des économistes bourgeois et des chefs socialistes de droite est menée par les partis communistes et ouvriers, qui, dans leur activité, s’inspirent de la théorie du marxisme-léninisme.
Les idées de la théorie d’avant-garde marxiste-léniniste sont de plus en plus répandues parmi les intellectuels progressistes des pays capitalistes, coloniaux et semi-coloniaux, y compris parmi les économistes. Le cours objectif du développement social, les faits de la vie réelle renforcent de plus en plus les économistes d’avant-garde des pays capitalistes dans la conviction que la théorie du marxisme-léninisme est historiquement juste. Dans les travaux de ces savants qui sont partisans de la conception matérialiste du monde et se sentent attirés vers le marxisme, on trouve souvent des matériaux de valeur montrant les contradictions et les vices du capitalisme actuel ; les idées de coexistence pacifique entre les différents systèmes sociaux et de collaboration économique entre les peuples y sont développées. L’armée des savants d’avant-garde, des personnalités d’opinions et de tendances différentes, qui prennent une part active à la lutte pour l’indépendance nationale de leurs peuples, pour la paix, pour le développement des relations économiques et culturelles entre tous les pays, sans distinction de régime social, cette armée grandit et se multiplie.