Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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Les succès de l’industrialisation socialiste et de la collectivisation de l’agriculture ont profondément modifié le rapport des secteurs économiques et des forces de classe en U.R.S.S. en faveur du socialisme, au détriment du capitalisme. Jusqu’à la seconde moitié de 1929, une offensive énergique contre les éléments capitalistes avait été menée principalement dans les villes. Avec le passage à la collectivisation intégrale et à la liquidation des koulaks en tant que classe, cette offensive s’étendit également à la campagne et prit ainsi un caractère général. Ce fut le début de l’offensive du socialisme développée sur l’ensemble du front. À la suite du tournant opéré par les masses paysannes vers le socialisme, la forme capitaliste d’économie perdait sa base : la petite production marchande, et était en train de sombrer. En 1930, le secteur socialiste détenait déjà les leviers de commande de l’ensemble de l’économie nationale. Non seulement il occupait une situation dominante dans l’industrie, mais encore il commençait à jouer un rôle décisif dans l’agriculture. Autrement dit, l’U.R.S.S. était [entrée] dans la période du socialisme.
L’entrée dans la période du [socialisme] ne signifiait pas encore la fin de la période de transition, puisque l’édification de la société socialiste n’était pas achevée. Mais c’était déjà la dernière étape de la période de transition. Alors qu’au début de la Nep, on avait assisté à une certaine reprise du capitalisme, on était à présent au dernier stade de la Nep, celui de la liquidation complète des éléments capitalistes dans le pays.
L’offensive du socialisme sur l’ensemble du front allait de pair avec une aggravation de la lutte de classes, au milieu des énormes difficultés qu’entraînaient la reconstruction totale de l’industrie et de l’agriculture, la transformation de la base technique de toute l’économie nationale. Dans l’agriculture, cette reconstruction était impossible sans procéder en même temps à la refonte de l’ancienne forme d’économie, sans collectiviser les exploitations paysannes, sans extirper les racines du, capitalisme à la campagne. L’offensive du socialisme ne pouvait manquer de se heurter à la résistance désespérée des classes exploiteuses moribondes qui, avec l’appui de l’entourage capitaliste, recouraient au sabotage et au terrorisme. Les difficultés de l’édification socialiste diffèrent essentiellement des difficultés propres à l’économie capitaliste (crises, chômage), dont on ne saurait venir à bout dans le cadre du capitalisme. Les difficultés de l’édification socialiste sont la conséquence des difficultés de la croissance, de l’essor, de la progression ; c’est pourquoi elles renferment en elles-mêmes la possibilité de les surmonter.
Le premier plan quinquennal permit de jeter en U.R.S.S. les fondements d’une économie socialiste sous la forme d’une industrie socialiste et d’une grande agriculture collective pourvues, l’une et l’autre, d’une technique perfectionnée. Les éléments capitalistes furent liquidés dans l’industrie. La collectivisation fut réalisée pour l’essentiel dans les principales régions agricoles du pays ; les koulaks furent écrasés, mais non achevés. Le commerce soviétique, commerce sans capitalistes, fut instauré ; le commerce l’État, le commerce coopératif et le commerce kolkhozien, évincèrent complètement le commerce privé.
Au début du second plan quinquennal, des cinq types d’économie qui existaient autrefois dans l’économie nationale, trois : le capitalisme privé, le capitalisme d’État et l’économie patriarcale, avaient disparu ; la petite économie marchande était refoulée sur des positions de second plan ; le type d’économie socialiste dominait sans partage, était seul déterminant dans l’économie nationale. Autrement dit, le pouvoir des Soviets reposait désormais, à la ville comme à la campagne, sur une base socialiste.
Au cours du second plan quinquennal s’acheva la reconstruction technique de toute l’économie nationale. L’U.R.S.S. devint un pays indépendant sous le rapport économique, un pays produisant tout l’équipement technique nécessaire à son économie et à sa défense. Dans toutes les branches de l’économie nationale avaient été formés des cadres nombreux, capables d’utiliser avec succès la technique nouvelle.
La réalisation du deuxième plan quinquennal a permis de résoudre la tâche historique essentielle qu’il posait : toutes les classes exploiteuses ont été définitivement liquidées ; les causes qui engendraient l’exploitation de l’homme par l’homme et la division de la société en exploiteurs et exploités ont été supprimées. Une des tâches les plus difficiles de la Révolution socialiste a été accomplie : la collectivisation de l’agriculture est achevée et le régime kolkhozien s’est définitivement affermi.
Sur la base de la collectivisation intégrale les racines du capitalisme dans l’économie furent extirpées. La différenciation de la paysannerie, la naissance spontanée d’éléments capitalistes avaient cessé.
La contradiction fondamentale de la période de transition, la contradiction entre le socialisme montant et le capitalisme renversé, mais resté fort au début parce qu’il conserve une base dans la petite production marchande, avait été levée. La question de savoir qui l’emporterait était tranchée en faveur du socialisme. Le but de la Nep : assurer la victoire des formes socialistes d’économie, était atteint. Lénine disait que la Nep avait été instaurée pour de bon et pour longtemps, mais non pour toujours, et que la Russie de la Nep deviendrait la Russie socialiste. Cette prédiction scientifique de Lénine était entièrement vérifiée. La victoire du socialisme marquait la fin de la période de transition, la fin de la Nep.
En 1936, la part des formes socialistes d’économie dans l’ensemble des moyens de production atteignait 98,7 %, dont 99,95 % dans l’industrie et 96,3 % dans l’agriculture. De 1923-1924 à 1936, la part des formes socialistes d’économie était passée de 76,3 % à 99,8 % dans la production globale de l’industrie, de 1,5 % à 97,7 % dans la production globale de l’agriculture (y compris l’exploitation auxiliaire individuelle des kolkhoziens), de 43 % à 100% dans le commerce de détail ; elle était passée de 35% en 1924-1925 à 99,1 % en 1936 dans le revenu national.
Ainsi, à l’issue de la période de transition en U.R.S.S., la victoire du socialisme était assurée. Cela avait été possible, parce qu’il s’était trouvé au pays des Soviets une force sociale telle que l’alliance de la classe ouvrière et de la paysannerie, alliance qui englobait l’immense majorité de la société. La classe ouvrière alliée à la paysannerie avait utilisé la loi de la correspondance nécessaire entre les rapports de production et le caractère des forces productives pour jeter bas les rapports de production anciens, bourgeois, et instaurer dans l’ensemble de l’économie nationale des rapports de production nouveaux, socialistes. La résistance de la bourgeoisie, dont cette loi contrecarrait les intérêts, avait été brisée.
Au cours de la période de transition, le mode de production le plus progressiste qui ait existé dans l’histoire, le mode de production socialiste, a triomphé en U.R.S.S. De nouvelles et puissantes forces productives se sont développées dans l’industrie et l’agriculture. Ainsi ont été créées les conditions matérielles d’une victoire complète des rapports de production socialistes, de leur consolidation dans l’ensemble de l’économie nationale. À leur tour, les rapports de production socialistes, après avoir vaincu à la ville comme à la campagne, ont donné libre cours au développement des forces productives et créé les conditions nécessaires à un essor ininterrompu et rapide de la production. L’édification du socialisme pouvait seule mettre fin au retard technique et économique séculaire de la Russie, affranchir le pays de la sujétion étrangère et assurer son indépendance nationale. L’U.R.S.S. est devenue, dans les délais historiques les plus brefs, une grande puissance industrielle et kolkhozienne. En construisant une société socialiste, la classe ouvrière et les travailleurs de l’U.R.S.S., conduits par le Parti communiste, ont réalisé les espoirs de nombreuses générations de travailleurs.
Le socialisme est un régime fondé sur la propriété sociale des moyens de production sous ses deux formes : la propriété d’État (bien du peuple tout entier), et la propriété coopérative et kolkhozienne ; c’est un régime où l’exploitation de l’homme par l’homme a disparu, où l’économie nationale se développe selon un plan afin de satisfaire au mieux les besoins sans cesse croissants des travailleurs en augmentant toujours la production sur la base d’une technique supérieure et où est appliqué le principe de la répartition selon le travail.
La victoire du socialisme en U.R.S.S. constituait la plus profonde des révolutions qu’eût jamais connue l’histoire de l’humanité.