Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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42.1. Les conditions préalables à la révolution populaire en Chine.

Jusqu’à la victoire de la révolution populaire, la Chine était un pays agricole retardataire, dépendant des puissances impérialistes. L’économie chinoise revêtait un caractère semi-féodal et semi-colonial.

Le caractère semi-féodal de l’économie résidait dans la domination de la propriété des grands propriétaires fonciers féodaux et dans les méthodes semi-féodales d’exploitation de la paysannerie, ce qui était la principale cause de la stagnation, du retard et de l’absence de droits du pays. La terre était cultivée avec des procédés primitifs. D’ordinaire, les grands propriétaires fonciers n’exploitaient pas un grand domaine, mais louaient la terre aux paysans par petites parcelles. Le fermage était la forme de faire-valoir la plus usitée, le sol étant généralement affermé pour une période indéterminée ou à perpétuité. Les formes précapitalistes de la rente : rente-travail, rente en nature et rente en espèces étaient les plus largement répandues.

Le caractère semi-colonial de l’économie résidait dans le fait que pendant longtemps, les impérialistes étrangers y ont fait la loi. D’une part, l’intrusion de l’impérialisme étranger a accéléré la décomposition des rapports féodaux et, d’autre part, ayant intérêt à maintenir les survivances féodales en Chine, l’impérialisme a traité avec les forces féodales et a freiné le développement du capitalisme chinois. La clique des grands propriétaires fonciers et de la bourgeoisie compradore, qui gouvernait la Chine, favorisait par tous les moyens la pénétration des monopoles étrangers dans l’économie du pays. Malgré un certain développement, le capitalisme n’est pas devenu le principal type d’économie de la Chine.

Jusqu’à la révolution, la Chine est restée un pays où le capitalisme était extrêmement peu développé. L’industrie moderne, l’industrie lourde surtout, était très faible. Les monopoles étrangers freinaient le développement de l’industrie, surtout des branches produisant les moyens de production ; ils maintenaient le pays dans un état de retard technique et économique. Les entreprises industrielles modernes n’existaient que dans très peu de régions côtières et au nord-est tandis que sur presque tout l’immense territoire du pays on ne connaissait absolument pas l’industrie mécanique. Avant la révolution, en Chine, la production de l’industrie moderne ne s’élevait qu’à 17 % de la somme globale de la production industrielle et agricole. La majeure partie des articles industriels était fabriquée par de petites entreprises artisanales et des manufactures. En même temps, le développement des rapports marchands à la ville et à la campagne aggravait à l’extrême le joug insupportable des formes semi-féodales d’exploitation de la paysannerie. L’extension du travail salarié avait créé de nombreux cadres de prolétaires à la ville et à la campagne.

Les grands propriétaires fonciers, qui représentaient de 4 à 5 % de la population rurale, détenaient plus de la moitié du sol ; les paysans pauvres et moyens, soit 90 % de la population rurale, ne possédaient que 30 % des terres. Les paysans prenaient la terre en métayage et remettaient au propriétaire foncier de 50 à 70 % de la récolte en échange du droit de cultiver sa terre et d’employer son cheptel. Les paysans pauvres et moyens — la grande masse de la population rurale — étaient obligés de solliciter des prêts en argent et en nature auprès des grands propriétaires fonciers et des usuriers. Environ 60 % des exploitations paysannes avaient constamment recours à l’« aide » des usuriers pour payer les impôts ; la moitié environ des paysans manquaient régulièrement de vivres et devaient en emprunter chez les riches. Les usuriers et les propriétaires fonciers percevaient des intérêts énormes pour les prêts qu’ils consentaient aux paysans.

La Chine tombait de plus en plus dans la dépendance des puissances impérialistes : de l’Angleterre, du Japon et des États-Unis principalement. 75 % des capitaux investis dans l’industrie appartenaient à des étrangers. L’impérialisme américain avait acquis, depuis 1930-1940, une place prépondérante en Chine. En 1938, 23 % du commerce extérieur chinois et, en 1946, 53 % se faisaient avec les États-Unis. Les monopoles américains contrôlaient l’industrie, le commerce intérieur et extérieur, les finances.

Dès le milieu du siècle dernier, quand les puissances capitalistes ont commencé à pénétrer profondément en Chine, la classe des grands propriétaires féodaux qui gouvernait le pays s’est montrée absolument incapable de défendre l’État contre les atteintes des ennemis de l’extérieur, si bien que la Chine, cet immense pays, cessa en fait d’être un État indépendant. Le caractère semi-féodal et semi-colonial de l’économie chinoise déterminait la structure sociale de la population.

Les grands propriétaires fonciers constituaient la classe exploiteuse la plus réactionnaire. C’est principalement sur eux que s’appuyaient les impérialistes étrangers pour assujettir le peuple chinois.

La paysannerie était la classe la plus nombreuse. Depuis que les rapports marchands s’étaient développés à la campagne, une différenciation de classes se poursuivait dans son sein. À la veille de la victoire de la révolution populaire, les ouvriers agricoles (dépourvus de terre) et les paysans pauvres (insuffisamment pourvus de terre) constituaient 70 % de la population rurale ; les paysans moyens, 20 % et les paysans riches, de 5 à 6 %. Les masses fondamentales de la paysannerie, qui souffraient cruellement du joug de l’impérialisme et du féodalisme, haïssaient leurs oppresseurs.

Au 20e siècle, le développement du capitalisme fit apparaître de nouvelles classes à côté des grands propriétaires fonciers et des paysans : la bourgeoisie et le prolétariat.

Dès ses premiers pas, la bourgeoisie s’est trouvée sous la dépendance économique étroite des impérialistes étrangers. La grande bourgeoisie compradore était étroitement liée à la propriété foncière féodale et aux capitalistes étrangers, pour la plupart américains, anglais et japonais. Elle servait d intermédiaire entre les impérialistes étrangers et le marche chinois et elle s’était assurée des richesses considérables par une exploitation impitoyable des masses ouvrières et paysannes. Sous la domination de la clique du Kouomintang, une petite poignée de monopolistes qui utilisaient largement le pouvoir de l’État pour piller le pays (et qu’on a appelée « le capital bureaucratique »), s’est emparée de positions importantes dans l’économie du pays.

La bourgeoisie nationale (surtout moyenne) constituait une autre fraction de la bourgeoisie. Les monopolistes étrangers entravant par tous les moyens le développement d’une industrie chinoise, la bourgeoisie nationale avait adopté une attitude d’opposition vis-à-vis des impérialistes étrangers et de la bourgeoisie compradore.

La bourgeoisie rurale, — les paysans riches, — employait largement la main-d’œuvre salariée (les ouvriers agricoles), alliant l’exploitation capitaliste de la paysannerie aux méthodes d’exploitation semi-féodales.

La petite bourgeoisie des villes (artisans, petits commerçants) constituait une couche très nombreuse de la population, couche parmi laquelle le mécontentement grandissait à l’égard de l’asservissement impérialiste et de l’oppression féodale.

À la veille de la victoire de la révolution populaire, le prolétariat industriel comptait environ 4 millions de personnes. En dehors des prolétaires des fabriques et des usines, il existait des millions de prolétaires et de semi-prolétaires : dockers, portefaix (coolies, tireurs de pousse-pousse), terrassiers, ainsi qu’un prolétariat rural (ouvriers agricoles) qui s’élevait à plusieurs dizaines de millions de personnes. Le prolétariat industriel, fraction la mieux organisée et la plus consciente des masses laborieuses, dont il était l’avant-garde, a exercé, à partir de 1920-1930, une influence décisive sur la vie politique du pays.

Après la première guerre mondiale, sous l’influence de la grande Révolution socialiste d’Octobre en Russie, un large mouvement révolutionnaire, anti-impérialiste et antiféodal, lié au rapide essor du mouvement ouvrier, est né en Chine. La révolution chinoise, dont le but était de rejeter le joug de l’impérialisme et du féodalisme, est devenue une partie de la révolution mondiale.