Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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33.1. Le salaire et la loi économique de la répartition selon le travail.

Le socialisme, enseigne Lénine, suppose

le travail social accompagné du plus rigoureux inventaire, contrôle et surveillance exercés par l’avant-garde organisée, par la partie avancée des travailleurs ; en même temps, la quantité du travail et sa rémunération doivent être définies. (V. Lénine, « Rapport sur les samedis communistes présenté à la conférence de Moscou du P.C.(b)R. », Œuvres, t. 30, p. 292-293.)

Cette rémunération de leur travail, les travailleurs des entreprises d’État la reçoivent sous forme de salaire.

Il existe une différence fondamentale entre le salaire en régime socialiste et le salaire en régime capitaliste. La force de travail ayant cessé, en société socialiste, d’être une marchandise, le salaire n’est plus le prix de la force de travail. Il traduit non un rapport entre exploiteur et exploité, mais un rapport entre la société dans son ensemble, représentée par l’État socialiste, et le travailleur travaillant pour soi, pour sa société.

En régime capitaliste, le salaire est le prix de la force de travail ; mais, à la différence du prix des autres marchandises, il reste généralement inférieur à sa valeur et ne permet pas toujours à l’ouvrier de satisfaire ses besoins même minimums. En régime socialiste, le salariat est aboli et la loi de la valeur de la force de travail cesse entièrement de jouer comme régulateur du salaire. La loi économique fondamentale du socialisme fait une nécessité de satisfaire au maximum les besoins matériels et culturels sans cesse croissants de toute la société. Une fois le salaire affranchi des entraves capitalistes,

il devient possible de lui donner l’extension de la consommation permise d’un côté par la force productive de la société… et exigée d’un autre côté par le plein développement de l’individualité… (K. Marx, Le Capital, livre 3, chap. 50.)

Le salaire réel augmente à mesure que la production socialiste progresse et se perfectionne. Les exigences de la loi économique fondamentale du socialisme visant à stimuler la production et à assurer le mieux-être des travailleurs se réalisent par l’intermédiaire de la loi de la répartition selon le travail, en vertu de laquelle la part du produit social qui revient à chacun est déterminée par la quantité et la qualité de son travail.

Le salaire est un des principaux facteurs économiques qui font que, dans la société socialiste, chaque travailleur est personnellement et matériellement intéressé aux résultats de son travail : qui travaille plus et mieux reçoit davantage. Par suite, le salaire est un moyen efficace d’augmenter la productivité du travail ; il permet de concilier judicieusement l’intérêt personnel, matériel, du travailleur avec les intérêts de l’État (du peuple tout entier).

Étant donné l’existence, en régime socialiste, de la production marchande et de la loi de la valeur, le salaire s’exprime nécessairement en argent. Ainsi que nous l’avons déjà dit, les objets de consommation destinés à reconstituer la force de travail dépensée sont produits et réalisés en régime socialiste comme des marchandises, soumises à l’action de la loi de la valeur. La forme argent du salaire permet de déterminer avec souplesse et de façon différenciée la part du produit social qui revient au travailleur en fonction des résultats de son travail.

Le salaire en régime socialiste est donc la part, exprimée en argent, de la portion du produit social que l’État attribue aux ouvriers et aux employés selon la quantité et la qualité du travail fourni par chacun d’eux.

Le salaire en argent que reçoit chaque ouvrier et employé constitue son salaire individuel. Celui-ci a sa source dans le produit pour soi créé par les travailleurs de la production socialiste et réparti selon le travail. Mais, en régime socialiste, le niveau de vie des ouvriers et des employés n’est pas déterminé uniquement par le salaire individuel en argent. À ce dernier viennent s’ajouter les fonds considérables alloués par l’État et les organisations sociales pour les besoins culturels et sociaux des travailleurs, fonds qui proviennent du produit créé par le travail pour la société.

S’inspirant des exigences de la loi économique fondamentale du socialisme et de la loi de la répartition selon le travail, l’État socialiste établit dans ses plans le fonds des salaires pour une période déterminée et en fixe le niveau pour les différentes catégories de travailleurs.

Le fonds des salaires est la somme des ressources monétaires, arrêtée en vertu d’un plan, que l’État consacre à rétribuer le travail accompli au cours d’une certaine période (un an, un mois, etc.) dans l’ensemble de l’économie nationale et dans ses différentes branches et entreprises.

Conformément aux exigences de la loi économique de la répartition selon le travail, la politique de l’État socialiste en matière de salaire repose sur une différenciation très poussée de la rémunération du travail. Le nivellement des salaires, qui ne fait aucune distinction entre le travail qualifié et le travail non qualifié, le travail pénible et le travail facile, est incompatible avec la loi économique de la répartition selon la quantité et la qualité du travail. Il sape l’intérêt matériel personnel que portent les travailleurs aux résultats de leur travail et freine leur désir d’améliorer leur qualification. Le travail qualifié, qualitativement supérieur, nécessite un apprentissage du travailleur et est plus productif que le travail non qualifié. C’est pourquoi il est mieux payé. Les travailleurs sont ainsi encouragés à accroître leur habileté professionnelle. À qualification égale, un travail pénible est mieux rémunéré en régime socialiste qu’un travail plus facile, alors qu’en régime capitaliste les ouvriers employés aux travaux manuels les plus durs sont généralement de beaucoup les plus mal payés. Ainsi, les mineurs, dont le salaire est bas dans les pays capitalistes, touchent dans la société socialiste des salaires élevés, ce qui n’empêche pas que les durs travaux physiques auxquels ils se livrent soient rendus de plus en plus faciles par l’emploi de machines.

Étant donné la nécessité économique d’encourager avant tout le travail dans les branches maîtresses de l’économie nationale, les travailleurs de l’industrie lourde : métallurgie, extraction de la houille et du pétrole, constructions mécaniques, etc., reçoivent un salaire plus élevé. À conditions égales, les ouvriers, les ingénieurs et les techniciens des entreprises et des chantiers situés dans des régions économiques particulièrement importantes ou bien dans des régions éloignées ou nouvellement mises en valeur touchent également des salaires majorés. Les salaires sont ainsi un des instruments économiques grâce auxquels la main-d’œuvre qualifiée est méthodiquement distribuée et redistribuée entre les diverses entreprises et branches de la production sociale, conformément aux exigences de la loi du développement harmonieux de l’économie nationale.

La politique des salaires de l’État socialiste se réalise en combattant l’égalitarisme petit-bourgeois dans la rémunération du travail, ainsi que les tendances arriérées, contraires aux intérêts de l’État, hostiles à la mécanisation.

L’absence de la différenciation nécessaire dans la rémunération du travail est en contradiction avec la loi économique de la répartition selon le travail : dans ces conditions, les travailleurs qualifiés ne bénéficient d’aucun avantage marqué par rapport aux ouvriers accomplissant un travail simple, ni les ouvriers exécutant des travaux pénibles par rapport à ceux qui s’acquittent de travaux plus faciles ou sont placés dans des conditions de travail ordinaires. L’absence de la différenciation nécessaire conduit au nivellement des salaires, fait obstacle à l’application des techniques nouvelles et des méthodes modernes d’organisation de la production.

Faute de proportions correctes entre les salaires des ouvriers, du personnel de maîtrise et des ingénieurs, les ingénieurs et les techniciens de certaines entreprises ou branches de l’économie touchent moins que les ouvriers qualifiés. La hausse injustifiée des salaires dans certaines branches et régions économiques non déterminantes entrave l’application de mesures d’encouragement en matière de salaire dans les branches et régions dont l’importance économique est primordiale.

Les syndicats sont appelés à jouer un rôle important dans ce domaine. Ils prennent une part active aux travaux des organismes d’État chargés de mettre au point les mesures relatives à l’organisation et à la rémunération du travail, gèrent directement les assurances sociales, encouragent l’expérience et l’initiative des novateurs de la production, coopèrent au déploiement de l’émulation socialiste et à l’élévation de la productivité du travail, à l’amélioration des services sociaux et culturels, ainsi que des conditions de travail des ouvriers et des employés. Une convention collective est conclue chaque année entre l’administration et les travailleurs de chaque entreprise, avec la participation active des syndicats. Elle règle toutes les questions relatives au travail, aux salaires, aux conditions de vie des ouvriers et des employés. Les deux parties s’y engagent à prendre les mesures indispensables pour assurer une rémunération équitable du travail et l’augmentation de sa productivité, ainsi que pour satisfaire les besoins culturels et matériels croissants des travailleurs des entreprises socialistes.