Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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L’organisation d’une économie socialiste a entraîné en U.R.S.S. de profonds changements dans la structure de classes de la société. En régime socialiste, il n’y a pas de classes exploiteuses. La société socialiste se compose de deux classes laborieuses et amies : la classe ouvrière et la paysannerie, ainsi que des intellectuels qui sont liés à ces classes par toutes leurs racines.
En 1913, avant la Révolution, les ouvriers et les employés formaient en Russie 16,7 % de la population, les petits producteurs de marchandises (paysans, artisans) 65,1 %, les classes exploiteuses 15,9 % (dont les koulaks : 12,3 %) ; le reste (étudiants, retraités, militaires et autres) 2,3 %.
En 1937, les ouvriers et les employés constituaient en U.R.S.S. 34,7 % de la population, la paysannerie kolkhozienne et les artisans groupés en coopératives 55,5 %, les étudiants, les retraités, les militaires et autres 4,2% ; les paysans individuels et les artisans travailleurs non groupes en coopératives, c’est-à-dire les petits producteurs de marchandises, 5,6 % seulement. Les classes exploiteuses, grands propriétaires fonciers et bourgeoisie, avaient été liquidées au cours de la période de transition. La victoire du socialisme modifia radicalement le caractère et la situation de la classe ouvrière, de la paysannerie et des intellectuels.
La classe ouvrière avait cessé d’être une classe dépourvue de moyens de production, vendant sa force de travail et exploitée par les capitalistes. Elle était devenue une classe absolument nouvelle, telle que l’histoire n’en avait encore jamais connue, qui possédait les moyens de production conjointement avec le peuple tout entier et qui était libérée de toute exploitation. En U.R.S.S., la classe ouvrière fonde son existence sur la propriété d’État (bien du peuple entier) et sur le travail socialiste. C’est la classe la plus avancée de la société, la force motrice de son développement. C’est pourquoi la direction politique de la société (dictature) appartient en U.R.S.S. à la classe ouvrière.
La paysannerie, autrefois classe de petits producteurs dispersés, fondant son existence sur la propriété privée, le travail individuel et une technique primitive, exploitée par les propriétaires fonciers, les koulaks, les marchands et les usuriers, est devenue une classe absolument nouvelle, telle que l’histoire n’en avait encore jamais connue. En U.R.S.S. la paysannerie est libérée de toute exploitation ; elle fonde son travail et son avoir sur la propriété sociale, coopérative-kolkhozienne, sur le travail collectif et une technique moderne. En alliance étroite avec la classe ouvrière et sous sa direction, elle prend une part effective à la gestion de l’État soviétique, qui est l’État socialiste des ouvriers et des paysans.
La victoire du socialisme en U.R.S.S. a mis fin à l’exploitation de la campagne par la ville, à la ruine de la paysannerie. Ainsi a disparu la séculaire opposition entre la ville et la campagne. La ville, qui est en régime capitaliste le centre de l’exploitation de la campagne, est devenue en régime socialiste un centre d’aide économique, politique et culturelle de cette dernière. L’assistance efficace apportée à la paysannerie par la ville socialiste pour liquider les grands propriétaires fonciers et les koulaks, ainsi que la fourniture régulière de tracteurs et d’autres machines à la paysannerie et aux kolkhoz, ont resserré l’alliance de la classe ouvrière et de la paysannerie.
Grâce à l’aide de la ville socialiste, la campagne a acquis de nouvelles et puissantes forces productives. L’alliance entre l’industrie et l’agriculture n’a cessé de se renforcer. L’opposition d’intérêts entre la ville et la campagne a disparu. Il n’est pas resté trace de la méfiance, et encore moins de la haine d’antan, de la campagne pour la ville. Comme la ville, la campagne se développe sur une base socialiste. Les ouvriers et les paysans ont, les uns comme les autres, intérêt à renforcer le régime socialiste et à bâtir le communisme.
En U.R.S.S. sont apparus des intellectuels nouveaux, auxquels se sont joints les intellectuels d’autrefois ralliés au peuple après la Révolution. Dans la société bourgeoise, les intellectuels sont surtout issus des classes possédantes ; ils servent les capitalistes ; ils sont exploités par eux et les aident à exploiter les ouvriers et les paysans. En régime capitaliste, une grande partie des intellectuels est obligée d’exécuter des travaux non qualifiés ou va grossir les rangs des chômeurs. En U.R.S.S., les intellectuels sont pour la plupart issus de la classe ouvrière et de la paysannerie. Ils ignorent l’exploitation, servent le peuple laborieux, la cause du socialisme, et ont toute possibilité d’appliquer avec fruit leurs connaissances. En régime socialiste, les intellectuels sont, comme la classe ouvrière et la paysannerie, des membres de la société égaux en droits, participant activement à l’administration du pays. En 1937, les intellectuels soviétiques étaient au nombre de 9,6 millions et ils formaient avec leurs familles de 13 à 14 % de la population de l’U.R.S.S.
La victoire du socialisme en U.R.S.S. a mis fin à la séculaire opposition entre le travail manuel et le travail intellectuel. Le temps n’est plus où une grande partie des travailleurs intellectuels aidait les classes dominantes à exploiter les travailleurs manuels. En régime socialiste, les ouvriers et les dirigeants des entreprises constituent une seule et même collectivité de travailleurs vivement intéressée au progrès de la production. L’instruction a cessé d’être le monopole des classes possédantes. La science sert les intérêts du peuple tout entier, l’instruction est devenue le bien des ouvriers et des paysans.
La victoire du socialisme a créé toutes les conditions de l’aisance et de la culture pour les masses populaires. Conformément à la loi économique fondamentale du socialisme, le bien-être de la classe ouvrière, de la paysannerie et des intellectuels s’est sensiblement accru au cours de la période de transition. Le chômage et la misère ont disparu. Il n’y a plus à la campagne de paysans nécessiteux. Le salaire réel des ouvriers et des employés et les revenus réels de la paysannerie ont augmenté. Une révolution culturelle s’est accomplie dans le pays. À l’issue des deux premiers plans quinquennaux, l’enseignement primaire, donné dans les langues des nationalités de l’U.R.S.S., était devenu général et obligatoire. Le réseau des établissements d’enseignement et la formation des cadres ont pris un développement prodigieux dans l’ensemble du pays. Le nombre des spécialistes pour les différentes branches de l’économie et de la culture a augmenté de plusieurs fois.
Le revenu national de l’U.R.S.S., qui appartient tout entier aux travailleurs, a augmenté (à parité de prix) de plus de 4,5 fois en 1937 par rapport à 1913. La production des objets de consommation personnelle par la grande industrie a presque sextuplé en 1937 par rapport à 1913. Rien qu’au cours du second plan quinquennal, le salaire réel des ouvriers et des employés a doublé.
Le nombre des élèves des écoles primaires et secondaires est passé de 7,9 millions en 1914 à 29,6 millions en 1937 ; celui des étudiants des établissements d’enseignement supérieur de 117 000 à 547 200. Le tirage des livres a augmenté de 86,7 millions à 673,5 millions, celui des journaux (au numéro) de 2,7 millions à 36,2 millions.
Conformément aux principes du socialisme, le pouvoir des Soviets a mis fin à la situation inférieure de la femme. En U.R.S.S., la femme jouit réellement de droits égaux à ceux de l’homme dans tous les domaines de la vie économique, culturelle, sociale et politique. Elle reçoit pour un travail égal un salaire égal à celui de l’homme. La victoire du socialisme a permis à des millions de femmes d’accéder à un travail qualifié. Au cours des plans quinquennaux, de nombreux cadres dirigeants ont été formés parmi les femmes. La situation des femmes à la campagne a été totalement transformée à la suite de la victoire des kolkhoz, qui a supprimé l’inégalité de la femme par rapport à l’homme, telle qu’elle existait dans l’économie paysanne individuelle. Les femmes ont pu se placer sur un pied d’égalité avec les hommes et s’assurer une place d’honneur dans l’économie collective des kolkhoz. La femme est affranchie de son semi-esclavage dans un certain nombre de régions nationales périphériques, où des survivances féodales et patriarcales existaient encore. Dans ces régions comme dans le reste du pays, les femmes sont devenues des bâtisseurs actifs du socialisme.
Les femmes constituaient, en 1936, 42 % des élèves admis dans les établissements d’enseignement supérieur et 48 % des élèves admis dans les écoles techniques. En 1935, la proportion des femmes parmi les étudiants des grandes écoles industrielles était en U.R.S.S. sept fois plus élevée qu’en Allemagne, dix fois plus élevée qu’en Angleterre et vingt fois plus élevée qu’en Italie. En 1940, le nombre des femmes médecins avait augmenté en U.R.S.S. de quarante fois par rapport à 1913. Elles formaient, en 1940, environ 60 % du nombre total des médecins contre 9,7 % en 1913.
Depuis la victoire du socialisme et la disparition de l’exploitation de l’homme par l’homme, il n’existe plus en U.R.S.S. ni classes antagonistes ni contradictions de classes irréductibles. Ce qui caractérise les rapports de classes dans la société socialiste, c’est l’amitié indissoluble, la collaboration fraternelle de la classe ouvrière, de la paysannerie et des intellectuels. Les différences de classes entre la classe ouvrière et la paysannerie, ainsi qu’entre ces classes et les intellectuels, s’effacent peu à peu. Alors que la société capitaliste, déchirée par des antagonismes sociaux et nationaux, est rendue instable, la société socialiste, parce qu’elle ignore les antagonismes sociaux et nationaux, se distingue par son caractère monolithe et sa stabilité. La domination sans partage de la propriété sociale et du système socialiste d’économie a été, en U.R.S.S., la base économique sur laquelle se sont déployées des forces motrices du développement social aussi puissantes que l’unité morale et politique de la société soviétique, l’amitié des peuples de l’U.R.S.S., le patriotisme soviétique. Ces forces motrices exercent à leur tour une action immense sur l’économie dont elles stimulent le développement.
Les transformations profondes intervenues dans l’économie socialiste et la structure de classes de l’U.R.S.S. ont eu leurs répercussions dans la superstructure politique. L’État socialiste a passé par deux phases principales. La première phase s’étend de la Révolution d’Octobre à la liquidation des classes exploiteuses. L’État, durant cette période, réprimait les classes renversées, défendait le pays contre l’agression du dehors. Il avait également une fonction d’organisation économique et une fonction éducative et culturelle, mais elles n’avaient pas pris alors leur plein développement, l’État soviétique ayant à organiser l’économie socialiste dans l’ensemble du pays et à faire disparaître les derniers vestiges des éléments capitalistes. La fonction de répression des exploiteurs a fait place à celle de protection de la propriété socialiste ; la fonction de défense militaire du pays contre l’encerclement capitaliste subsista. La création d’une base socialiste garantissait le développement complet de la fonction d’organisation économique et de la fonction culturelle et éducative des organismes de l’État.
À la suite des changements intervenus, la nouvelle Constitution de l’U.R.S.S., adoptée en 1936, consacre sur le plan législatif les principes et les fondements du socialisme. Elle ne se borne pas à fixer formellement les droits des citoyens, mais elle se préoccupe surtout de garantir réellement ces droits. C’est ainsi qu’elle ne se contente pas de proclamer le droit des citoyens de l’U.R.S.S. au travail, au repos, à l’instruction, à la sécurité matérielle dans la vieillesse, en cas de maladie et de perte de capacité de travail. Ces droits sont garantis car l’organisation planifiée de l’économie nationale, la suppression du chômage, la journée de travail de huit heures, l’établissement de congés annuels payés pour les ouvriers et les employés, les assurances sociales des ouvriers et des employés aux frais de l’État, la mise à la disposition des travailleurs d’un vaste réseau de maisons de cure et de repos, la protection par l’État des intérêts de la mère et de l’enfant, l’instruction de sept ans générale et obligatoire, la gratuité de l’enseignement primaire, l’attribution par l’État de bourses aux étudiants, et par d’autres moyens matériels, etc. La victoire du socialisme en U.R.S.S. a donc créé une base économique solide qui garantit réellement les droits des travailleurs. C’est là une nouvelle preuve du démocratisme authentiquement socialiste de la société soviétique et de la Constitution de l’U.R.S.S.