Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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L’instauration des rapports de production socialistes modifie radicalement le caractère du travail. La force de travail a cessé d’être une marchandise. Les travailleurs mettent en œuvre des moyens de production qui sont leur propriété ; ils travaillent pour eux-mêmes, pour leur société. En régime socialiste, le travail est affranchi de toute exploitation.
Pour la première fois, après des siècles de travail au profit d’autrui, de travail forcé pour le compte des exploiteurs, apparaît la possibilité de travailler pour soi, et ce, en bénéficiant de toutes les conquêtes de la technique et de la culture modernes.
Alors qu’en régime capitaliste le travail, qui n’est pas libre, se présente directement comme un travail privé, son caractère social ne se manifestant que sur le marché, à l’insu et en dehors des producteurs, en régime socialiste le travail a un caractère directement social et est méthodiquement organisé à l’échelle de l’État. Le travail de chaque producteur se présente donc directement comme une partie de l’ensemble du travail social. L’organisation méthodique du travail social crée la possibilité, inconnue en régime capitaliste, d’utiliser intégralement les ressources en main-d’œuvre à l’échelle de toute la société.
En régime socialiste, la situation sociale du travailleur est complètement transformée. Contrairement à ce qui se passe en régime capitaliste, où la situation d’un homme est déterminée par son origine sociale et sa richesse, la situation de chacun en société socialiste dépend uniquement de son travail et de ses aptitudes.
L’affranchissement de toute exploitation et le changement survenu dans la situation du travailleur au sein de la société modifient du tout au tout la façon de considérer le travail, engendrent une attitude nouvelle envers le travail. Alors que le régime d’exploitation a, pendant des siècles, inspiré à de nombreuses générations de travailleurs le dégoût du travail considéré comme un lourd fardeau et un déshonneur, le socialisme fait du travail une question d’honneur, de vaillance et d’héroïsme, lui confère un caractère de plus en plus créateur. Dans la société socialiste, l’homme qui travaille, s’il travaille bien et fait preuve d’initiative pour améliorer la production, est entouré de considération et de gloire.
Tout cela crée des stimulants sociaux du travail, inconnus en régime capitaliste.
Néanmoins, le travail n’est pas encore devenu en régime socialiste le premier besoin vital des membres de la société, l’habitude de consacrer ses efforts au bien commun. Au stade du socialisme, les survivances du capitalisme n’ont pas entièrement disparu dans la conscience des hommes. À côté de la grande masse des producteurs qui s’acquittent scrupuleusement de leurs obligations envers la société et font preuve d’initiative créatrice dans le travail, il en est qui n’accomplissent pas leur devoir, enfreignent la discipline du travail, cherchent à donner le minimum à la société socialiste et à en obtenir le maximum.
En régime socialiste, il subsiste d’importants vestiges de l’ancienne division du travail : les différences essentielles entre le travail manuel et le travail intellectuel, entre le travail de l’ouvrier et le travail du paysan, les différences entre le travail simple et le travail qualifié, le travail pénible et le travail facile. Ces vestiges ne disparaissent que graduellement à mesure que se développent les forces productives du socialisme et qu’est créée la base matérielle de production du communisme.
C’est dire qu’en régime socialiste, le principe de l’intérêt matériel du producteur au résultat de son travail acquiert une importance extrême en tant que stimulant du développement de la production. Cet intérêt s’explique par le fait que la situation du travailleur dans la société dépend de la quantité et de la qualité de son travail. L’utilisation de l’intérêt matériel de chaque travailleur aux résultats de son travail est l’une des méthodes fondamentales de la gestion socialiste de l’économie. Lénine écrivait : « il faut fonder chaque branche importante de l’économie nationale sur l’intérêt personnel. » (V. Lénine, « La nouvelle politique économique et les tâches des services d’éducation politique », Œuvres, t. 33, p. 64.)
Le principe de l’intérêt matériel trouve les applications les plus étendues, notamment dans la rémunération du travail des ouvriers et des employés, la répartition des revenus au kolkhoz, l’établissement des modalités de la gestion équilibrée, la fixation des prix des produits industriels et agricoles.
Le changement radical du caractère du travail en régime socialiste crée les conditions nécessaires à un essor systématique et rapide de sa productivité, à la création d’une productivité supérieure à celle qui existe en régime capitaliste.