Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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L’économie des pays européens de démocratie populaire est caractérisée par l’existence simultanée de plusieurs types d’économie, propre à la période transitoire. Elle comprend trois principaux types, ou secteurs de l’économie nationale : le secteur socialiste, le secteur de la petite production marchande, le secteur capitaliste. Au type socialiste se rattachent : 1. les entreprises industrielles et les moyens de transport, les banques, les entreprises commerciales, les domaines agricoles, les stations de machines et de tracteurs qui sont la propriété de l’État, du peuple tout entier ; 2. les entreprises fondées sur la propriété coopérative : coopératives artisanales, de consommation, de crédit mutuel, agricoles, de vente et d’achat, de production agricole.
Dans tous les pays européens de démocratie populaire, le secteur socialiste occupe une situation déterminante dans l’économie. C’est dans ce secteur qu’est créée la partie essentielle du revenu national. L’industrie, les transports, toutes les opérations bancaires, tout le commerce intérieur de gros et la majeure partie du commerce de détail sont concentrés entre les mains de l’État. Le monopole du commerce extérieur a été institué. Dans l’agriculture, par contre, le secteur socialiste n’est pas encore prépondérant, sauf en Bulgarie.
Le secteur socialiste, qui occupe une situation dominante dans l’économie nationale et détient les leviers de commande de l’économie, constitue la force déterminante du développement économique de chacun des pays de démocratie populaire. Et d’année en année, il renforce ses positions.
Ces dernières années, la part des formes socialistes de l’économie a été : dans le revenu national : de 76 % en Pologne (en 1953), de 92 % en Tchécoslovaquie (en 1953), de 81 % en Hongrie (en 1954), de 70 % en Roumanie (en 1952), de 87 % en Bulgarie (en 1954), d’environ 70 % en Albanie (en 1952) ; dans la production industrielle: de 99,5 % en Pologne (en 1953), de 99,6 % en Tchécoslovaquie (en 1953), de 97 % en Hongrie (en 1954), de 99 % en Roumanie (en 1954) ; dans le commerce de gros : de 100 % dans tous ces pays ; dans le commerce de détail en 1954 : de 96 % en Pologne, de 99,8 % en Tchécoslovaquie, de 99,7 % en Hongrie, de 76 % en Roumanie, de 99,5 % en Bulgarie.
Dans la République démocratique allemande, la part du secteur socialiste a été, en 1953, de : 86,5 % dans l’industrie ; de 94,5 % dans le commerce de gros ; de 70 % environ dans le commerce de détail.
Dans le secteur socialiste, l’exploitation de l’homme par l’homme a disparu et le travail a changé de caractère : ce n’est plus un travail pour les capitalistes, mais un travail pour soi, pour la société. En raison des changements intervenus dans les conditions économiques, les lois économiques du capitalisme, qui traduisaient des rapports fondés sur l’exploitation et l’anarchie de la production, ont cessé de jouer dans le secteur socialiste ; il y est apparu et entré en vigueur des lois nouvelles, celles de l’économie socialiste : loi économique fondamentale du socialisme, loi du développement harmonieux (proportionné) de l’économie nationale, loi de la répartition selon le travail, etc. L’industrie socialiste se développe sans cesse sur la base d’une technique supérieure afin d’assurer le triomphe du socialisme et de satisfaire les besoins croissants des travailleurs. La production socialiste est régie par un plan conformément à la loi du développement harmonieux (proportionné) de l’économie nationale. Les méthodes de planification ne cessent de se perfectionner.
L’existence de deux formes de propriété socialiste et de la petite production marchande détermine, dans les pays de démocratie populaire, l’action de la loi de la valeur et des catégories économiques qui s’y rattachent : monnaie, commerce, crédit, etc. La loi de la valeur n’est pas régulatrice de la production socialiste, mais elle exerce sur celle-ci une action dont les États de démocratie populaire doivent tenir compte pour planifier les prix, appliquer la gestion équilibrée, etc. Le commerce, la monnaie, le crédit et les autres catégories économiques liées à la loi de la valeur sont utilisées avec succès dans l’intérêt du socialisme et deviennent des instruments de l’édification socialiste.
Étant donné que le secteur socialiste joue un rôle déterminant dans l’économie des pays de démocratie populaire, la loi économique fondamentale du socialisme, la loi du développement harmonieux de l’économie nationale et les autres lois économiques du socialisme exercent une influence croissante sur le développement de l’ensemble de l’économie nationale. Au fur et à mesure que les rapports de production socialiste se développent, la sphère d’action des lois économiques du socialisme s’élargit infailliblement.
À la petite production marchande se rattachent les exploitations individuelles des paysans travailleurs ainsi que celles des petits artisans, qui reposent sur le travail personnel de leurs propriétaires. Dans certains pays (Albanie), des survivances de l’économie patriarcale subsistent encore dans les campagnes. Les exploitations paysannes individuelles produisent la plus grande partie des denrées agricoles. Parmi les exploitations des paysans individuels, celles des paysans moyens sont prédominantes. L’exploitation paysanne individuelle, petite productrice de marchandises, fondée sur la propriété privée des moyens de production, engendre inévitablement des éléments de capitalisme.
Dans les pays européens de démocratie populaire, la planification ne s’étend pas encore à toute l’économie nationale. Dans le secteur de la petite production marchande, la loi de la valeur est le régulateur de la production. Cependant, en démocratie populaire, du fait qu’il s’appuie sur la loi du développement harmonieux de l’économie nationale, le pouvoir exerce aussi une action régulatrice sur la petite production marchande par l’intermédiaire du commerce, des stockages, des prix, du crédit, de l’impôt, etc.
Le secteur capitaliste comprend les exploitations des paysans riches, les entreprises commerciales et les entreprises industrielles privées reposant sur l’exploitation du travail salarié.
Dans le secteur capitaliste, la loi de la valeur est régulatrice de l’économie. Dans les limites de ce secteur, la loi de la plus-value continue de jouer, mais sa sphère d’action est considérablement réduite. La grandeur des entreprises capitalistes et les possibilités d’exploiter le travail salarié sont fortement limitées. Parmi les moyens employés pour limiter les éléments capitalistes, il y a le taux élevé des impositions et une série de mesures destinées à combattre le libre jeu du marché.
La classe ouvrière et la paysannerie constituent les principales classes des pays de démocratie populaire. À côté des classes laborieuses, il existe une bourgeoisie représentée par les paysans riches ainsi que par les entrepreneurs privés du commerce et de l’industrie.
L’alliance étroite de la classe ouvrière, qui assume le rôle dirigeant, et de la paysannerie travailleuse, alliance dirigée contre le capitalisme en vue de bâtir une société socialiste, est la base vitale de l’existence et du développement du régime social et politique des pays de démocratie populaire.
L’alliance des ouvriers et des paysans, sous la direction de la classe ouvrière, a été et demeure le pivot, la force motrice de nos transformations révolutionnaires. Au cours de dizaines d’années de lutte contre le capitalisme et le fascisme, la classe ouvrière a renforcé son alliance avec les masses fondamentales de la paysannerie travailleuse. Etendre, consolider, approfondir cette alliance, tel est le principe essentiel dont s’inspire la politique du pouvoir populaire, le gage de sa force et de ses succès.
La contradiction essentielle de l’économie des pays de démocratie populaire durant la période de transition du capitalisme au socialisme, est celle qui existe entre le socialisme en plein essor et le capitalisme battu, mais non encore anéanti, qui conserve des racines dans la petite production marchande. Le socialisme s’édifie ici dans un climat de lutte de classes exacerbée. La résistance des classes agonisantes se traduit par l’activité hostile des vestiges des partis politiques antipopulaires écrasés, ainsi que par des déviations nationalistes, de droite et de « gauche », au sein des partis communistes (ouvriers), par le travail de sape, le sabotage et les actes de diversion des agents de l’impérialisme. Les partis communistes (ouvriers), les masses populaires démasquent les éléments hostiles au socialisme et font triompher une politique axée sur l’édification du socialisme.
Dans sa politique, le pouvoir d’État des pays de démocratie populaire, part des lois économiques objectives qu’il utilise pour assurer la victoire complète des formes d’économie socialistes sur les formes capitalistes.
S’inspirant de la théorie marxiste-léniniste sur la période de transition du capitalisme au socialisme, le pouvoir démocratique populaire renforce l’alliance de la classe ouvrière et de la paysannerie et mène la lutte contre les éléments capitalistes de la ville et de la campagne qu’il limite et élimine progressivement. Les États de démocratie populaire utilisent au maximum le marché pour développer les liens commerciaux entre l’industrie et l’agriculture. En même temps qu’ils procèdent à l’industrialisation socialiste, ils resserrent l’alliance entre la ville et la campagne dans le domaine de la production et appliquent une politique dont l’objectif est d’amener les exploitations paysannes à se grouper de leur plein gré en coopératives de production.
La construction du socialisme, dans les pays de démocratie populaire, repose donc sur les principes fondamentaux qui ont inspiré la nouvelle politique économique en U.R.S.S. Mais nous l’avons déjà dit, ces principes sont appliqués dans les pays de démocratie populaire en tenant compte de la grande originalité du développement historique des conditions économiques, politiques et nationales de chaque pays.
Dans les pays européens de démocratie populaire, l’édification du socialisme s’accomplit dans des conditions historiques beaucoup plus favorables qu’en U.R.S.S., premier pays du socialisme triomphant. Ces pays, qui jettent les fondements économiques et culturels du socialisme, bénéficient largement de la très riche expérience de l’édification socialiste en Union soviétique ; ils s’appuient sur la puissance du camp socialiste tout entier et sur l’entraide croissante de tous les pays faisant partie de ce camp. La solution des problèmes de l’édification socialiste s’en trouve énormément facilitée.
L’aide décisive de l’Union soviétique a permis de déjouer les plans d’intervention impérialiste contre les pays européens de démocratie populaire qui ont de la sorte fait l’économie d’une longue période de guerre civile et n’ont pas eu besoin d’appliquer une politique de «communisme de guerre ». Ils ont pu ainsi, dans les délais les plus brefs, relever leur économie et entreprendre la reconstruction socialiste de l’économie nationale.