Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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28.4. Le caractère des rapports de production socialistes.

Les rapports de production de la société socialiste se distinguent foncièrement des rapports de production du capitalisme et des autres formations sociales fondées sur la propriété privée des moyens de production.

Ils sont caractérisés : 1o par la domination sans partage de la propriété sociale des moyens de production, qui existe sous deux formes : la propriété d’État et la propriété coopérative-kolkhozienne ; 2o par la libération des travailleurs de toute exploitation et par l’établissement de rapports de coopération amicale et d’entraide socialiste ; 3o par la répartition des produits dans l’intérêt des travailleurs eux-mêmes suivant le principe : à chacun selon son travail.

La propriété socialiste des moyens de production confère aux rapports entre les hommes dans le processus de la production un caractère tout autre qu’en régime capitaliste. La propriété privée des moyens de production ne peut manquer de désunir les hommes, d’engendrer des rapports de domination et de subordination, l’exploitation des uns par les autres, de provoquer une opposition d’intérêts, la lutte des classes et la concurrence, alors que la propriété sociale des moyens de production unit les hommes, garantit une véritable communauté d’intérêts et une coopération amicale.

La domination de la propriété sociale des moyens de production confère également à la répartition des produits un caractère tout autre qu’en régime capitaliste.

Dans la société socialiste, les classes exploiteuses et l’exploitation de l’homme par l’homme ayant disparu, le travail ne se divise pas en travail nécessaire et surtravail ; par suite, le produit, lui non plus, ne s’y divise pas en produit nécessaire et surproduit. Les rapports de production socialistes déterminent la nécessité objective d’une division du travail et de son produit tout autre qu’en régime capitaliste. En régime socialiste, les moyens de production sont propriété sociale et la production vise à satisfaire les besoins de toute la société et de chacun de ses membres ; par suite, le travail s’y divise en deux parties : le travail pour soi et le travail pour la société. Le produit du travail (déduction faite de la partie destinée à remplacer les moyens de production usés) se divise également en deux parties : le produit pour soi et le produit pour la société. Le travail pour soi crée le produit à répartir entre les producteurs selon la quantité et la qualité de leur travail ; il est destiné à satisfaire les besoins personnels du travailleur et de sa famille. Le travail pour la société crée le produit qui doit couvrir les besoins sociaux : extension de la production, développement de l’instruction, protection de la santé publique, organisation de la défense nationale, etc. Dans la société socialiste où les travailleurs sont au pouvoir, le travail pour la société leur est non moins nécessaire que le travail pour soi. Le produit pour la société, destiné à développer la production socialiste, multiplie les conditions matérielles d’un relèvement continu du bien-être des travailleurs. Le produit pour la société consacré à l’instruction, à la protection de la santé publique, à la sécurité sociale et aux autres besoins généraux de la population contribue à satisfaire les besoins des travailleurs au même titre que le produit pour soi.

La propriété sociale des moyens de production et des produits du travail, la répartition des produits du travail dans l’intérêt des travailleurs assurent au système socialiste d’économie des avantages décisifs par rapport au système capitaliste. Des bienfaits de la grande production sociale, qui accroît prodigieusement la puissance productive du travail, bénéficient la totalité de la société et les masses travailleuses, et non plus les exploiteurs comme c’est le cas en régime capitaliste.

La domination de la propriété sociale des moyens de production fait que la production socialiste ignore la contradiction entre le caractère social de la production et la forme capitaliste privée de l’appropriation des résultats de cette production, contradiction inhérente au capitalisme. Au caractère social de la production correspond, en régime socialiste, la propriété collective, socialiste, des moyens de production. Par suite, dans la société socialiste, la concordance est entière entre les rapports de production et les forces productives.

Définissant le régime socialiste, Staline a écrit :

Les rapports de production sont parfaitement conformes à l’état des forces productives, car le caractère social du processus de production est étayé par la propriété sociale des moyens de production.

C’est ce qui fait que la production socialiste en U.R.S.S. ignore les crises périodiques de surproduction et toutes les absurdités qui s’y rattachent.

C’est ce qui fait qu’ici les forces productives se développent à un rythme accéléré, car les rapports de production qui leur sont conformes donnent libre cours à ce développement.

J. Staline, Matérialisme dialectique et matérialisme historique, p. 27, Éditions sociales, Paris, 1956.

Contrairement aux rapports de production du capitalisme actuel, qui entravent de plus en plus le développement des forces productives, les rapports de production socialistes assurent un accroissement ininterrompu des forces productives. Une fois qu’ils sont apparus et se sont développés sur la base de forces productives déterminées, les rapports de production socialistes, à leur tour, stimulent puissamment et accélèrent le développement de ces dernières.

Le fait que les rapports de production socialistes correspondent entièrement au caractère des forces productives de la société ne signifie cependant pas qu’il ne puisse exister entre eux aucune contradiction. Des contradictions surgissent inévitablement entre les forces productives et les rapports de production, car les forces productives, qui sont l’élément le plus mobile et le plus révolutionnaire de la production, continuent en régime socialiste à devancer les rapports de production. Mais en régime socialiste, à la différence de ce qui se produit dans les formations sociales fondées sur l’exploitation, ces contradictions ne sont pas antagonistes, inconciliables. C’est pourquoi les choses ne vont pas jusqu’à un conflit entre les rapports de production et les forces productives. La société socialiste a la possibilité d’amener en temps utile les rapports de production à correspondre au niveau des forces productives, puisqu’il n’y existe pas de classes intéressées au maintien de formes d’économie périmées.