Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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39.5. L’accumulation socialiste. L’accumulation et la consommation dans la société socialiste.

La reproduction socialiste élargie a sa source dans l’accumulation socialiste, constituée par l’utilisation d’une partie du revenu net de la société, composée de moyens de production et de biens de consommation, pour étendre la production ainsi que pour former des réserves matérielles et accroître les fonds sociaux et culturels non productifs.

L’accumulation socialiste entraîne un accroissement des valeurs matérielles qui sont la propriété de l’État ou celle des coopératives et des kolkhoz ; cet accroissement marque une augmentation de la richesse nationale de la société socialiste. La part accumulée du revenu national s’exprime également en monnaie. La majeure partie de l’argent accumulé dans toutes les branches de l’économie nationale et une partie de l’argent de la population sont mobilisées par le canal du budget d’État pour subvenir aux besoins généraux.

L’accumulation socialiste s’accomplit par les investissements au titre des fonds fixes de l’économie nationale. Ces investissements sont l’ensemble des dépenses destinées, au cours d’une période déterminée, à la création de nouveaux fonds fixes, productifs et non productifs, ou à la modernisation de ceux qui existent déjà. Une partie de ces investissements servent à reconstituer les fonds fixes usés. L’État soviétique exécute méthodiquement et systématiquement des travaux d’une ampleur exceptionnelle : construction et agrandissement d’usines, de centrales électriques et de mines, organisation de sovkhoz et de stations de machines et de tracteurs, installation de moyens de transport et de communication, construction d’habitations, d’écoles, d’hôpitaux, d’établissements pour enfants.

Les investissements effectués par l’État soviétique au titre des fonds fixes de l’économie nationale se sont élevés (aux prix actuels) à 68 milliards de roubles en 1929-1932, à 158 milliards en 1933-1937, à plus de 900 milliards en 1946-1954. La majeure partie en est destinée au développement de l’industrie socialiste. Ce sont ces investissements qui ont permis de construire et de mettre en service plus de 1 500 grandes entreprises industrielles durant le premier quinquennat, 4 500 pendant le deuxième quinquennat, environ 3 000 au cours des trois années et demie du troisième quinquennat ; de relever et de bâtir, de 1946 à 1954 plus de 8 000 entreprises industrielles d’État, sans compter les entreprises agricoles et des milliers d’établissements culturels et sociaux.

L’accumulation socialiste repose sur l’élévation constante de la productivité du travail social, sur l’abaissement méthodique du prix de revient de la production.

La planification de l’économie socialiste, l’absence de crises, le niveau élevé des investissements au titre des fonds fixes dans l’économie nationale, l’utilisation méthodique et rationnelle des moyens de production et de la main-d’œuvre dans la production sociale, l’absence de consommation parasite déterminent des rythmes rapides d’accumulation, comme le capitalisme n’en a jamais connu, même aux périodes les plus favorables de son développement.

Aux États-Unis, la part du revenu national accumulée a été en moyenne d’environ 10 % de 1919 à 1928, et de 2 % seulement de 1929 à 1938. En U.R.S.S., le fonds d’accumulation (réserves comprises) constitue un quart environ du revenu national.

Le socialisme a fait disparaître l’antagonisme entre la production et la consommation, caractéristique du capitalisme. La reproduction socialiste élargie, basée sur le développement prioritaire de la production des moyens de production, suppose en même temps l’augmentation constante de la production des biens de consommation.

La société socialiste ignore également la division (propre au capitalisme et résultant de l’existence de classes antagonistes) des biens de consommation en moyens de consommation nécessaires des masses travailleuses et en objets de luxe consommés exclusivement par les classes exploiteuses. En régime socialiste, le fonds de consommation est tout entier à la disposition des masses laborieuses.

À mesure que la production se développe, que le revenu national s’accroît, ainsi que le volume de l’accumulation socialiste, les fonds de consommation courante augmentent également, et les besoins sociaux et personnels des travailleurs sont de mieux en mieux satisfaits.

L’accroissement de la consommation courante va de pair avec une amélioration de sa structure : la part des marchandises et des produits de haute qualité ne cesse d’augmenter. De 1947 à 1954, la vente à la population a augmenté de plus de 7 fois pour le pain blanc, de plus de 2,5 fois pour la viande et les produits dérivés, de plus de 2 fois pour le beurre et l’huile, de presque 6 fois pour le sucre, de plus de 3,5 pour les fruits. Les articles industriels formaient en 1940 36,9 % des marchandises circulant dans le pays, et 45,2 % en 1954.

C’est donc que le socialisme a une loi économique de l’accumulation, une loi qui lui est propre. La loi de l’accumulation socialiste détermine le progrès ininterrompu de la richesse nationale du fait qu’une partie du revenu net est toujours consacrée à développer la production pour satisfaire les besoins croissants de toute la société. Contrairement à la loi générale de l’accumulation capitaliste, en vertu de laquelle l’augmentation de la richesse des classes exploiteuses s’accompagne inévitablement de la paupérisation des masses laborieuses, la loi de l’accumulation socialiste fait que l’accroissement de la richesse nationale entraîne une élévation constante du niveau d’existence matérielle et culturelle de la population.

L’État soviétique établit dans ses plans, pour chaque période, des proportions déterminées entre le fonds d’accumulation et le fonds de consommation en fonction des tâches fondamentales de la construction du communisme. En prenant d’importantes mesurer pour assurer un vigoureux essor de l’agriculture et le développement de l’industrie produisant des biens de consommation, le Parti communiste et le gouvernement soviétique assurent l’accroissement du fonds de consommation courante.

La balance de l’économie nationale de l’U.R.S.S. englobe tous les éléments de la reproduction socialiste élargie : production, répartition, circulation et consommation — dans leur unité et leur conditionnement réciproque. Concrétisée par le plan de l’économie nationale, elle traduit l’ensemble du processus et les résultats de la reproduction socialiste élargie.

En régime socialiste a cessé de jouer la loi de population capitaliste, en vertu de laquelle une partie toujours croissante de la population ouvrière devient superflue, est rejetée hors de la production et va grossir l’armée des chômeurs à mesure que s’accroît la richesse sociale. Le socialisme assure le plein emploi de toute la population apte au travail. Il n’y a donc pas et il ne peut y avoir surpopulation en régime socialiste. Un accroissement ininterrompu et rapide de la population, un niveau de bien-être matériel élevé, un taux faible de morbidité et de mortalité, l’utilisation complète et rationnelle de toute la population capable de travailler caractérisent essentiellement la loi de population socialiste.

De 1926 à 1939, l’accroissement net moyen de la population a été en U.R.S.S. d’environ 2 millions de personnes par an, soit de 1,23 %, contre 0,08 % en France, 0,62 % en Allemagne, 0,36 % en Angleterre, 0,67 % aux États-Unis. Au cours de ces dernières années, l’accroissement net annuel de la population soviétique est de plus de 3 millions de personnes. En 1954, la mortalité avait diminué en U.R.S.S. de plus de moitié par rapport à 1927, et de plus des deux tiers par rapport à 1913. Elle est moins élevée qu’aux États-Unis, en Angleterre et en France.

La reproduction socialiste est donc caractérisée par une extension méthodique et constante de l’ensemble de la production sociale à des rythmes rapides qui seraient impossibles en régime capitaliste ; par une augmentation rapide et ininterrompue de l’ensemble de la population, y compris la classe ouvrière et les intellectuels ; par l’élévation incessante du bien-être matériel et du niveau culturel des masses populaires.