Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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38.2.Le budget de l’État socialiste.

Le budget d’État occupe la première place dans le système financier du socialiste. En régime socialiste, le budget d’État est la forme principale sous laquelle s’opèrent la constitution et l’utilisation méthodique du fonds centralisé des ressources monétaires en vue d’élargir la production socialiste et de satisfaire les besoins croissants de toute la société. Une partie importante du revenu national du pays est répartie par l’intermédiaire du budget d’État. Celui-ci comprend un chapitre des recettes (rentrées des fonds monétaires centralisés et mis à la disposition de l’État) et un chapitre des dépenses (affectation de ces fonds aux besoins de la société). Le plan des recettes et des dépenses du budget est le plan financier essentiel de l’État socialiste.

En régime socialiste, le budget d’État est foncièrement différent, par sa nature, de ce qu’il est en régime capitaliste, où il constitue un instrument d’exploitation supplémentaire des masses laborieuses et d’enrichissement des monopoles et où il est mis à profit pour la militarisation de l’économie et la course aux armements. Le budget de l’État socialiste, conformément à la loi économique fondamentale du socialisme, est un facteur très important du développement de l’économie de paix et de l’essor des forces productives en vue de satisfaire les besoins matériels et culturels croissants de toute la société.

Les revenus que les exploiteurs tiraient du travail du peuple restent aujourd’hui dans les mains des travailleurs et sont utilisés, en partie, pour élargir la production et y intégrer de nouveaux contingents de travailleurs, et, en partie, pour augmenter directement les revenus des ouvriers et des paysans.

J. Staline, « Rapport au 17e Congrès du P.C. (b) de l’U.R.S.S. », Les Questions du léninisme, t. 2, p. 166.

Grâce à la domination de la propriété sociale des moyens de production, le budget d’État en régime socialiste est étroitement lié à toute l’économie nationale dans son ensemble et est un facteur du développement harmonieux de l’économie socialiste, de l’utilisation rationnelle des ressources de production dans toutes les branches de l’économie. Reflétant le plan de l’économie nationale, le budget influe en même temps de diverses façons sur sa réalisation. Il est, pour l’État socialiste, le moyen indispensable servant à établir dans l’économie nationale les proportions exigées par la loi du développement harmonieux de cette dernière. C’est par le budget que l’État socialiste mobilise les ressources monétaires de l’économie nationale et les répartit entre les entreprises et les branches d’activité en fonction des tâches assignées par le plan et de la marche de leur exécution, et qu’il contrôle l’état des finances des branches d’activité et des entreprises, ainsi que l’application du régime d’économies.

Le budget d’État s’appuie sur le développement de toute l’économie socialiste. Il est indissolublement lié, avant tout, à la gestion financière, aux revenus et aux dépenses des entreprises d’État. La majeure partie du revenu net de la société créé dans ces entreprises alimente le budget d’État. Les investissements opérés au titre des fonds fixes dans toutes les branches de l’économie nationale, l’accroissement des fonds fixes et circulants des entreprises d’État sont en grande partie assurés par le budget. Les rapports qui s’établissent entre le budget et les kolkhoz revêtent une grande importance. Une partie du revenu net des kolkhoz est versée au budget et utilisée pour les besoins généraux de la société. Par l’intermédiaire du budget, l’État accorde une aide financière au secteur kolkhozien pour développer la production, entretient les écoles, les hôpitaux et les autres établissements sociaux et culturels desservant les kolkhoziens.

Le chapitre des recettes du budget d’État de l’U.R.S.S. est alimenté avant tout par le revenu net de la société, plus précisément par la partie de celui-ci qui forme le revenu net centralisé de l’État. En 1954, les rentrées fournies par le revenu net de la société (provenant de l’économie socialiste) ont constitué 86 % des recettes budgétaires.

Le revenu net centralisé de l’État est versé au budget d’État sous forme d’ « impôt sur le chiffre d’affaires », de prélèvements sur le revenu net (bénéfices) des entreprises d’État, des sommes additionnelles aux salaires destinées aux assurances sociales, de l’impôt sur les revenus des kolkhoz et autres entreprises coopératives, etc. Les deux premiers articles fournissent la majeure partie des recettes du budget d’État de l’U.R.S.S.

Une autre source de recettes, pour le budget d’État, ce sont les versements effectués par la population sous forme d’impôts et d’emprunts. Les impôts transfèrent au budget une partie des revenus personnels des membres de la société. Dans la société socialiste, à la différence de ce qui se passe en régime capitaliste, les impôts frappant la population sont consacrés aux besoins généraux de la société et constituent une partie infime des revenus des travailleurs. En 1954, ils ne constituaient que 8,3 % des recettes du budget d’État de l’U.R.S.S. Les versements et les allocations budgétaires de toute sorte dont bénéficie la population dépassent de plusieurs fois le montant des impôts qu’elle paye.

En U.R.S.S., une partie des travailleurs est totalement exonérée d’impôts. Le taux de l’imposition dépend du montant des revenus. En 1954, l’impôt agricole acquitté par les paysans constituait moins de 1 % des recettes de l’État et le montant des impositions frappant la population rurale avait été divisé par plus de 2,5 par rapport à 1952.

Dans la société socialiste, les emprunts d’État sont un moyen de faire appel pour un temps déterminé à l’argent disponible de la population pour couvrir les besoins de toute la société. En souscrivant à l’emprunt, les travailleurs confient volontairement à l’État, en jouissance temporaire, une partie de leurs revenus personnels. Par ailleurs, l’emprunt est une forme d’épargne qui procure à la population un revenu sous forme d’obligations à lots et portant intérêt. Il a fourni de 1951 à 1954 un peu plus de 5 % en moyenne des recettes du budget d’État de l’U.R.S.S.

Le chapitre des dépenses du budget est constitué par les mesures de financement par l’État, c’est-à-dire l’affectation sans remboursement de ressources monétaires principalement aux fins suivantes : 1o développement de l’économie nationale ; 2o mesures d’ordre social et culturel ; 3o entretien des organismes administratifs de l’État et 4o défense nationale. Le gros des ressources budgétaires de l’État est, en U.R.S.S., consacré au financement de l’économie nationale et des œuvres sociales et culturelles. Depuis la fin de la guerre, plus des deux tiers des dépenses budgétaires vont à ces fins.

Les crédits budgétaires sont un des facteurs essentiels du développement économique de l’U.R.S.S. De 1946 à 1954, le budget d’État a consacré 1 462 milliards de roubles à l’économie nationale, c’est-à-dire à assurer le développement prioritaire de la production des moyens de production, le progrès de l’industrie lourde, l’essor de l’agriculture, et à étendre la production des marchandises de consommation courante. L’État socialiste procède chaque année à des investissements considérables au titre des fonds fixes dans toutes les branches de l’économie. Il finance un vaste programme de construction d’usines, de mines, de centrales électriques, de sovkhoz, de S.M.T., de chemins de fer, d’entreprises municipales, d’habitations, d’écoles, d’hôpitaux, de maisons de cure, etc. Une partie des ressources budgétaires va accroître les moyens circulants des entreprises existantes en s’ajoutant à la partie de leur revenu net qui leur est laissée à cette fin. C’est au compte des ressources budgétaires que sont constituées les réserves matérielles de l’État, indispensables à une gestion planifiée de l’économie et aux besoins de la défense nationale.

Une partie notable des ressources budgétaires est dépensée pour les œuvres sociales et culturelles qui contribuent dans une mesure importante à l’élévation continue du niveau de vie matérielle et culturelle de la population. Le budget consacre des sommes considérables au développement de la science, à l’enseignement, à la protection de la santé publique, à la culture physique, au paiement des pensions et des allocations, etc.

Dans la société socialiste, une partie du budget va à l’entretien de l’appareil d’État qui exerce une activité multiple dans les domaines économique et culturel. L’application d’un régime d’économie en vue de développer la production et de satisfaire les besoins croissants de la population exige que le coût de l’appareil administratif soit réduit au minimum. Aussi l’État socialiste pratique-t-il une politique visant à rationaliser l’appareil administratif et à diminuer les dépenses qu’il entraîne.

Une partie des ressources budgétaires est dépensée pour renforcer la capacité de défense du pays. L’Union soviétique, qui mène une politique conséquente de paix, ne consacre à ses forces armées qu’une fraction relativement minime du budget.

Rien qu’au cours des cinq premières années d’après-guerre (1946-1950), l’État soviétique a dépensé 524,5 milliards de roubles pour les mesures sociales et culturelles ; il leur a consacré 512,5 milliards durant les quatre premières années du cinquième quinquennat.

En U.R.S.S., les frais d’entretien des organismes administratifs de l’État absorbaient 4,2 % du budget en 1932, 3,9 % en 1940, et les prévisions étaient de 2,2 % pour 1955.

Le budget 1955 prévoyait pour la défense du pays 19,9 % du total des dépenses budgétaires, alors qu’aux États-Unis, les dépenses militaires proprement dites constituaient à elles seules de 1954 à 1955 près des deux tiers du budget.

Dans la société socialiste, le budget d’État s’accroît régulièrement en fonction de l’essor continu de l’économie nationale. L’élévation rapide et ininterrompue du revenu national en régime socialiste a pour corollaire l’augmentation continue de la partie de ce dernier qui va au budget d’État. Ainsi, les recettes budgétaires de 1954 avaient plus que triplé par rapport à 1940. Le budget d’État de l’U.R.S.S. est équilibré et stable. Les budgets des pays capitalistes sont généralement déficitaires. Celui de l’U.R.S.S., loin d’être déficitaire, est régulièrement équilibré avec un excédent notable des recettes sur les dépenses.

L’exécution du budget est directement fonction de la marche de la production, de la réalisation des marchandises, de la réduction des frais de production et de circulation, de l’accroissement de l’accumulation, donc du degré d’utilisation des réserves intérieures de la production ainsi que de l’application de la gestion équilibrée dans l’économie nationale. En même temps, le budget aide à mettre au jour et à utiliser ces réserves, ainsi qu’à augmenter la rentabilité de la production.

Au cours de la réalisation du budget, les organismes financiers contrôlent l’exécution des plans économiques, s’assurent que le régime d’économie et la discipline financière sont respectés dans l’ensemble de l’économie nationale. Ce contrôle s’effectue en établissant le montant des prélèvements à verser au budget et en vérifiant si les obligations envers ce dernier ont été remplies. Les organismes financiers analysent l’activité économique des différentes entreprises et organisations, font apparaître les défauts, vérifient le bon usage des ressources de l’État et le bien-fondé de leur dépense, l’état de la comptabilité et des finances des entreprises ; ils s’opposent à toute dépense injustifiée. Souvent les fonds sont attribués aux organisations économiques suivant la qualité de leur travail.

Le budget d’État de l’U.R.S.S. se compose : 1o du budget de l’Union, et 2o des budgets des républiques fédérées, qui à leur tour comprennent : a) le budget de la république, et b) les budgets locaux. Le rôle déterminant appartient ici au budget de l’Union qui concentre le gros des ressources budgétaires. Cette organisation du budget, qui découle de la structure de l’État soviétique, permet d’appliquer les principes du centralisme démocratique et une politique nationale correcte dans l’État socialiste multinational. Le budget d’État de l’U.R.S.S. est établi pour un an et a force de loi après qu’il a été ratifié par le Soviet suprême de l’U.R.S.S. Les budgets des républiques fédérées sont ratifiés par leurs Soviets suprêmes respectifs.

La répartition centralisée des ressources monétaires est aussi réalisée en partie par le canal des assurances sociales d’État et des assurances d’État sur les biens et sur les personnes. Les assurances sociales d’État garantissent matériellement les ouvriers, les employés et les membres de leur famille en cas de perte temporaire ou permanente dé la capacité de travail. Elles comportent l’assistance médicale gratuite, l’entretien de maisons de repos et de cure, d’hôpitaux, etc. Elles sont gérées par les organismes syndicaux et alimentées par l’État ou les organisations coopératives correspondantes. Les assurances sociales sont alimentées par le revenu net de la société sons forme de versements effectués par les entreprises, organisations et établissements divers, versements qui représentent un certain pourcentage du montant global des salaires des ouvriers et des employés (somme additionnelle aux salaires). Les fonds des assurances sociales d’État, recettes et dépenses, sont inclus dans le budget d’État et administrés par les syndicats. Les dépenses effectuées au titre des assurances sociales augmentent rapidement. Elles étaient en 1954 supérieures de plus de 190 % à celles de 1940.

Les assurances d’État sur les biens et sur les personnes compensent et préviennent les pertes que peuvent subir les citoyens, les entreprises et les organisations à la suite de sinistres ou d’accidents. Elles constituent en U.R.S.S. un monopole d’État et sont administrées par des organismes d’assurances ; elles desservent, pour l’essentiel, la population, les kolkhoz et les coopératives. Les fonds en sont constitués principalement par les primes d’assurances que versent la population, les entreprises et les organisations.