Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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36.3. Le prix et les frais de circulation dans le commerce d’État et le commerce coopératif.

La domination sans partage de la propriété sociale avec la prépondérance de la propriété d’État, propriété du peuple tout entier, dans la sphère de la production et dans celle de la circulation marchande permet à l’État socialiste de planifier les prix dans toutes les branches de l’économie nationale. En U.R.S.S., les prix du marché organisé sont arrêtés d’après un plan : prix de stockage et d’achat de la production marchande des kolkhoz et des kolkhoziens vendue aux organisations d’État et aux coopératives ; prix de gros pour l’industrie et les organisations commerciales ; prix de détail du commerce d’État et du commerce coopératif, qui sont ceux auxquels la population achète les articles de consommation.

Ainsi qu’il a été dit, la loi de la valeur exerce, par l’intermédiaire des prix, une influence régulatrice sur la sphère de la circulation marchande. L’État socialiste est obligé de tenir compte des effets de cette loi dans sa planification des prix. Il prend en considération la valeur de la marchandise, le niveau de l’offre et de la demande, l’importance de la marchandise dans la consommation nationale, la nécessité d’utiliser les prix pour la redistribution des fonds dans l’économie nationale. Pour la plupart des marchandises, on établit des prix de détail valables dans tout le pays. Afin de mieux tenir compte des conditions de production et d’écoulement, l’État établit pour un certain nombre de marchandises (surtout alimentaires) des prix de zone (différenciés suivant les régions), et pour diverses marchandises des prix de détail saisonniers. Les prix de stockage et d’achat par l’État sont différenciés suivant les régions, et aussi suivant les saisons, pour certains types de marchandises.

La baisse systématique des prix de détail est un des principaux moyens d’élever le bien-être des masses populaires. Les sept diminutions de prix successives effectuées depuis 1947 ont accru considérablement le pouvoir d’achat et les revenus réels des travailleurs de la ville et de la campagne. La baisse des prix est un facteur important qui permet d’influer méthodiquement sur la demande et d’élargir la consommation de certaines marchandises. La baisse des prix de détail se fonde sur la réduction des frais de production et de commerce, ainsi que sur l’accroissement de la masse des marchandises vendues par l’État à la population.

En U.R.S.S., grâce à la baisse méthodique des prix de détail d’État, on pouvait en 1954 acquérir pour 433 roubles une quantité de marchandises qui en coûtaient 1 000 en 1947. En 1954, les prix de détail étaient égaux pour le pain et le beurre au tiers, pour la viande à environ au tiers, pour le sucre aux deux cinquièmes de qu’ils étaient en 1947. L’objectif du cinquième plan quinquennal pour la réduction des prix de détail a été atteint avant le terme fixé. Cependant aux États-Unis, en Angleterre, en France et dans la plupart des autres pays bourgeois, le prix de ces denrées a accusé au cours de cette même période une forte augmentation.

Les organisations commerciales reçoivent les marchandises aux prix de gros et les revendent à la population aux prix de détail. La différence entre le prix de détail et le prix de gros constitue la majoration commerciale. Celle-ci couvre les frais de circulation des organisations commerciales et constitue leur revenu net. Ainsi, le prix de détail des organisations commerciales est égal au prix de gros plus la majoration commerciale dont le montant représente un certain pourcentage généralement décompté du prix de détail. Les majorations commerciales sont fixées par le plan d’État ; leur réduction incite les organisations commerciales à mieux travailler, à diminuer les frais de circulation.

Dans le commerce soviétique, les frais de circulation sont l’expression monétaire des dépenses effectuées par les entreprises commerciales pour faire parvenir les marchandises au consommateur. Dans le commerce d’État et le commerce coopératif, ils sont planifiés par l’État. Ils comprennent: les frais d’amortissement (locaux, matériel), les frais de conservation, de triage et d’emballage des marchandises, le coût des transports, le salaire des travailleurs du commerce, etc.

Il existe dans le commerce soviétique deux catégories de frais de circulation. D’abord, les frais occasionnés par le prolongement du processus de production dans la sphère de la circulation (transport, conservation, emballage des marchandises) ; à la différence de ce qui se passe dans le commerce capitaliste, ces frais tiennent dans le commerce soviétique une place prépondérante par rapport aux autres frais ; ensuite, les frais attachés à la forme marchande de la production (opérations d’achat et de vente, frais de comptabilité des entreprises commerciales, etc.) Ces deux catégories de frais de circulation sont couvertes par des sources différentes.

La première catégorie de frais de circulation est compensée par le travail qu’exécutent les travailleurs du commerce en vue de poursuivre le processus de production dans la sphère de la circulation. Ce travail accroît la valeur des marchandises et permet ainsi de couvrir les frais de transport, de conservation, d’emballage et autres, nécessités par les fonctions de production qu’assument les organisations commerciales. La deuxième catégorie de frais de circulation, c’est-à-dire les frais attachés à la forme marchande de la production, est couverte par un prélèvement opéré sur le revenu net créé dans les branches productives. Le niveau des prix de gros industriels est établi de manière qu’une partie du revenu net de l’industrie soit versée aux organisations commerciales.

Grâce aux avantages du système socialiste planifié de l’économie, le taux des frais de circulation, c’est-à-dire le rapport des frais de circulation au chiffre d’affaires du commerce, est en U.R.S.S. de plusieurs fois inférieur à celui des pays capitalistes. Le commerce soviétique ignore les formidables dépenses improductives qui constituent la plus grande partie des frais de circulation capitalistes et qui sont déterminées par l’anarchie de la production, les crises, la concurrence, la spéculation, la débauche de publicité. Dans la société socialiste, la circulation des marchandises est planifiée, la production est assurée d’un marché intérieur de plus en plus large. D’où, par rapport aux pays bourgeois, une réduction considérable du temps de circulation et du nombre des degrés intermédiaires par lesquels doivent passer les marchandises avant d’arriver au consommateur. La circulation des marchandises est en U.R.S.S. nettement plus rapide que dans les pays capitalistes, ce qui permet de réaliser d’importantes économies.

Contrairement à ce qui se produit en régime capitaliste, caractérisé par la création d’énormes stocks superflus de marchandises, le montant des stocks est, en régime socialiste, réglé par un plan conformément aux besoins du commerce et à la nécessité d’assurer des arrivages réguliers et ininterrompus de marchandises dans le réseau commercial. Ceci permet de prévenir la formation de stocks superflus.

À mesure que le commerce soviétique se développe, ses frais de circulation diminuent. La diminution des frais de circulation dans la société socialiste, va de pair avec l’amélioration de l’organisation et de la technique du commerce et avec le perfectionnement du service des consommateurs et procure une économie importante de travail social. Elle permet de consacrer des ressources supplémentaires à l’augmentation de la production matérielle, à l’extension du commerce et à un perfectionnement de ses méthodes. Ses facteurs essentiels sont la mécanisation du travail commercial, l’élévation de sa productivité, l’émulation socialiste des travailleurs du commerce en vue d’assurer un meilleur fonctionnement du réseau commercial, une utilisation plus rationnelle de la main-d’œuvre. L’État soviétique stimule matériellement, grâce à un système de salaire aux pièces et avec primes, l’obtention par les travailleurs du commerce d’indices de travail plus élevés. Pour abaisser encore les frais de circulation, il importe de réaliser une planification toujours meilleure de la circulation des marchandises et d’étudier attentivement la demande, d’organiser rationnellement les arrivages de marchandises dans le réseau commercial, de développer le commerce des articles sous emballage, de lutter contre les pertes dans le commerce et le stockage, de rationaliser les transports et la conservation des marchandises et d’utiliser plus efficacement les transports. La diminution des distances parcourues par les marchandises et la réduction du nombre des échelons intermédiaires dans le réseau commercial contribuent grandement à la réduction des frais de circulation.

À la veille de la seconde guerre mondiale, les frais de circulation du commerce de gros et de détail constituaient en U.R.S.S. environ 10 % du chiffre d’affaires du commerce de détail. En 1954, ceux du commerce d’État et du commerce coopératif entraient pour environ 8 % dans le chiffre d’affaires du commerce de détail.

La réduction des frais de circulation est étroitement liée au renforcement, dans les entreprises commerciales, du principe de la gestion équilibrée qui veut que celles-ci soient rentables, c’est-à-dire aient un revenu net (bénéfice), tout en observant strictement les prix établis. Le revenu net des entreprises commerciales socialistes se distingue foncièrement du profit commercial capitaliste ; il est créé, en dehors de toute exploitation, par les travailleurs du commerce (dans la mesure où leur travail est le prolongement du processus de la production matérielle dans la sphère de la circulation) et aussi par les travailleurs de la production socialiste (une partie de la majoration commerciale étant couverte par les branches productives). Ce revenu est utilisé pour satisfaire les besoins généraux de l’État (prélèvements au bénéfice du budget), développer le réseau commercial, accroître les ressources des organisations commerciales, améliorer la situation matérielle et culturelle des travailleurs du commerce.