Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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39.3. Le rapport entre les deux sections de la production sociale.

Le plan établit, conformément aux exigences de la loi économique fondamentale du socialisme et de la loi du développement harmonieux, proportionné, de l’économie nationale, les proportions indispensables entre la production des moyens de production et celle des biens de consommation, entre les différentes branches de l’économie nationale, entre la production et la circulation, entre l’accumulation, la consommation et les réserves, etc.

Une condition essentielle de la reproduction socialiste est l’établissement d’un juste rapport entre les sections I et II de la production sociale, le rôle déterminant dans toute l’économie appartenant à la section I, qui fournit les moyens de production. Sans développement prioritaire de la production des moyens de production, la reproduction élargie est impossible.

Pour élargir la production (« accumuler » au sens absolu du mot), il est nécessaire de produire d’abord des moyens de production ; il faut donc, pour cela, élargirla section de la production sociale qui fournit les moyens de production.

V. Lénine, « Pour caractériser le romantisme économique », Œuvres, t. 2, p. 152.

Lénine indiquait que le développement prioritaire de la production des moyens de production par rapport à celle des biens de consommation, lors de la reproduction élargie, est une loi économique.

La loi du développement prioritaire de la production des moyens de production acquiert en régime socialiste une importance plus grande encore qu’en régime capitaliste. Le développement plus rapide de la section I que de la section II est la condition nécessaire de l’essor ininterrompu de la production socialiste sur la base d’une technique supérieure.

Le développement prioritaire de la production des moyens de production (et avant tout de l’industrie lourde) est la condition nécessaire de l’emploi généralisé des moyens techniques les plus modernes dans tous les domaines de la production socialiste et d’une élévation constante de la productivité du travail.

Le développement prioritaire de la production des moyens de production entraîne par ailleurs un développement plus rapide de l’industrie par rapport à l’agriculture. En régime socialiste, les proportions établies entre l’industrie et l’agriculture assurent un accroissement ininterrompu non seulement de la production industrielle, mais aussi de la production agricole.

Seul le développement prioritaire, et plus rapide qu’en régime capitaliste, de la production des moyens de production peut assurer un accroissement systématique de la production des biens de consommation et une élévation continue du bien-être du peuple. L’essor ininterrompu et rapide de l’industrie lourde, dépassant celui de toutes les autres branches de l’industrie et de l’économie nationale, est la condition nécessaire du développement régulier de l’agriculture et des industries légère et alimentaire, qui produisent des articles de consommation courante.

Ainsi, la reproduction socialiste élargie, qui s’accompagne d’un progrès technique accéléré, est caractérisée par une augmentation de la production où le développement des branches fournissant des moyens de production (section I) est plus rapide que celui des branches produisant des biens de consommation (section II). D’autre part, en régime socialiste, la production des biens de consommation augmente sans cesse, en chiffres absolus, ce qui se traduit par un accroissement de la production dans l’agriculture, ainsi que dans les industries légère et alimentaire, par l’extension donnée à la construction d’habitations dans les villes et à la campagne, par le développement de la circulation des marchandises.

La part des moyens de production dans l’ensemble de la production industrielle de l’U.R.S.S. était de 34 % en 1924-1925, de 58 % en 1937, d’environ 70 % en 1954.

De 1925 à 1954, la production industrielle des objets de consommation courante a été multipliée en U.R.S.S. environ par 14. De 1926 à 1954, la circulation des marchandises (à parité de prix) a été multipliée par plus de 9.

Le développement prioritaire de la production des moyens de production, loi économique de la reproduction élargie, n’exclut pas l’utilité et la nécessité pratiques, durant certaines années, d^un développement plus rapide de l’agriculture et des industries légère et alimentaire afin de combler le retard de la production des objets de consommation courante, et d’éliminer des disproportions partielles résultant de cette situation.

C’est ainsi qu’au cours de ces dernières années, le Parti communiste et l’État soviétique, s’appuyant sur la puissance constamment croissante de l’industrie lourde, ont mis au point et appliquent avec succès un programme d’ensemble visant à promouvoir un essor rapide de l’agriculture. La réalisation de ce programme permettra d’accélérer les rythmes de développement de la production des articles de consommation courante et de continuer à élever le niveau de vie du peuple soviétique. Pour résoudre ces tâches, il faut un progrès incessant de l’industrie lourde. Sans machines, sans mécanisation complexe de la culture et de l’élevage, il n’est pas question d’assurer un essor rapide de l’agriculture. Tout cela indique que le développement prioritaire de la production des moyens de production est le fondement intangible de la ligne générale de développement de l’économie socialiste.

Le bilan du travail de l’industrie dans les dernières années confirme de nouveau la justesse de la ligne générale de notre parti, axée sur le développement prioritaire de l’industrie lourde. En appliquant cette ligne sans défaillance, le Parti s’inspire des indications du grand Lénine sur la nécessité d’un développement plus rapide de la production des moyens de production par rapport à celle des biens de consommation, condition nécessaire de la reproduction socialiste élargie.

L’industrie lourde doit continuer de se développer plus rapidement que les autres branches de l’économie nationale. Plus sera élevé dans notre pays le niveau de développement de l’industrie lourde, qui détermine l’essor ultérieur de toutes les branches de l’économie nationale, et plus nous serons à même de satisfaire complètement les besoins sans cesse croissants du peuple soviétique, de créer rapidement l’abondance des biens de consommation et de réaliser le passage du socialisme au communisme.

Résolutions de l’assemblée plénière de juillet 1955 du C.C. du P.C.U.S., p. 6. (éd. russe).

En 1955, la production industrielle des biens de consommation (industrie du groupe B) a progressé de 72 % par rapport à 1950 (au lieu des 65 % prévus par le plan quinquennal). En même temps, la production des moyens de production (industrie du groupe A) a progressé de 84 % (au lieu des 80 % du plan). L’essor rapide de l’industrie lourde a créé la base solide du développement des industries légère et alimentaire et de l’agriculture.

Comment s’effectuent, en régime socialiste, les échanges entre les sections I et II de la production sociale et à l’intérieur de chacune d’elles ?

Il y a, d’abord, échange entre les différentes branches de la section I.

Une partie des moyens de production créés dans la section I reste dans cette même section pour la reproduction simple. Elle sert à reconstituer les moyens et objets de travail partiellement ou entièrement consommés (remplacement des machines usées, grosses réparations d’outillage, renouvellement des stocks de matières premières épuisés, etc.) Une autre partie des moyens de production assure la reproduction élargie entre les différentes branches d’activité faisant partie de la section I. Ainsi, les industries de la houille et du pétrole fournissent du combustible aux constructions mécaniques dont elles reçoivent à leur tour l’équipement nécessaire ; la métallurgie qui fournit le métal indispensable à l’industrie du bâtiment, a besoin des matières brutes de l’industrie minière pour augmenter la production des métaux, etc.

Ainsi s’opère, entre les différentes branches de la section I, l’échange méthodique des moyens de production qui permettent de poursuivre et d’étendre la production dans ces branches. Dans le secteur d’État de la production, nous l’avons déjà dit, les moyens de production fabriqués ne sont pas, au fond, des marchandises, mais sont répartis au titre de l’approvisionnement matériel et technique, en ne conservant des marchandises que la forme.

Il y a, ensuite, échange entre les différentes branches de la section II qui produit des biens de consommation. Une partie de ceux-ci sont consommés individuellement par les travailleurs de cette section, échangés par le canal de la circulation marchande contre le salaire des ouvriers et des employés, contre les revenus en argent des kolkhoziens. Une certaine quantité de biens de consommation produits dans les kolkhoz est répartie et consommée dans les kolkhoz mêmes sans avoir pris la forme de marchandises et sans être passée par le marché.

En troisième lieu, il y a échange entre les sections I et II. Une partie des moyens de production fabriqués dans la section I doit servir à reconstituer les moyens de travail partiellement ou entièrement usés, les stocks de matières premières, de combustible et d’autres matériaux consommés dans la section II, ainsi qu’à augmenter les moyens de travail, les stocks de matières premières, de combustible et de matériaux de cette section en vue de la reproduction élargie. Une partie des biens de consommation produits dans la section II est échangée, par l’entremise du réseau commercial, contre le salaire des travailleurs de la section I. Les rythmes d’extension de la production et du progrès technique, dans les branches de la section II, dépendent avant tout de la quantité et de la qualité des moyens de production que ces branches reçoivent de la section I. D’où le rôle déterminant de la section I par rapport à la section II.

Lénine a signalé que la formule de Marx concernant la relation existant entre les sections  I et II de la production sociale (Iv + p et IIc) reste valable pour le socialisme et le communisme, bien que les rapports sociaux et économiques que recouvre cette formule se soient radicalement modifiés.

Dans la reproduction socialiste élargie, la section I doit fournir des moyens de production en quantité suffisante pour permettre le développement ininterrompu de la production sur la base d’une technique supérieure dans les deux sections, le développement de la section I devant avoir la priorité. D’autre part, la section II doit produire des biens de consommation en quantité suffisante pour satisfaire les besoins toujours accrus des travailleurs des deux sections, tant anciens que nouvellement appelés à participer à la production, ainsi que des travailleurs occupés dans les branches non productives. En toute période, une partie des moyens de production et des biens de consommation produits va grossir les réserves existantes.

En raison de l’anarchie de la production capitaliste et de la demande solvable limitée des masses laborieuses, le problème de la réalisation du produit social est le plus difficile qui se pose à la reproduction capitaliste. Le développement harmonieux et sans crises de la production socialiste ne se heurte pas aux difficultés de réalisation inhérentes au capitalisme, puisque le pouvoir d’achat toujours plus élevé de la population entraîne une demande sans cesse accrue des articles industriels et des denrées agricoles.

Cela, toutefois, ne signifie pas que certaines disproportions ne puissent apparaître dans l’économie nationale au cours de la reproduction socialiste élargie : par exemple, si des erreurs de planification ont été commises, s’il n’a pas été suffisamment tenu compte des exigences de la loi du développement harmonieux de l’économie nationale ou de calamités naturelles, comme la sécheresse, qui ont des répercussions fâcheuses sur la production. Pour prévenir les disproportions qui peuvent en résulter dans l’économie nationale, et y remédier, l’État socialiste constitue les réserves nécessaires.