Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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L’aggravation de la crise générale du capitalisme depuis la deuxième guerre mondiale est caractérisée par une domination accrue des monopoles et du capital financier dans l’agriculture, une accentuation de la différenciation et de la ruine de la paysannerie.
Le capital financier exerce, d’une façon de plus en plus large et profonde, son emprise sur l’économie rurale. Les banques hypothécaires, qui consentent des crédits gagés sur la terre, deviennent les propriétaires réels des terrains appartenant aux paysans ruinés, de leur matériel agricole et de tous leurs biens. Les banques de crédit à court terme et les compagnies d’assurances enserrent les paysans dans un réseau de dettes.
Les monopoles s’enrichissent à tous les stades franchis par les produits agricoles, du producteur au consommateur. En établissant de bas prix pour les produits achetés aux petits paysans, et en faisant monter en flèche les prix de détail, les monopoles s’approprient une partie considérable des revenus de la paysannerie. Les monopoles de la transformation des produits agricoles (meunerie, boucherie, conserves, industrie sucrière) s’octroient d’énormes bénéfices aux dépens de la masse des paysans. Les interventions du pouvoir d’État — politique fiscale, opérations de stockage et les différentes formes de l’ « aide » apportée à l’agriculture — accentuent encore l’enrichissement des monopoles et la paupérisation des masses de la paysannerie. L’exploitation des paysans par les monopoles se combine avec de nombreuses survivances de l’exploitation féodale et, en particulier, avec le métayage dans lequel le cultivateur est forcé de remettre au propriétaire de la terre une forte partie de la récolte comme prix de la location de la terre et du matériel.
Aux États-Unis, la part des grandes et des très grandes exploitations d’une superficie de plus de 500 acres, qui formaient en 1950 moins de 6 % des exploitations, est passée de 44,9 % de la superficie territoriale en 1940 à 53,5 % en 1950, et la part des latifundia d’une superficie de plus de 1 000 acres est passée de 34,3 % à 42,6 %. D’après le recensement de 1950, 44 % des exploitations dont la production marchande ne dépassait pas 1 200 dollars, produisaient moins de 5 % de la production marchande totale, c’est-à-dire qu’elles travaillaient de façon primitive, peu productive, pour leur propre consommation, alors que 103 000 grosses fermes (dont la production marchande dépassait 25 000 dollars) qui ne représentaient que 2 % des exploitations donnaient 26 % de l’ensemble de la production marchande des États-Unis. En France, en 1950, les petites exploitations allant jusqu’à 10 hectares, qui formaient 56,7 % des exploitations, ne détenaient que 16,1 % de la terre cultivée, tandis que les grosses exploitations — 4,4 % du total — possédaient 29,9 % du sol. En Allemagne de l’Ouest, les petites exploitations allant jusqu’à 5 hectares, qui formaient, en 1949, 55,8 % des exploitations, n’avaient que 11 % de la terre, tandis que les grosses exploitations — 0,7 % du total — en détenaient 27,7 %. En Italie, il existe 2,5 millions de paysans sans terre et 1,7 million de paysans mal lotis. En dix ans, de 1940 à 1950, plus de 700 000 exploitations fermières ont été ruinées aux États-Unis.
Le total de la rente foncière aux États-Unis est passé de 760 millions de dollars en 1937 à 2,4 milliards de dollars en 1952. En Italie, quelques p. 322centaines de propriétaires fonciers touchent une rente foncière de 450 milliards de lires par an, tandis que le salaire de 2,5 millions d’ouvriers agricoles ne forme guère que 250 milliards de lires. Les dettes des fermiers américains aux banques et aux autres établissements de crédit ont plus que doublé de 1946 à 1954, atteignant au 1er janvier 1955 18 milliards de dollars. L’impôt foncier des fermiers, en 1953, a été 2,3 fois supérieur à celui de 1942.
Depuis la deuxième guerre mondiale, l’accroissement de la paupérisation de la classe ouvrière et de la paysannerie des pays capitalistes, les dépenses énormes de ces pays pour la course aux armements, ont diminué la demande solvable et aggravé le problème des débouchés de la production agricole. Dès lors, dans les pays capitalistes, les stocks et les « surplus » de marchandises agricoles ne trouvant pas de débouchés augmentent rapidement ; les emblavures diminuent ; le gain que la vente de leur production procurait à la masse des paysans accuse une baisse notable ; et l’on assiste à la ruine massive des petits producteurs, une énorme quantité de vivres est détruite cependant que la consommation des produits alimentaires diminue et que les masses laborieuses sont sous-alimentées. Tout cela prépare le début d’une nouvelle crise agraire.
Aux États-Unis, les stocks de blé dépassaient en 1954 le niveau maximum des stocks accumulés pendant la crise de 1929-1933 et étaient plus de 7 fois plus élevés que la moyenne des réserves annuelles de 1946 à 1948. Afin de maintenir des prix élevés sur les produits alimentaires, les organismes d’État, aux États-Unis, accaparent d’énormes quantités de grain, de coton, de pommes de terre, de légumes, de fruits, de bétail, de volaille ; et ils détruisent systématiquement une partie de ces stocks.
En 1954, le revenu net des cultivateurs américains, par rapport à la moyenne du revenu annuel pour 1946-1948, a diminué de 4,6 milliards de dollars, soit de 36 %.
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L’aggravation de la crise générale du capitalisme, depuis la deuxième guerre mondiale, se traduit par une recrudescence des antagonismes de la société capitaliste. Poussée à l’extrême, la contradiction entre les forces productives de la société et les rapports de production capitalistes montre nettement que le régime bourgeois dépérissant est condamné par l’histoire.
La deuxième phase de la crise générale du capitalisme a aggravé la crise de la démocratie bourgeoise. Le caractère antipopulaire et antinational de la domination bourgeoise apparaît maintenant au grand jour. Les milieux réactionnaires de la bourgeoisie cherchent une issue à la crise générale du capitalisme dans la guerre et la fascisation de la vie politique.
Les masses populaires des pays capitalistes qui marchent sous le drapeau de l’internationalisme prolétarien cherchent une issue dans la lutte active et décisive contre l’ensemble du système d’esclavage impérialiste, pour la libération nationale et sociale.
L’internationalisme prolétarien, socialiste est à la base de la solidarité des travailleurs et de la collaboration entre les peuples pour la défense de leur indépendance contre les menées de l’impérialisme, pour la défense p. 323de la paix. Il apprend aux ouvriers à s’unir dans chaque pays pour lutter contre le pouvoir du capital, pour assurer le passage à l’économie socialiste. Il apprend à la classe ouvrière et aux peuples à développer les liens de la solidarité internationale afin de lutter mieux pour la paix, d’isoler et de mettre hors d’état de nuire les provocateurs d’une nouvelle guerre.
À la suite de la première guerre mondiale, la Russie s’est détachée du système capitaliste ; à la suite de la deuxième, toute une série de pays d’Europe et d’Asie en ont fait autant ; une troisième guerre, si les impérialistes parvenaient à la déclencher, amènerait la faillite de tout le système capitaliste mondial. Dans cette guerre, les agresseurs impérialistes ne se heurteraient pas seulement à la puissance indestructible des États du camp socialiste ; ils assisteraient à l’explosion de toutes les contradictions aiguës, inhérentes au capitalisme contemporain : entre le travail et le capital, entre les puissances impérialistes, entre les métropoles et les colonies.
Les forces démocratiques et progressistes des peuples, guidées par la classe ouvrière et son avant-garde, les partis communistes, s’unissent pour résister activement à la réaction impérialiste, au danger fasciste, aux plans de nouvelles guerres. La politique de paix de l’Union soviétique, de la République populaire chinoise et des autres pays du camp socialiste, politique de réduction de la tension internationale, a amené la cessation de la guerre en Corée, le rétablissement de la paix en Indochine, la conclusion du traité d’État avec l’Autriche. À la conférence de Genève des chefs des gouvernements des quatre puissances : Union soviétique, États-Unis, Angleterre et France, en juillet 1955, furent obtenus certains succès sur la voie de l’assainissement de la situation internationale et de l’établissement d’une collaboration entre États de systèmes économiques et sociaux différents. Le camp de la paix, de la démocratie et du socialisme, ayant à sa tête l’Union soviétique et la République populaire chinoise, groupe les 900 millions d’habitants des pays qui se sont détachés du système capitaliste. Ce camp représente une force puissante qui exerce une action décisive sur tout le cours de l’histoire contemporaine.