Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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En régime socialiste, étant donné l’existence dans la production d’un secteur d’État et d’un secteur coopératif-kolkhozien, le commerce prend trois formes : 1o le commerce d’État, 2o le commerce coopératif et 3o le commerce kolkhozien.
Le commerce d’État joue en U.R.S.S. le rôle déterminant et occupe une place décisive dans le commerce de gros comme dans celui de détail. La grande masse des ressources marchandes du pays qui sont livrées au commerce soviétique est concentrée entre les mains de l’État socialiste. C’est l’industrie d’État qui fournit aux organismes commerciaux la plupart des marchandises. Celles-ci passent d’abord, en règle générale, par le commerce de gros d’État, puis par le commerce de détail qui les vend à la population.
Le stockage et les achats de produits agricoles aux kolkhoz par l’État constituent la principale source de matières premières pour l’industrie produisant des articles de consommation individuelle et des denrées alimentaires pour la population. La production des sovkhoz et le paiement en nature aux S.M.T. sont une autre source importante de denrées alimentaires et de matières premières agricoles.
En 1954, le commerce de détail d’État, qui dessert principalement la population des villes et des régions industrielles, représente en U.R.S.S. 63 % du commerce de détail.
Le commerce de détail d’État pour les articles de consommation individuelle est effectué par le réseau commercial (magasins, boutiques, entrepôts, etc.) des ministères du Commerce de l’U.R.S.S. et des républiques fédérées, par les offices du ravitaillement ouvrier dans les transports, les industries houillère, pétrolière, métallurgique et autres, par le réseau commercial spécialisé de certains ministères où est écoulée la production de leurs entreprises.
Le commerce coopératif est effectué par les entreprises commerciales des coopératives de consommation et des coopératives artisanales. Les fonds dont disposent les organisations coopératives sont la propriété coopérative de leurs membres. L’État soviétique accorde de gros crédits à ces organisations. En 1954, le commerce coopératif effectuait 27 % du commerce de détail. La majeure partie de ses opérations était effectuée par les coopératives de consommation. Celles-ci desservent surtout la population rurale et constituent la principale organisation faisant le commerce à la campagne. La population rurale achète aussi des marchandises à la ville. Les coopératives de consommation jouent un rôle important dans le stockage et l’achat de produits agricoles. Elles sont appelées à approvisionner la population rurale en articles d’usage courant, à aider au maximum les kolkhoz et les kolkhoziens à écouler leurs produits, contribuant ainsi au développement de toutes les branches de l’agriculture, à l’élévation du bien-être matériel de la paysannerie kolkhozienne et de tous les travailleurs des campagnes.
Au commerce de l’État et des coopératives sont rattachées les entreprises de l’alimentation publique : cuisines-fabriques, cantines, restaurants, buvettes, etc., qui vendent leurs produits à la population. Le développement de l’alimentation publique permet de réaliser d’importantes économies de temps de travail dans l’économie nationale, de remplacer le travail peu productif dans le ménage par un travail socialisé plus productif et d’améliorer notablement les conditions d’existence de la population. L’alimentation publique libère des travaux du ménage des millions de femmes qui peuvent de la sorte participer à la production socialiste et à la vie sociale. Elle permet d’utiliser d’une manière plus rationnelle et plus économique les ressources alimentaires et d’organiser l’alimentation sur des bases scientifiques et hygiéniques.
Le commerce d’État et le commerce coopératif constituent un marché organisé, directement planifié par l’État socialiste. Ce marché organisé occupe dans le commerce soviétique une place prépondérante. Il existe à côté de lui un marché non organisé : le commerce kolkhozien.
Le commerce kolkhozien est une forme du commerce soviétique de détail où kolkhoz et kolkhoziens vendent à la population des denrées agricoles aux prix qui s’établissent sur le marché en fonction de l’offre et de la demande. Les kolkhoziens réalisent au marché une partie des produits que leur a fournis leur exploitation auxiliaire individuelle ou qu’ils ont reçus de l’exploitation collective des kolkhoz pour leurs journées-travail. La nécessité du commerce kolkhozien découle du caractère de la propriété de groupe kolkhozienne et de l’existence de l’exploitation individuelle des kolkhoziens. Les kolkhoz et les kolkhoziens sont propriétaires de leur production et en disposent à leur gré ; ils peuvent la réaliser non seulement au titre des stockages et achats par l’État, mais aussi sur les marchés. Le commerce kolkhozien n’est pas directement planifié par l’État : celui-ci n’assigne pas aux kolkhoz et aux kolkhoziens un plan pour la réalisation de leurs produits sur les marchés kolkhoziens, ni n’établit le prix des denrées agricoles vendues par eux. Mais le commerce kolkhozien est soumis à l’action économique du commerce de l’État et du commerce coopératif. L’extension de la circulation des marchandises et l’abaissement des prix de détail dans le commerce d’État et le commerce coopératif entraînent une diminution des prix sur le marché kolkhozien.
Sur ce dernier, le libre jeu du marché s’exerce dans certaines limites. Si l’influence économique régulatrice de l’État vient à faiblir sur tel ou tel marché kolkhozien, les spéculateurs peuvent relever la tête ; mettant à profit le manque temporaire de certaines marchandises, ils font monter les prix. À mesure que s’accroît la production kolkhozienne marchande dont l’État dispose grâce aux stockages et aux achats, que la production se développe dans les sovkhoz, que la quantité des denrées alimentaires augmente dans les magasins de l’État et des coopératives, l’action de l’État sur le marché inorganisé s’accentue.
Le commerce kolkhozien contribue dans une mesure importante à stimuler la production agricole et à assurer des denrées alimentaires aux villes et aux agglomérations industrielles ; il fournit à la population une grande partie des denrées telles que les légumes, la pomme de terre, la viande, les produits laitiers. En 1954, la part du commerce kolkhozien était d’environ 10 % dans l’ensemble du commerce de détail et d’environ 16 % dans le commerce des denrées alimentaires.
Les kolkhoz et les kolkhoziens réalisent une partie de leurs produits agricoles à la commission, par l’intermédiaire des coopératives de consommation. Ils livrent leurs produits aux coopératives, reçoivent de celles-ci l’argent retiré de la vente et leur versent une certaine rémunération à titre de commission. Cette méthode est avantageuse pour les kolkhoz et les kolkhoziens, qui économisent les frais afférents à la réalisation des marchandises. Le développement du commerce des produits agricoles à la commission par l’intermédiaire des coopératives présente une grande importance. Le commerce à la commission permet aux kolkhoziens de consacrer davantage de temps aux travaux agricoles, fait entrer dans le circuit commercial une quantité supplémentaire de denrées alimentaires et contribue à abaisser les prix sur les marchés kolkhoziens.