Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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24.4. Les grands travaux. L’assimilation de la nouvelle technique et le problème des cadres.

L’industrialisation socialiste exige une masse de grands travaux, qui furent entrepris en U.R.S.S. sur une grande échelle. Ces travaux furent centrés autour de la construction de nouvelles entreprises, qui absorba plus de la moitié des investissements dans l’industrie.

Du fait de la situation historique dans laquelle se développait le premier pays du socialisme, l’industrialisation socialiste de l’U.R.S.S. se caractérisa par la nécessité de créer toutes les branches essentielles de l’industrie lourde en très peu de temps. Des dizaines de branches de l’industrie moderne, qui faisaient défaut dans la Russie d’avant la Révolution, furent créées en U.R.S.S. au cours des quinquennats d’avant-guerre : l’industrie automobile et celle des tracteurs, les constructions de machines-outils, plusieurs fabrications de l’industrie chimique, les constructions aéronautiques, la fabrication des machines agricoles modernes, la production d’aciers fins, etc. Les fonds fixes des principales branches de l’industrie lourde furent presque entièrement renouvelés en un espace de temps très court.

Pour construire les nouvelles entreprises et pour reconstruire les anciennes, on fit largement appel aux réalisations de la technique moderne mondiale. Les nouvelles entreprises industrielles furent équipées des machines, des machines-outils et des appareils les plus perfectionnés. Toutes les branches de l’industrie furent touchées par le processus de la reconstruction technique.

Tout cela eut pour résultat la création au cours des quinquennats d’avant-guerre d’une industrie puissante, équipée d’une technique moderne.

Au cours du premier plan quinquennal (1929-1932), les investissements dans l’industrie se sont élevés (aux prix actuels) à 35,1 milliards de roubles, dont 30,1 milliards dans l’industrie lourde ; au cours du deuxième plan quinquennal (1933-1937), à 82,8 milliards de roubles, dont 69,1 milliards dans l’industrie lourde ; durant les trois années et demie du troisième plan quinquennal (1938-première moitié de 1941), 81,6 milliards de roubles, dont 70,3 milliards dans l’industrie lourde.

Dans l’ensemble de l’industrie, les fonds de production fixes (bâtiments d’exploitation et installations, machines et outillages) dépassaient, en 1937, de 450 % le niveau de 1928, et, dans les branches produisant des moyens de production, de 600 %.

Des milliers de fabriques et d’usines furent construites et mises en marche au cours des plans quinquennaux. Parmi elles, des dizaines de géants de l’industrie socialiste : les combinats métallurgiques de Magnitogorsk et de Kouznetsk, la centrale hydroélectrique du Dniepr, les usines de tracteurs de Stalingrad et de Kharkov, les usines d’automobiles de Moscou et de Gorki, les entreprises de constructions mécaniques lourdes de l’Oural et de Kramatorsk, l’usine de roulements à billes de Moscou, les combinats chimiques de Stalinogorsk, de Solikamsk et de Bérézniki, et bien d’autres encore. Les nouveaux établissements fournissaient désormais la plus grande partie de la production industrielle. Dès 1937, plus de 80 % de celle-ci provenaient des entreprises construites ou réaménagées au cours des deux premiers plans quinquennaux.

La création d’un grand nombre d’entreprises équipées selon le dernier mot de la technique posa un nouveau et difficile problème : fournir à l’industrie les cadres d’ouvriers qualifiés et de spécialistes, capables de s’assimiler et de mettre entièrement à profit cette technique. Il fallait créer ces cadres en masse, et en peu de temps.

Le problème de l’approvisionnement de l’industrie socialiste en main-d’œuvre fut résolu d’une toute autre façon qu’en régime capitaliste, où la main-d’œuvre s’accroît essentiellement en puisant dans l’armée de réserve des chômeurs. Dès le premier plan quinquennal, à la fin de 1930, le chômage était entièrement liquidé en U.R.S.S. Les cadres industriels ne pouvaient provenir que de l’accroissement naturel de la population urbaine et des réserves de main-d’œuvre qui se formaient à la campagne par suite de l’équipement technique de l’agriculture et de l’élévation de la productivité du travail.

L’industrialisation socialiste exigeait une amélioration systématique de la qualification des ouvriers. Dès le premier quinquennat, on organisa sur une grande échelle la formation d’ouvriers qualifiés dans les écoles professionnelles des fabriques et des usines, ainsi que dans divers cours d’apprentissage. La préparation méthodique des cadres par l’État soviétique et l’intérêt des masses ouvrières à l’essor de la production sociale hâtèrent et facilitèrent la mise en œuvre de la technique nouvelle. Ainsi furent créées les conditions d’un accroissement rapide de la productivité du travail.

Le problème de la préparation de nouveaux cadres d’ingénieurs et de techniciens se posa dans toute son acuité. La classe ouvrière devait former ses propres intellectuels, capables de servir les intérêts du peuple et de prendre une part active à l’édification du socialisme. Au cours des premier et deuxième plans quinquennaux, l’État soviétique accomplit un travail énorme, afin d’assurer, dans les établissements d’enseignement supérieur et les écoles techniques, la préparation de cadres pour l’industrie et les autres branches de l’économie nationale.

De 1928 à 1937, le nombre des ouvriers et des employés de la grande industrie passe de 3,8 millions à 10,1 millions, soit une augmentation de 173 %. Le nombre des ouvriers qualifiés utilisant les machines les plus modernes s’accrut beaucoup plus rapidement que l’effectif total de la classe ouvrière. De 1926 à 1939, le nombre des tourneurs est multiplié par 6,8, celui des fraiseurs par 13 et ainsi de suite ; celui des ingénieurs par 7,7.