Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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32.4. La monnaie et ses fonctions dans l’économie socialiste.

Dans la société socialiste, la monnaie est une nécessité puisqu’existent une production marchande et la loi de la valeur.

Avant la révolution socialiste, les socialistes écrivaient qu’il serait impossible de le supprimer immédiatement [l’argent], […] Il faut de très nombreuses conquêtes techniques et, ce qui est beaucoup plus difficile et plus important, des progrès dans l’organisation, pour supprimer l’argent ; […]

Pour le supprimer, on doit organiser la répartition des produits alimentaires pour des centaines de millions d’hommes ; c’est une affaire de longue haleine.

V. Lénine, « Comment on trompe le peuple avec les mots d’ordre de liberté et d’égalité », Discours prononcé au 1er Congrès de l’enseignement extra-scolaire de Russie, Œuvres, t. 29, p. 361.
P. 371.

En régime socialiste, la monnaie change complètement de nature conformément aux besoins du développement de l’économie socialiste. À la différence de ce qui se passe en régime capitaliste, où elle se transforme en capital et est un moyen de s’approprier le travail non rémunéré d’autrui, la monnaie, dans la société socialiste, est un moyen d’organiser l’édification économique dans l’intérêt des masses populaires conformément aux exigences de la loi économique fondamentale du socialisme. Elle exprime les rapports de production socialistes.

En régime socialiste, la monnaie joue le rôle d’équivalent général dans l’ensemble de l’économie nationale. La forme monétaire est utilisée non seulement pour la circulation des articles de consommation et des moyens de production qui sont des marchandises, mais aussi pour la circulation économique des moyens de production qui, n’étant pas au fond des marchandises, conservent néanmoins la forme marchandise. L’unité de l’économie nationale de la société socialiste, la liaison indissoluble et l’interdépendance de la production des moyens de production et de celle des articles de consommation, ainsi que de l’industrie d’État et de la production kolkhozienne, exigent une mesure unique pour l’expression et le calcul du travail social dépensé dans la production. Dans la société socialiste, où existent deux formes de propriété socialiste, cette mesure universelle du travail social ne peut être que la monnaie.

Si, en régime capitaliste, la monnaie est l’instrument d’un recensement spontané du travail social, qui s’effectue à l’insu des producteurs par l’intermédiaire des fluctuations du marché, dans l’économie socialiste la monnaie est l’instrument économique de la gestion planifiée de l’économie ; elle sert la production et la répartition du produit social.

Par conséquent, dans la société socialiste, la monnaie est l’équivalent général, l’instrument économique de la planification de l’économie nationale, le moyen permettant d’assurer un recensement et un contrôle d’ensemble de la production et de la répartition du produit social, ainsi que de la mesure du travail et de la rémunération.

La nouvelle nature de la monnaie en régime socialiste s’exprime par le fait qu’en conservant son ancienne forme, elle change de contenu social et de destination par rapport aux fonctions de la monnaie en régime capitaliste.

La monnaie remplit avant tout la fonction de mesure de la valeur des marchandises, c’est-à-dire qu’elle sert à mesurer la quantité de travail social qu’elles renferment. En régime socialiste, l’existence de deux formes principales de production socialiste fait que le bilan de l’activité économique d’une entreprise, la comparaison des résultats du travail des entreprises et des branches fournissant des produits différents, le volume de la production de diverses branches de l’économie nationale et de l’économie nationale dans son ensemble ne peuvent être exprimés qu’en monnaie. Comme les moyens de production, sans être des marchandises, gardent la forme marchandises et la forme valeur, la monnaie dans sa fonction de mesure de la valeur permet aussi de calculer le travail social dépensé pour produire les moyens de production.

On sait que seule une marchandise-monnaie, ayant une valeur propre, peut remplir le rôle de mesure de la valeur. Cette marchandise-monnaie, c’est l’or.

En Union soviétique comme dans les autres pays du camp socialiste, c’est l’or qui joue le rôle d’équivalent général. La monnaie soviétique a une teneur en or et est une monnaie-or. Dans la société socialiste, la monnaie ne peut remplir sa fonction de mesure de la valeur des marchandises qu’en vertu de cette liaison avec l’or. Lénine rattachait l’abolition de la monnaie-or à la victoire du socialisme à l’échelle mondiale.

Pour le moment, disait-il, il faut nous montrer ménagers de l’or en R.S.F.S.R., le vendre aussi cher que possible et acheter avec cet or des marchandises aussi bon marché que possible.

V. Lénine, « Sur le rôle de l’or aujourd’hui et après la victoire complète du socialisme », Œuvres, t. 33, p. 109.

Partant du fait que l’or se présente comme un équivalent général, l’État soviétique a, lors de la réforme monétaire de 1922-1924, fixé la teneur en or du rouble. Par la suite, celle-ci a été fixée d’une manière indirecte en établissant le cours du rouble soviétique par rapport au franc, puis au dollar. En 1950, l’augmentation du pouvoir d’achat du rouble et la diminution du pouvoir d’achat du dollar et des autres monnaies capitalistes ont incité l’État soviétique à fixer directement à 0,222 168 gramme d’or la teneur en or du rouble. Le cours de celui-ci par rapport aux monnaies étrangères a été relevé en conséquence.

L’État soviétique extrait et accumule l’or en tant que monnaie mondiale pour le commerce avec les pays du marché mondial capitaliste, comme avec les pays du marché mondial du camp socialiste.

Il utilise la monnaie dans sa fonction de mesure de la valeur comme le moyen d’assurer la direction planifiée, le recensement et le contrôle de la production et de la répartition du produit social, comme l’instrument permettant de réaliser la gestion équilibrée. Ainsi, la confrontation des prix de revient planifiée et réels permet d’élucider les raisons pour lesquelles le prix de revient planifié a été dépassé et d’arrêter les mesures nécessaires pour abaisser le prix de revient et accroître la rentabilité de l’entreprise.

Comme mesure de la valeur, la monnaie est pour l’État socialiste un élément de la planification des prix. Dans l’économie socialiste, le prix est l’expression monétaire, déterminée par le plan, de la valeur d’une marchandise.

Dans l’économie socialiste, la monnaie sert aussi d’étalon des prix. En U.R.S.S., l’étalon des prix est le rouble.

En régime socialiste la monnaie est un moyen de circulation. C’est en cette qualité qu’elle intervient lors de la vente et de l’achat des articles de consommation courante et qu’elle est mise à profit pour développer la circulation des marchandises.

Dans l’économie socialiste, la monnaie est un moyen de paiement, quand il s’agit, par exemple, de payer leur salaire aux ouvriers et aux employés, et aussi de verser leur revenu en argent aux kolkhoziens, quand les entreprises socialistes obtiennent des avances ou les remboursent, quand on acquitte les impôts. L’État socialiste utilise la monnaie, moyen de paiement, pour contrôler l’activité des entreprises socialistes. Ainsi, les banques ne délivrent de l’argent à ces dernières que dans la mesure où elles ont exécuté leur plan de production. En exigeant le remboursement des prêts à la date prévue, la banque stimule l’accomplissement du plan par l’entreprise, faute de quoi celle-ci ne peut réunir les fonds nécessaires pour se libérer de sa dette.

En régime socialiste, la monnaie est un moyen d’accumulation socialiste et d’épargne. Les entreprises d’État et les kolkhoz déposent leur argent en banque. Les revenus, sous leur forme monétaire, et l’argent liquide des entreprises et des organisations sont utilisés pour concourir à l’accumulation socialiste, développer la production, constituer des réserves, satisfaire les besoins matériels et culturels de la population. Le bien-être croissant des travailleurs entraîne une augmentation de leurs économies, qui sont déposées à la caisse d’épargne.

Dans la société socialiste, l’or est une monnaie universelle. La réserve-or est avant tout une réserve de monnaie universelle dont l’État dispose, en tant que moyen d’achat et de paiement, pour le règlement de ses comptes internationaux en matière de commerce extérieur.

La stabilité de la monnaie soviétique est garantie non seulement par une réserve en or, mais encore et surtout par l’énorme quantité de marchandises concentrées entre les mains de l’État et mises en circulation aux prix fermes fixés par le plan. Aucune monnaie capitaliste ne possède une couverture aussi solide.