Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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Toute la production fournie par l’exploitation collective de l’artel est une propriété de groupe, une propriété coopérative-kolkhozienne. Mais les stations de machines et de tracteurs, qui exécutent d’importants travaux dans les kolkhoz, participent conjointement avec ceux-ci à l’obtention de la production et des revenus.
La production globale du kolkhoz comprend l’ensemble des produits agricoles et des matières premières produits par l’exploitation collective au cours d’une année. Le montant de la valeur, ou des frais sociaux de production, de la production annuelle du kolkhoz est défini par la somme des dépenses de travail socialement nécessaire, vivant et cristallisé, incorporé dans cette production, y compris les dépenses de l’année précédente correspondant à la récolte de l’année considérée (travaux de labour et de scarifiage sur les jachères, semailles d’automne, labours d’automne, etc.)
Du fait du rôle croissant joué par les S.M.T. dans les kolkhoz, la valeur de la production kolkhozienne inclut un pourcentage toujours plus grand de travail dépensé par les ouvriers de l’industrie pour produire les tracteurs, les moissonneuses-batteuses et autres machines agricoles et les pièces détachées correspondantes, le carburant, les lubrifiants, etc. Les dépenses de travail qualifié des ingénieurs et des techniciens des S.M.T. y entrent aussi pour une part qui va croissant.
La valeur de la production kolkhozienne comprend : premièrement, la valeur des moyens de production consommés par le kolkhoz et la S.M.T. ; deuxièmement, la valeur du produit pour soi créée par les kolkhoziens et les travailleurs de la S.M.T. ; troisièmement, la valeur du produit pour la société créée par les kolkhoziens et les travailleurs de la S.M.T.
Les particularités de la propriété coopérative-kolkhozienne et la participation d’une S.M.T. à la création de la production du kolkhoz font que la formation, la reconstitution et la répartition de la valeur de la production kolkhozienne s’opèrent autrement que dans une entreprise d’État, par exemple dans un sovkhoz. Il faut établir une distinction a ce propos entre les dépenses de travail et de moyens effectuées directement par la S.M.T. et celles effectuées directement par le kolkhoz.
Le prix de revient de la production kolkhozienne est l’un des principaux indices des résultats de la gestion socialiste d’un kolkhoz et de la S.M.T. qui le dessert. Pour le calculer, il faut tenir compte de la valeur des moyens de production consommés par le kolkhoz et la S.M.T. pour une unité de produit, ainsi que des frais de rémunération du travail des kolkhoziens et du personnel de la S.M.T.
La valeur des moyens de production consommés par la S.M.T., la rétribution des travailleurs de la S.M.T., ainsi que le revenu net créé par ces derniers en aidant le kolkhoz à assurer sa production sont compensés par les produits agricoles que le kolkhoz remet à la S.M.T. à titre de paiement en nature. Cette part en nature de la production kolkhozienne est versée directement à l’État sans prendre la forme marchandise, sans achat ni vente. Elle constitue une partie de ce qu’on appelle la circulation extra-rurale et entre en ligne de compte lors de la détermination de la production marchande des kolkhoziens.
Les moyens de production qu’ils consomment pour produire, les kolkhoz les reconstituent principalement en nature, en les reproduisant dans l’exploitation collective. Parmi ces moyens de production, il convient de ranger notamment les semences, le fourrage, les bêtes de trait et le bétail de rapport, les engrais naturels. Les kolkhoz reconstituent une partie des moyens de production consommés : les véhicules automobiles, le petit matériel-agricole, les petits moteurs, les machines les plus simples, les engrais chimiques, les bêtes de race, les matériaux de construction, etc., — en les achetant aux organisations d’État et aux coopératives.
Le travail fourni par les kolkhoziens pour assurer la production collective crée le revenu global du kolkhoz. Celui-ci résulte du travail des kolkhoziens pour soi et pour la société. La partie du revenu global qui résulte du travail pour soi des kolkhoziens dans l’exploitation collective constitue le revenu personnel des kolkhoziens, à répartir d’après le nombre des journées-travail. Par ailleurs, l’exploitation auxiliaire attenant à l’habitation procure aux kolkhoziens des revenus individuels supplémentaires. La partie du revenu global qui est créée par le travail des kolkhoziens pour la société (pour l’exploitation collective du kolkhoz et pour la société dans son ensemble) forme le revenu net du kolkhoz.
Le montant du revenu net dépend avant tout du niveau atteint par la productivité du travail, laquelle, dans l’agriculture, dépend de nombreux facteurs dont les principaux sont : la mécanisation des travaux agricoles, l’utilisation la plus complète et la plus efficiente du parc de machines et de tracteurs et des moyens de production kolkhoziens, une organisation et une rémunération judicieuses du travail, le développement de l’émulation socialiste, l’application à la production des réalisations de l’agronomie et de la zootechnie, de l’expérience des travailleurs d’élite de l’agriculture. Comme l’indiquait Lénine, c’est le rendement des cultures qui résume, en fin de compte, toutes les différences dans l’organisation économique des entreprises agricoles. Les résultats de l’activité économique en matière d’élevage s’expriment en quantités de viande, de lait, de laine et d’autres produits d’élevage.
L’augmentation de la productivité du travail et l’économie de travail vivant et cristallisé dépensé par unité de produit doivent assurer une réduction systématique du prix de revient de la production kolkhozienne. Plus la productivité du travail y est élevée, plus la dépense de moyens de production et de rémunération du travail par quintal de céréales, de coton, de lin, de betteraves, de viande, de lait, de laine et d’autres produits agricoles sont faibles et les revenus de l’exploitation collective élevés. La comparaison des frais engagés et des résultats obtenus, des dépenses et des recettes, l’observation d’un régime strict d’économie du travail cristallisé et du travail vivant, la lutte contre les dépenses superflues et improductives de toute sorte, l’organisation adéquate des finances, des comptes et de la comptabilité sont les conditions nécessaires d’une direction correcte du développement de l’exploitation collective des kolkhoz dans la voie d’une progrès continu.
Le décompte des dépenses des kolkhoz et des S.M.T. pour la production kolkhozienne est très important pour la détermination de l’avantage économique qu’il peut y avoir à produire telle ou telle denrée agricole, pour la répartition rationnelle planifiée des cultures et de variétés de bétail entre les régions du pays, pour l’appréciation des résultats de l’activité économique des kolkhoz et des S.M.T. et de leur rentabilité.
Les revenus kolkhoziens se divisent en revenus en nature et revenus en argent. Une partie de la rémunération du travail des kolkhoziens leur est versée en nature (céréales, légumes, viande, lait, fruits, etc.), et l’autre partie en argent. L’accroissement des fonds sociaux des kolkhoz se fait, partie en nature (fonds de semences, de fourrage, etc.), partie en argent (fonds indivis, etc.) Dans les conditions de l’économie marchande, les revenus en argent des kolkhoz jouent un grand rôle dans le développement de la production kolkhozienne et dans l’élévation du bien-être des kolkhoziens. Les revenus en argent des kolkhoz sont constitués par la réalisation de la production marchande : livraison à l’État et aux coopératives par le système des stockages d’État et des ventes à l’État, et vente directe à la population sur les marchés kolkhoziens.
Les stockages d’État de produits agricoles mettent à la disposition de l’État une partie importante de la production marchande des kolkhoz, soit au titre des livraisons obligatoires, soit en vertu de contrats. Les stockages au titre des fournitures obligatoires portent sur les céréales, les produits de l’élevage, les pommes de terre et un certain nombre d’autres légumes ; les stockages effectués en vertu de contrats intéressent surtout les plantes industrielles.
L’application conséquente du principe de l’intérêt matériel des kolkhoz et des kolkhoziens à l’accroissement de la production des denrées agricoles est à la base de la politique du Parti communiste et du gouvernement soviétique en matière de stockages et d’achats des produits agricoles par l’État. On établit dans ce but des prix de stockage et d’achat qui permettent de couvrir les dépenses nécessitées par la production des denrées agricoles et d’accroître les revenus en argent des kolkhoz, ainsi que des normes fixes de livraisons obligatoires pour chaque district.
Les fournitures obligatoires de produits agricoles par les kolkhoz au titre des stockages d’État sont calculées par hectare, c’est-à-dire qu’elles correspondent à la quantité de terre attribuée au kolkhoz. Chaque kolkhoz est tenu en conséquence de vendre à l’État à ce titre une quantité déterminée de produits cultivés par hectare de sol arable et de produits de l’élevage par hectare de terre. Les normes de livraisons obligatoires par hectare sont constantes. Le système est éminemment progressif : il encourage les kolkhoziens à développer l’agriculture et l’élevage collectifs, à tirer le meilleur parti des terres socialisées du kolkhoz.
L’établissement de normes fixes, constantes, de livraisons obligatoires donne aux kolkhoz l’assurance qu’une fois acquittées leurs obligations envers l’État, ils peuvent disposer à leur guise de toute leur production.
La résolution de l’assemblée plénière de septembre 1953 du C.C. du P.C.U.S. et les décisions ultérieures du Parti communiste et de l’État soviétique ont mis fin, en matière de stockages, à la pratique erronée d’assigner des normes majorées de livraisons obligatoires aux kolkhoz d’avant-garde, ce qui diminuait l’intérêt matériel des kolkhoz et des kolkhoziens à produire davantage. Les normes de fournitures obligatoires à l’État d’un certain nombre de produits agricoles ont de même été abaissées. Elles sont fixées pour chaque district et ne peuvent être majorées par les organismes locaux.
Les fournitures obligatoires de produits agricoles par les kolkhoz ne constituent pas un impôt au sens économique du terme puisque l’État paie ces produits. L’État soviétique établit dans ses plans des prix fermes ou prix de stockage, pour les produits agricoles qui lui sont fournis par voie de stockages centralisés. Ce faisant, il prend en considération la valeur de chaque produit agricole, son importance pour l’économie nationale, les avantages économiques qu’il présente pour le kolkhoz. Par ailleurs, les prix de stockage sont fixés à un niveau qui garantit le versement à l’État, pour satisfaire ses besoins généraux, d’une partie du revenu net des kolkhoz. Les revenus que l’État tire de la réalisation des produits provenant du stockage sont consacrés aux besoins généraux de la société : développement de l’industrie socialiste qui fournit des machines et des engrais à l’agriculture, instruction publique, santé publique, etc. Pour un certain nombre de produits agricoles, l’État ajoute au prix de stockage des primes en argent, organise la vente, à titre de réciprocité du pain, d’articles manufacturés et de denrées alimentaires, certaines de ces marchandises étant vendues par l’État à des prix inférieurs aux prix courants.
Outre les livraisons obligatoires ou les livraisons de plantes industrielles faites en vertu de contrats, il y a les achats effectués par l’État ; celui-ci achète aux kolkhoz et aux kolkhoziens des produits agricoles à des prix dits prix d’achat, supérieurs aux prix de stockage, et leur vend à titre de réciprocité des articles manufacturés.
Enfin, les kolkhoz vendent une partie de leur production marchande à la population sur les marchés kolkhoziens aux prix déterminés par l’offre et la demande.
Les stockages et les achats de produits agricoles par l’État sont pour les kolkhoz la source essentielle de leurs revenus en argent, qui servent à augmenter le fonds indivis, à payer les journées-travail des kolkhoziens, à d’autres fins encore.
Le niveau des prix de stockage et d’achat joue un rôle très important dans l’accroissement de l’intérêt matériel retiré par les kolkhoz et les kolkhoziens du développement de la production agricole. Ainsi qu’il a été dit, si la loi de la valeur n’est pas le régulateur de la production socialiste, elle exerce néanmoins une influence sur la formation des prix des produits agricoles. Les prix de réalisation de la production marchande influent considérablement sur l’état et le développement de la production kolkhozienne et de ses différentes branches. Ils doivent couvrir les dépenses engagées pour obtenir la production et assurer une certaine rentabilité de l’exploitation. Ignorer ces exigences de la loi de la valeur peut saper l’intérêt matériel retiré par les kolkhoz et les kolkhoziens du développement de telle ou telle branche de l’exploitation collective. C’est ainsi que l’assemblée plénière de septembre 1953 du C.C. du P.C.U.S. a reconnu que les prix de stockage et d’achat d’un certain nombre de produits agricoles étaient insuffisants pour inciter les kolkhoz et les kolkhoziens à en accroître la production, et qu’il était nécessaire de les relever conformément aux exigences de la loi de la valeur.
Afin d’intéresser davantage, matériellement et personnellement les kolkhoziens au progrès de l’agriculture, il a été décidé de relever notablement les prix de stockage et d’achat, de réduire les normes des livraisons obligatoires et d’augmenter la part des achats de produits à des prix plus élevés, de diminuer l’impôt agricole sur l’exploitation auxiliaire individuelle des kolkhoziens. L’augmentation de la production marchande de l’agriculture et le relèvement indiqué plus haut des prix de stockage et d’achat des produits agricoles ont entraîné un accroissement considérable des revenus en argent des kolkhoz et des kolkhoziens. Pour leur production livrée et vendue à l’État, ceux-ci ont reçu, par rapport à 1952, 12 milliards de roubles de plus en 1953 et 25 milliards de plus en 1954.
L’élévation du niveau de la production kolkhozienne, l’augmentation de la production globale et marchande, la diminution des dépenses par unité de produit est le facteur essentiel d’un nouvel et vigoureux essor de toutes les branches de la production kolkhozienne.