Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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42.6. La transformation socialiste graduelle de l’agriculture.

Les transformations agraires révolutionnaires ont exercé une influence profonde sur le développement des forces productives de l’agriculture et la situation des masses paysannes chinoises. Pour la première fois, des mesures visant à accroître considérablement la production agricole sont appliquées dans l’ensemble du pays. Le gouvernement vient en aide aux paysans nécessiteux, auxquels il fournit des semences et accorde des crédits. La lutte est organisée contre les parasites de l’agriculture. La connaissance des méthodes modernes d’agriculture se répand de plus en plus. Le pouvoir populaire exécute, avec le concours des grandes masses paysannes, des travaux d’irrigation d’une grande importance dans les principales régions agricoles du pays, afin de mettre des dizaines de millions de paysans à l’abri des inondations.

Les grands travaux du bassin de Houaïho, auxquels deux millions de personnes ont travaillé pendant trois ans, sont une des plus grandes entreprises hydrotechniques existantes. Les lits de 77 cours d’eau, d’une longueur totale de 3 000 kilomètres, ont été nettoyés et réaménagés ; 104 écluses ont été construites. À elle seule, la digue établie sur le cours inférieur du Houaïho préserve de l’inondation 20 millions de paysans. D’après des données incomplètes, les paysans ont, de 1950 à 1953, construit eux-mêmes plus de 6 millions de petits canaux d’irrigation, d’étangs et de réservoirs, creusé plus de 800 000 puits, relevé ou construit plus de 250 grands ouvrages d’irrigation. Grâce à quoi la superficie des terres irriguées s’est accrue de 56 millions de mou. (Un mou = 0,06 ha.)

En 1954, on a terminé, sur le cours supérieur du Ioungtingho (Chine du Nord), la construction du réservoir d’eau de Kouanting, le plus grand de toute la Chine, qui protège de l’inondation la région de Pékin et de Tientsin.

Au cours du premier quinquennat, on réalisera des travaux qui permettront d’utiliser les eaux du Houangho et de contrôler entièrement ce fleuve. Le long du fleuve et de ses affluents, on construira des dizaines d’immenses jetées ; on projette aussi de construire un certain nombre de très grands réservoirs et des centrales hydro-électriques.

En 1952, la production agricole atteint le niveau le plus élevé qu’elle eût connu dans l’histoire de la Chine, dépassant de très loin les chiffres maximums d’avant-guerre. La récolte globale des céréales a été de 45 % et celle du coton d’environ 200 % supérieure à celle de 1949.

D’après le plan, au cours du premier quinquennat, le volume global de la production de l’agriculture et des industries rurales auxiliaires augmentera de 23,3 % en valeur. À la fin du quinquennat, la production des vivres augmentera de 17,6 % par rapport à 1952 ; celle du coton, de 25,4 % ; du jute et du kenaf, de 19,7 % ; du tabac, de 76,6 % ; de la canne à sucre, de 85,1 % ; de la betterave sucrière, de 346,4 % ; les surfaces plantées en oléagineux augmenteront de 37,8 %. On présume qu’après deux quinquennats ou un peu plus, la récolte des céréales sera portée à 275 ou 300 millions de tonnes, dépassant de 70 % le niveau de 1952 ; on aura ainsi en moyenne 500 kilogrammes de céréales par habitant et par an.

Malgré les nets progrès réalisés par l’agriculture de la République populaire de Chine, la situation du pays est la suivante : la population est immense ; il n’y a pas assez de terres cultivées ; il y a de temps en temps des calamités agricoles ; les méthodes de gestion des exploitations sont retardataires à la campagne. La petite exploitation paysanne n’est pas en état de satisfaire les besoins sans cesse accrus de la population en vivres et ceux de l’industrie en matières premières agricoles. Il existe une contradiction aiguë entre le bas niveau de production des céréales marchandes et des matières premières agricoles, d’un part, et l’accroissement rapide des besoins de l’État en vivres et en matières premières, d’autre part. Il est impossible, sur la base de la petite production, d’enrayer la différenciation qui se poursuit au sein des masses fondamentales de la paysannerie, d’améliorer foncièrement leur situation et de leur assurer l’aisance.

La victoire de la révolution démocratique populaire a ouvert à l’agriculture chinoise la voie d’une transformation socialiste graduelle. Le Parti communiste et le gouvernement populaire ont tracé et réalisent un plan prévoyant le passage graduel et volontaire de la petite exploitation paysanne privée à la grande exploitation socialiste collective, en partant du fait que l’industrialisation socialiste ne peut pas se faire isolément, en dehors de la coopération dans l’agriculture.

Dans la décision du Comité central du Parti communiste chinois en date du 16 décembre 1953 sur « Le développement des coopératives de production agricole », il est dit :

Afin de développer les forces productives de l’agriculture, le Parti a assigné à son activité dans les campagnes l’objectif central suivant : usant de formes d’action et de méthodes compréhensibles aux paysans et acceptables pour eux, faire l’éducation des masses paysannes et les amener graduellement à se grouper et à s’organiser ; réaliser progressivement une réorganisation socialiste de l’agriculture, afin de transformer cette dernière, fondée sur la petite exploitation marchande, individuelle et arriérée, en une économie coopérative avancée et hautement productive ; remédier progressivement à la disproportion entre l’industrie et l’agriculture et donner au paysan la possibilité de s’affranchir progressivement de la misère, de parvenir à une vie aisée et heureuse.

La Chine populaire, no 8, 1954.

La voie du rassemblement graduel des paysans pour la production en commun, tracée par le Parti communiste chinois, passe par les brigades d’entraide pour la production agricole pour aller vers les petites coopératives de production agricole de type semi-socialiste, puis vers les grandes coopératives de production agricole de forme supérieure, reposant entièrement sur la propriété sociale des moyens de production et ayant un caractère complètement socialiste.

Les brigades d’entraide pour la production agricole rassemblent plusieurs exploitations paysannes pour la réalisation en commun de certains travaux agricoles, tout en maintenant la propriété privée de la terre et des autres moyens de production. De nombreuses brigades réunissent le travail des paysans, non seulement dans l’agriculture, mais aussi dans les métiers auxiliaires. Il existe dans ces brigades une certaine division et une certaine spécialisation du travail. Quelques-unes d’entre elles créent des fonds sociaux. Grâce au travail en commun, collectif, des paysans, ces formes de coopération présentent déjà de nets avantages sur l’exploitation individuelle des paysans. Les formes inférieures de coopération préparent les paysans individuels à passer aux coopératives de production agricoles.

Les coopératives de production agricoles de type semi-socialiste supposent la mise en commun des terres « en participation », la gestion de l’exploitation unique sur la base du travail collectif et l’établissement de fonds sociaux déterminés. Ici, les revenus sont répartis d’après la superficie de la terre constituant l’apport de chacun et d’après le travail exécuté dans l’exploitation collective. La terre et les autres moyens de production restent la propriété privée des membres de la coopérative ; les paysans sont rémunérés en fonction, non seulement de la terre, mais aussi du bétail et des instruments agricoles mis par eux à la disposition de la collectivité. Peu à peu, au fur et à mesure que ces coopératives se renforcent, la part des revenus répartis selon le travail augmente de plus en plus et la rémunération proportionnelle à l’apport de chacun perd de plus en plus de son importance, la propriété sociale croît sans cesse.

La forme supérieure de la coopération agricole est la coopérative de production de type analogue à l’artel agricole soviétique, fondée sur la propriété sociale des moyens de production, la terre comprise, et sur le travail collectif. Dans ces coopératives de production agricoles de type socialiste, les revenus sont répartis uniquement au prorata des journées-travail. Le passage des formes inférieures à la forme supérieure de groupement coopératif s’effectue graduellement en tenant compte des différences existant dans le développement économique, politique et culturel de chaque région et à la condition expresse de respecter les principes du libre consentement et de l’entraide. Le Parti communiste et le gouvernement de la République populaire de Chine ont engagé une lutte énergique aussi bien contre le laisser-aller dans l’organisation des coopératives paysannes, que contre les infractions au principe du libre consentement.

La coopération dans la campagne chinoise se déroule alors que l’industrialisation du pays commence à peine et que, par suite, la base nécessaire pour équiper l’agriculture de techniques modernes d’avant-garde n’existe pas encore. L’immense majorité des coopératives de production agricoles n’a pas encore la base matérielle de la production mécanisée. C’est seulement dans quelques-unes que la terre est cultivée à l’aide des machines fournies par les premières stations de machines et de tracteurs. Les autres coopératives cultivent la terre à la main et à l’aide du bétail et utilisent des instruments aratoires archaïques ou des outils plus perfectionnés. Mais même dans ces coopératives primitives, par suite de la simple association des moyens de production et du travail collectif des paysans, le rendement des cultures est en général plus élevé que dans les exploitations paysannes individuelles. Ce qui témoigne de la grande activité au travail des membres des coopératives, de la supériorité des coopératives sur les brigades d’entraide et, à plus forte raison, sur les exploitations individuelles. Le Parti communiste chinois part du fait que pendant les deux premiers quinquennats, les transformations sociales formeront le contenu principal des transformations à la campagne et les transformations techniques ne seront qu’accessoires. Mais au cours du troisième quinquennat, la transformation de la campagne résidera dans la réalisation simultanée des transformations sociales et techniques. Pour achever dans l’essentiel le rééquipement technique de l’agriculture à l’échelle de tout le pays, il faudra à peu près de 4 à 5 quinquennats, c’est-à-dire de 20 à 25 ans.

À l’heure actuelle, dans une série de régions agricoles de la Chine, le mouvement de masse pour la coopération de la campagne a déjà commencé et il s’étend rapidement à tout le pays. La majorité des paysans chinois est absolument décidée à marcher dans la voie socialiste. L’industrialisation socialiste du pays et ses succès renforcent de jour en jour cette volonté des paysans, qui comprennent que, seule, la voie de la réunion en coopératives, la voie du socialisme, les tirera de la misère et améliorera radicalement leur vie. Ce puissant mouvement vers le socialisme de plus de 500 millions d’habitants des campagnes chinoises a une immense portée internationale.

La réorganisation d’à peu près 110 millions d’exploitations paysannes individuelles sur des bases collectives et la réalisation des transformations techniques dans l’agriculture s’accompagnent de difficultés non négligeables. Le Parti communiste chinois, qui est à la tête du vaste mouvement des masses paysannes vers le socialisme, mobilise les masses pour venir à bout des difficultés sans ralentir le rythme de la coopération dans l’agriculture.

C’est en tenant compte de la grande expérience historique de l’Union soviétique dans l’édification du socialisme, que le Parti communiste chinois dirige la paysannerie dans sa marche sur la voie du socialisme. Selon les plans actuellement ébauchés, au printemps de 1958, les coopératives agricoles à caractère semi-socialiste engloberont 250 millions d’individus, ou 55 millions d’exploitations paysannes, c’est-à-dire la moitié de toute la population de la campagne. À ce moment-là, les transformations de caractère semi-socialiste seront achevées pour l’essentiel dans de nombreux districts et dans certaines provinces et, dans différentes régions du pays, une petite partie des coopératives de caractère semi-socialiste seront devenues des coopératives de caractère entièrement socialiste. Dans la première moitié du deuxième plan quinquennal, c’est-à-dire vers 1960, les transformations semi-socialistes seront achevées pour l’essentiel dans l’économie de la moitié la plus retardataire de l’agriculture. À ce moment-là, le nombre des coopératives agricoles de caractère entièrement socialiste sera devenu encore plus grand.

Dans la sphère de la circulation, les coopératives d’achat et de vente et les coopératives de crédit prennent toujours plus d’extension. Elles aident les paysans à s’affranchir peu à peu des commerçants et des usuriers qui les exploitaient. Elles facilitent la vente par les paysans de denrées alimentaires et de matières premières agricoles à l’État, la fourniture aux campagnes de moyens de production et d’objets de consommation, l’octroi aux paysans de crédits à bon marché, le développement des caisses d’épargne. Elles favorisent l’association des exploitations paysannes en coopératives de production agricoles.

Les entreprises agricoles d’État sont appelées à jouer un grand rôle dans la transformation socialiste des exploitations paysannes. Au début de 1955, il y avait plus de 100 grandes exploitations agricoles, mécanisées, d’État et plus de 2 000 exploitations agricoles d’État, rattachées à l’administration d’une circonscription ou d’un district, environ 100 stations de machines et de tracteurs, beaucoup de stations de louage et de stations agro-techniques. Les entreprises agricoles d’État apportent aux paysans une aide réelle en leur montrant dans la pratique les avantages de la grande exploitation mécanisée.

La réalisation graduelle des transformations socialistes dans l’agriculture se déroule au milieu d’une lutte de classe aiguë. Les paysans riches essaient par tous les moyens de faire échouer la coopération, de désorganiser les coopératives ou de les utiliser à leurs fins. Les masses fondamentales de la paysannerie surmontent la résistance des paysans riches et marchent avec assurance dans la voie coopérative qui correspond à leurs intérêts vitaux.

Le groupement des petits artisans individuels en coopératives fait partie intégrante des transformations socialistes réalisées au cours de la période de transition. Orientant le développement de la petite industrie artisanale dans la voie du socialisme, le pouvoir populaire organise les artisans dans les différents types d’artels de coopération artisanale (groupes de production dans l’industrie artisanale, coopératives d’achat et de vente, coopératives de production artisanale).