Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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24.5. De pays agricole arriéré, l’U.R.S.S. se transforme en puissance industrielle avancée.

La victoire de l’industrialisation socialiste en U.R.S.S. a été possible parce que le Parti communiste et l’État soviétique s’appuyaient dans leur politique sur les lois du développement économique, et qu’ils surent tirer parti des avantages de l’économie socialiste. De gigantesques travaux de construction industrielle furent entrepris en vue d’édifier le socialisme et de satisfaire les besoins matériels et culturels croissants des travailleurs. Le programme d’industrialisation du pays se concrétisa dans les plans quinquennaux, qui donnaient au peuple soviétique des perspectives claires et mobilisaient les travailleurs pour bâtir le socialisme.

L’intérêt des masses au développement de la production socialiste, le caractère nouveau du travail et l’élévation du niveau culturel et technique des ouvriers se manifestèrent par le développement de l’activité et de l’initiative créatrice de la classe ouvrière. On assista durant le premier plan quinquennal au déploiement d’une émulation socialiste de masse pour réaliser et dépasser les plans. Le deuxième plan quinquennal fut marqué par l’apparition du mouvement stakhanoviste ; lié à l’acquisition par les ouvriers de la pratique d’un outillage moderne de premier ordre, il renversait les anciennes normes techniques, trop basses, et les remplaçait par des normes plus élevées. Le mouvement stakhanoviste constituait une nouvelle étape de l’émulation socialiste. L’émulation des grandes masses de la classe ouvrière soulignait le rôle progressiste des rapports de production nouveaux, socialistes, comme facteur principal et déterminant du vigoureux essor des forces productives. Elle révéla l’existence de possibilités énormes d’accroître la productivité du travail et d’accélérer les rythmes de l’industrialisation. C’est surtout grâce au grand développement de l’émulation socialiste que les premier et deuxième plans quinquennaux ont pu être exécutés avant terme.

L’application conséquente de la loi économique de la répartition selon le travail, qui conciliait l’intérêt matériel des travailleurs avec les intérêts de la production sociale, joua un rôle important dans la lutte pour l’industrialisation du pays. La rémunération du travail selon sa quantité et sa qualité stimulait le rendement, incitait les travailleurs à augmenter leur valeur professionnelle et à perfectionner les méthodes de fabrication.

La réalisation du programme d’industrialisation modifia les proportions entre l’industrie et l’agriculture : si la production agricole s’était accrue, la production industrielle augmentait beaucoup plus rapidement ; par suite, sa part dans la production nationale avait monte en flèche. L’industrie socialiste devint la force décisive de l’économie nationale. Le rapport entre les industries produisant des moyens de production et les industries produisant des objets de consommation, lui aussi, avait changé. La production des moyens de production avait pris une place prépondérante dans la production industrielle globale, elle joua désormais le rôle déterminant dans le développement de l’industrie et de l’économie du pays. Les constructions mécaniques atteignirent en U.R.S.S. un niveau qui leur permit de produire n’importe quelle machine. L’Union soviétique devint indépendante des pays capitalistes sous le rapport technique et économique.

De 1913 à 1940, la production de la grande industrie a augmenté en U.R.S.S. de près de douze fois. Dès la fin du second plan quinquennal, l’Union soviétique occupait la première place en Europe et la deuxième dans le monde pour le volume de la production industrielle. Elle venait au deuxième rang pour le trafic ferroviaire. La part de la grande industrie dans la production globale de la grande industrie et de l’agriculture passa de 42,1 % en 1913 à 77,4 % en 1937. En 1913, la part des moyens de production constituait 33,3% de la production industrielle globale ; elle représentait plus de 60 % en 1940. À la veille du premier plan quinquennal, l’U.R.S.S. importait environ un tiers de toutes ses machines. En 1932, elle en importait déjà moins de 13%, et en 1937, 0,9% seulement. Non seulement l’Union soviétique a cessé d’importer des pays capitalistes automobiles, tracteurs, machines agricoles et autres, mais elle s’est mise elle-même à en exporter.

Les progrès rapides de l’industrie soviétique ont assuré aux grandes entreprises socialistes un rôle prépondérant dans la production industrielle. En 1924-1925, la part du secteur privé dans cette dernière était de 20,7 %. L’accomplissement du second plan quinquennal a entraîné la disparition définitive de l’industrie privée. Il n’existe plus dans l’industrie de l’U.R.S.S. d’autre système que le système socialiste.

L’industrialisation socialiste a eu pour corollaire une élévation du niveau d’existence matériel et culturel des travailleurs. La création d’une industrie lourde permit le réaménagement technique et un vigoureux développement des branches produisant les objets de consommation : agriculture, industries légère et alimentaire. Les investissements dans l’industrie produisant des objets de consommation triplèrent au cours du deuxième plan quinquennal par rapport au premier.

Des changements profonds intervinrent dans la répartition de l’industrie au cours de l’industrialisation socialiste. De nouvelles bases industrielles de premier ordre furent créées dans les régions orientales du pays : Oural, Sibérie occidentale, Kazakhstan. L’industrialisation socialiste s’accompagna de la création de villes nouvelles et du développement des anciennes. Dans tout le pays, mais surtout à l’Est, on vit apparaître de grandes villes et d’importants foyers industriels, qui devinrent des centres économiques et culturels transformant toute l’existence des régions voisines.

L’exécution du programme d’industrialisation fit de l’Union soviétique, autrefois pays agricole, arriéré, une grande puissance industrielle socialiste. La solide base industrielle ainsi créée permettait de réaménager techniquement toute l’économie nationale, de renforcer la capacité de défense de l’U.R.S.S. et d’accroître sans cesse le bien-être de la population. La contradiction, entre le pouvoir politique le plus avancé du monde et la base technique et économique arriérée héritée du passé, n’existait plus.

C’est ainsi qu’au cours des plans quinquennaux d’avant-guerre les forces productives de l’industrie socialiste connurent un développement impétueux. Durant les treize années qui précédèrent la guerre, l’Union soviétique a parcouru un chemin qui avait demandé à peu près dix fois plus de temps aux pays capitalistes évolués. Ce fut un bond prodigieux du retard au progrès, un bond comme l’histoire n’en avait encore jamais connu. Le développement gigantesque des forces productives en U.R.S.S. n’aurait pu avoir lieu si les anciens rapports de production capitalistes n’avaient été remplacés par des rapports nouveaux, socialistes.

Pour mener à bien l’industrialisation de l’U.R.S.S., le Parti communiste et l’État soviétique ont eu à surmonter des difficultés énormes, dues au retard économique du pays, à la résistance acharnée des éléments capitalistes en train de disparaître et à l’existence d’un entourage capitaliste hostile. Le Parti communiste fit triompher la politique d’industrialisation du pays contre les pires ennemis du socialisme, les trotskistes et les boukhariniens, qui, à la ligne générale du Parti tendant à industrialiser le pays, opposaient une politique tendant à faire du pays des Soviets un appendice agricole des pays impérialistes, et tentaient d’engager l’U.R.S.S. dans la voie d’un développement capitaliste.

L’industrialisation socialiste de l’U.R.S.S. a eu une immense portée internationale. La transformation rapide d’un pays, autrefois arriéré, en un puissant État industriel prouva de façon irréfutable les avantages du système socialiste d’économie et renforça la situation internationale de l’Union soviétique. L’expérience de l’industrialisation de l’U.R.S.S. est aujourd’hui mise à profit par les États de démocratie populaire, à leur tour engagés sur la voie de l’édification du socialisme.

Dans chaque pays qui bâtit le socialisme, le déroulement de l’industrialisation dépend des conditions intérieures et extérieures. L’Union soviétique, qui fut le premier et, pendant longtemps, le seul pays à avoir construit le socialisme, alors qu’elle était entourée de puissances capitalistes hostiles, a dû créer une industrie lourde, avec toutes ses principales branches, en des délais historiques extrêmement réduits et en recourant uniquement à ses ressources intérieures. Ceci explique les difficultés énormes auxquelles s’est heurtée la construction du socialisme en U.R.S.S. Les pays de démocratie populaire bénéficient aujourd’hui de conditions plus favorables, puisqu’il existe un camp puissant de la démocratie et du socialisme. Dans ces pays, on tient compte, pour créer une industrie, des particularités nationales, y compris des conditions naturelles, de l’opportunité économique de développer telles ou telles industries, dans la perspective de tous les avantages que comportent une large division du travail entre les pays du camp socialiste et leur entraide économique.