Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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La société, en se développant, passe à des formes d’organisation de plus en plus élevées : toute l’histoire de l’humanité est là pour le confirmer. Le degré le plus élevé, le plus progressiste, du développement social est la société communiste, but final de la lutte des travailleurs de tous les pays pour leur émancipation.
La société communiste passe par deux phases de développement : une phase inférieure, appelée socialisme, et une phase supérieure, appelée communisme. Au premier stade de son évolution, la société communiste ne peut pas encore être affranchie des pratiques et des survivances du capitalisme, dont elle est issue. Seul le développement ultérieur du socialisme sur sa base propre, qu’il a lui-même créée, conduit à la seconde phase, la phase supérieure de la société communiste. Le socialisme et le communisme représentent donc deux degrés différents de maturité d’une formation nouvelle, la formation sociale communiste.
Les deux phases du communisme possèdent la même base économique : la propriété sociale des moyens de production, qui détermine le développement harmonieux de l’économie nationale. Elles sont caractérisées l’une et l’autre par l’absence de classes exploiteuses et l’absence d’exploitation de l’homme par l’homme, d’oppression raciale et nationale. Pour le socialisme comme pour le communisme, le but de la production est de satisfaire au maximum les besoins matériels et culturels sans cesse croissants de l’ensemble de la société, et le moyen d’y parvenir est d’accroître et de perfectionner sans cesse la production sur la base d’une technique supérieure.
Mais la phase supérieure du communisme n’en présente pas moins des différences essentielles par rapport à sa phase inférieure, car elle marque un degré supérieur de maturité économique et culturelle de la société communiste.
Avec le socialisme, les forces productives ont déjà atteint un niveau élevé : la production socialiste se développe régulièrement à des rythmes rapides ; la productivité du travail social croît également. Mais les forces productives de la société et la productivité du travail des producteurs sont encore insuffisantes pour créer l’abondance des biens matériels. Le communisme suppose un niveau de développement des forces productives de la société et de la productivité du travail social capable d’assurer cette abondance.
En régime socialiste coexistent deux formes de propriété collective, socialiste : la propriété d’État et la propriété coopérative-kolkhozienne ; en régime communiste, la propriété communiste unique des moyens de production règne sans partage.
En régime socialiste, en raison de l’existence de deux formes principales de production socialiste : la production d’État et la production kolkhozienne, la production et la circulation marchandes continuent d’exister ; en régime communiste, où régnera la propriété communiste unique, une forme unique de production communiste, il n’y aura plus ni production marchande, ni circulation marchande ; la monnaie ne sera donc plus nécessaire.
En régime socialiste, l’opposition a disparu entre la ville et là campagne, entre le travail intellectuel et le travail manuel ; mais il subsiste entre eux des différences essentielles. Avec le communisme, il n’y aura plus de différences essentielles entre la ville et la campagne, entre le travail intellectuel et le travail manuel ; il ne subsistera entre eux que des différences non essentielles.
La société socialiste comprend deux classes : la classe ouvrière et la paysannerie kolkhozienne, classes amies, mais qui se différencient par leur situation dans la production sociale ; il existe à côté d’elles une autre couche sociale, celle des intellectuels socialistes. Lorsque la différence entre les deux formes de propriété socialiste, ainsi que les différences essentielles entre la ville et la campagne, entre le travail manuel et le travail intellectuel auront disparu, les démarcations s’effaceront définitivement entre ouvriers, paysans et intellectuels ; tous deviendront des travailleurs de la société communiste. Le communisme est une société sans classes.
En régime socialiste, le travail, affranchi de toute exploitation, est équipé d’une technique moderne et est une question d’honneur. Mais la production n’est pas encore entièrement mécanisée, le travail n’est pas encore devenu le premier besoin vital de tous les hommes, certains membres de la société se montrent encore négligents dans le travail, et la nécessité subsiste d’un contrôle très strict, par la société, de la façon dont s’opère la mesure du travail et de la rémunération. En régime communiste, la production sera entièrement mécanisée et automatisée, et le travail cessera d’être seulement un moyen de subvenir à l’existence pour devenir aux yeux de toute la société le premier besoin vital.
Le communisme assure à tous les membres de la société l’épanouissement de leurs facultés physiques et intellectuelles. Tous seront des hommes cultivés, d’une instruction générale étendue dans tous les domaines, et pourront se choisir librement une profession. Le communisme suppose un développement encore sans précédent de la science, des arts et de la culture.
Un niveau élevé de développement des forces productives et de la productivité du travail social procurera l’abondance de tous les biens matériels et culturels ; c’est alors que l’on pourra passer du principe socialiste de répartition au principe communiste :
Dans une phase supérieure de la société communiste, écrivait Marx, quand auront disparu l’asservissante subordination des individus à la division du travail et, avec elle, l’opposition entre le travail intellectuel et le travail manuel ; quand le travail ne sera pas seulement un moyen de vivre, mais deviendra lui-même le premier besoin vital ; quand, avec le développement multiple des individus, les forces productives se seront accrues elles aussi, et que toutes les sources de la richesse collective jailliront avec abondance, alors seulement… la société pourra écrire sur ses drapeaux : « De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins ».
Telles sont les principales différences entre le socialisme et le communisme.
Développant et enrichissant la théorie marxiste du communisme, Lénine a formulé les principes fondamentaux concernant les voies à suivre pour bâtir la société communiste. Justifiant le programme du Parti communiste, il déclarait :
D’autre part, au moment où nous nous engageons dans la voie des transformations socialistes, nous définir clairement l’objectif vers lequel elles tendent en fin de compte, à savoir la création d’une société communiste, qui ne se borne pas à l’expropriation des fabriques, des usines, du sol et des moyens de production, qui ne se limite pas à un inventaire et à un contrôle rigoureux de la production et de la répartition des produits, mais qui va plus loin, vers la réalisation du principe : de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins.
L’Union soviétique a tout ce qui est nécessaire pour édifier intégralement le communisme. Elle dispose de ressources matérielles et de richesses naturelles prodigieuses, d’une puissante industrie et d’une grande agriculture hautement mécanisée. L’activité créatrice des masses, qui se traduit par l’émulation socialiste généralisée, accélère puissamment le développement de l’économie soviétique dans la voie du communisme. Le peuple soviétique va au communisme sous la direction du Parti communiste, armé de la théorie marxiste-léniniste de la connaissance des lois économiques du socialisme, d’un programme scientifiquement fondé d’édification de la société communiste.
Les conditions internationales de la construction du communisme en U.R.S.S. se sont profondément modifiées après la deuxième guerre mondiale. Alors que l’Union soviétique était auparavant le seul pays socialiste, il existe aujourd’hui un puissant camp du socialisme qui compte des centaines de millions d’hommes. Le rapport des forces, dans l’arène mondiale, est à présent tout autre, et il s’est créé une situation entièrement nouvelle pour l’édification du socialisme et du communisme. Les pays de démocratie populaire, en Europe et en Asie, jettent les fondements du socialisme, première phase de la société communiste. Le renforcement ininterrompu de la puissance du camp socialiste, une coopération économique, politique et culturelle toujours plus étroite des peuples qui en font partie, sont la condition déterminante de la victoire du socialisme et du communisme dans tous ces pays.
Mais, à côté du camp socialiste, il existe un camp impérialiste, qui lui est hostile. Et tant que ce camp continue d’exister, le danger subsiste d’une agression militaire contre l’Union soviétique et les pays de démocratie populaire de la part des puissances impérialistes agressives.
Le marxisme-léninisme enseigne qu’à la phase supérieure du communisme, quand les classes et les différences de classes auront disparu, l’État deviendra inutile et dépérira. Encore faudra-t-il compter avec la situation internationale. L’État subsistera-t-il à l’époque du communisme ? À cette question, Staline a donné la réponse suivante :
Oui, il subsistera si l’encerclement capitaliste n’est pas liquidé, si le danger d’agressions militaires du dehors n’est pas écarté. Et l’on conçoit que les formes de notre État seront de nouveau modifiées en conformité des changements qui pourront survenir dans la situation intérieure et extérieure. Non, il ne subsistera pas, il disparaîtra, si l’encerclement capitaliste est liquidé, s’il est remplacé par l’encerclement socialiste.
L’État socialiste est nécessaire tant que subsistera le danger d’une agression des États impérialistes contre l’U.R.S.S. et les autres pays du camp socialiste. Aussi l’Union soviétique et les autres pays du camp du socialisme, qui mènent une politique de paix conséquente, doivent-ils en même temps se tenir prêts à repousser toute agression du dehors. Il faut pour cela renforcer au maximum l’État socialiste, accroître la puissance économique du pays, assurer sa capacité de défense.
Il ne faut pas s’imaginer que le passage au communisme peut se faire du jour au lendemain. Il s’accomplit graduellement, par le développement harmonieux des assises et des principes du socialisme. Achever l’édification de la société socialiste, c’est réaliser en même temps le passage graduel du socialisme au communisme.
Le passage graduel du socialisme au communisme n’exclut pas des bonds révolutionnaires dans le développement de la technique, de l’économie, de la science et de la culture. Ainsi, la découverte de nouvelles sources d’énergie et de nouvelles matières premières, l’application de nouvelles inventions techniques entraînent une véritable révolution technique. Le passage des deux formes de la propriété sociale à la propriété communiste unique des moyens de production, le passage du principe socialiste de la répartition selon le travail au principe communiste de la répartition selon les besoins marqueront de profonds changements qualitatifs dans l’économie et dans toute la vie de la société.
La loi selon laquelle le passage d’un ancien état qualitatif de la société à un nouveau se fait par explosion, loi qui est obligatoire pour une société divisée en classes hostiles, ne l’est nullement pour une société qui, telle la société socialiste, ne comporte pas de classes hostiles. Les conditions matérielles et culturelles du communisme apparaissent à mesure que se développent les forces productives de la société socialiste, que sa richesse et sa culture augmentent, que la propriété sociale des moyens de production s’affermit et s’étend, que progresse l’éducation des masses dans l’esprit du communisme.
Cela ne signifie pas que le développement de la société vers le communisme se produise sans qu’il y ait à surmonter des contradictions internes. Mais ces contradictions, ainsi qu’il a été dit, n’ont pas un caractère antagonique. Le Parti communiste et l’État soviétique sont en mesure, en apprenant à connaître les lois économiques du développement de la société et en s’appuyant sur elles, de déceler en temps utile les contradictions naissantes et de prendre les mesures nécessaires pour les éliminer.