Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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24.3. La méthode socialiste d’industrialisation. D’où viennent les ressources nécessaires à l’industrialisation socialiste ?

La méthode socialiste d’industrialisation, fondée sur les nouvelles lois économiques du socialisme, permet seule de réaliser l’industrialisation socialiste dans les délais historiques les plus brefs.

Dans les pays capitalistes, l’industrialisation commence d’ordinaire par le développement de l’industrie légère. Ce n’est qu’après un temps assez long que vient le tour de l’industrie lourde.

Le pays des Soviets ne pouvait s’engager dans cette voie qui aurait été fatale à la révolution socialiste et aurait fait de l’U.R.S.S. une colonie des États impérialistes. Le Parti communiste repoussa la méthode capitaliste d’industrialisation et entreprit d’industrialiser le pays en développant d’abord l’industrie lourde.

L’industrialisation capitaliste se réalise de façon anarchique. Elle est le résultat de la course au profit capitaliste. L’industrialisation socialiste est réalisée dans le cadre de la loi du développement harmonieux de l’économie nationale, pour construire le socialisme et satisfaire les besoins croissants des travailleurs. Elle ne pourrait pas être accomplie si la production dans le secteur socialiste avait pour régulateur la loi de la valeur. L’État soviétique répartit, conformément à un plan, la main-d’œuvre et les moyens de production entre les différentes branches dans les proportions que dictait la nécessité d’effectuer l’industrialisation socialiste du pays et qui assuraient le développement prioritaire de l’industrie lourde à un rythme accéléré. Au cours des deux premiers quinquennats, le gros des investissements de l’État soviétique alla non pas à l’industrie légère, cependant plus rentable, mais aux entreprises de l’industrie lourde dont la construction avait une importance décisive pour la victoire du socialisme. Le système financier, le crédit, le commerce extérieur furent mis au service de l’industrialisation.

L’industrialisation capitaliste accroît l’exploitation et la paupérisation de la classe ouvrière et de la paysannerie, approfondit le fossé entre la ville et la campagne, entraîne l’asservissement des peuples coloniaux. L’industrialisation socialiste, conformément aux exigences de la loi économique fondamentale du socialisme, assure la base matérielle d’une élévation constante de la production, grâce à une technique supérieure, entraîne la disparition du chômage et l’augmentation du salaire réel des ouvriers. L’industrialisation socialiste crée la base des progrès de l’agriculture ; elle entraîne un bien-être croissant de la paysannerie, rapproche la campagne de la ville, renforce l’alliance de la classe ouvrière et de la paysannerie. Le Parti communiste rejeta les conceptions hostiles des trotskistes qui proposaient d’effectuer l’industrialisation en ruinant la paysannerie et cherchaient à saper ainsi l’alliance de la classe ouvrière et de la paysannerie. L’industrialisation socialiste est un puissant facteur de progrès économique et culturel pour les régions habitées par les minorités nationales autrefois arriérées.

La méthode socialiste d’industrialisation élargit constamment le marché intérieur, ce qui donne une base interne solide au développement de l’industrie.

Il s’ensuit que les ouvriers et les paysans ont un intérêt direct à l’industrialisation socialiste.

L’industrialisation d’un pays autrefois aussi arriéré que la Russie était une tâche difficile, car fonder une puissante industrie lourde exigeait des dépenses matérielles et financières considérables.

À côté d’une exploitation impitoyable des ouvriers et des paysans, l’afflux de ressources extérieures : pillages coloniaux, contributions de guerre, emprunts léonins, concessions, a joué un rôle essentiel dans l’industrialisation des pays capitalistes. Le recours à ces méthodes pour mobiliser les ressources destinées à bâtir une industrie est incompatible avec les principes du socialisme. Le pays des Soviets devait trouver chez lui les ressources indispensables à la création d’une industrie lourde, sans contracter au dehors des emprunts léonins, grâce à ses ressources intérieures, par une accumulation socialiste méthodique, L’accumulation socialiste consiste à utiliser une partie du revenu national pour élargir la production socialiste.

Pour accumuler les ressources nécessaires à l’édification de nouvelles usines, l’économie la plus stricte s’imposait. Nous économisons sur tout, écrivait Lénine, car

nous comprenons que, si nous ne sauvons pas l’industrie lourde, si nous ne la relevons pas, nous ne pourrons construire aucune industrie, et à défaut de celle-ci, c’en sera fait de nous, en général, comme pays indépendant. (V. Lénine, « Cinq ans de révolution russe et les perspectives de la révolution mondiale », rapport présenté au 4e Congrès de l’Internationale communiste, Œuvres, t. 33, p. 438.)

Si l’État soviétique mena à bien la tâche difficile de réunir les fonds nécessaires à l’industrialisation, c’est qu’il mettait à profit les avantages de l’économie socialiste. L’expropriation des propriétaires fonciers et des capitalistes permettait de consacrer à l’industrialisation socialiste une partie importante des ressources que s’attribuaient autrefois les exploiteurs pour leur consommation parasite. Le pouvoir des Soviets avait libéré le pays du paiement annuel des intérêts des emprunts tsaristes et des dividendes qu’empochaient les capitalistes étrangers pour les capitaux qu’ils avaient investis en Russie. Les versements effectués à ce titre s’élevaient avant la Révolution à 800 ou 900 millions de roubles-or par an.

La paysannerie soviétique, affranchie des fermages qu’elle payait aux propriétaires fonciers et des grosses dettes qu’elle avait contractées envers les banques, avait intérêt à voir l’industrie se développer et pouvait consacrer à cette fin une partie de ses ressources.

Les revenus de l’industrie nationalisée, du commerce extérieur, du commerce intérieur d’État et des banques fournissaient à l’industrialisation socialiste les ressources les plus importantes dont l’importance augmentait avec les progrès de l’industrie socialiste.

L’industrie socialiste, pour accroître les accumulations, présente des avantages indéniables par rapport à l’industrie capitaliste. Elle est l’industrie la plus grande et la plus concentrée, dont l’activité est coordonnée à l’échelle de tout le pays ; la loi de la concurrence et de l’anarchie de la production n’a pas prise sur elle. La planification de l’industrie, l’utilisation rationnelle de ses ressources, l’initiative de la classe ouvrière dans le travail, le développement rapide de la technique, ont créé les conditions d’une élévation continue de la productivité du travail. Aussi l’industrie socialiste put-elle réduire de plus en plus ses prix de revient, c’est-à-dire les dépenses exprimées en argent effectuées par les entreprises pour fabriquer et réaliser leur production.

Un des grands avantages de l’économie socialiste par rapport à l’économie capitaliste est la concentration, dans les établissements de crédit de l’État, de tout l’argent accumulé par les entreprises d’État et les coopératives, ainsi que des ressources disponibles de la population, et leur utilisation planifiée pour développer l’industrie. L’État soviétique a assuré l’utilisation rationnelle des fonds accumulés pour satisfaire les principaux besoins de l’industrialisation. Il a appliqué un régime d’économie des plus stricts, poursuivi la simplification et réduit le coût de son appareil et de l’appareil des coopératives autant qu’il l’a pu, fait triompher le principe de la gestion équilibrée (khozrastchot), affermi la discipline financière, intensifié la lutte contre le gaspillage des fonds publics.

Toutes ces sources d’accumulation intérieure ont fourni des milliards de roubles pour l’industrialisation du pays et permis d’investir des sommes importantes dans l’industrie, et notamment dans l’industrie lourde.

Le pouvoir des Soviets a ainsi triomphé des difficultés inhérentes à l’accumulation des ressources nécessaires pour industrialiser le pays.

La méthode socialiste d’industrialisation a permis de gagner un temps précieux en assurant la création à bref délai d’une industrie socialiste de premier ordre et son développement à des rythmes accélérés.