Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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Résultat du développement inégal des pays capitalistes, la deuxième guerre mondiale a amené une nouvelle aggravation de cette inégalité. Trois puissances impérialistes — Allemagne, Japon et Italie — ont été militairement écrasées. Un préjudice énorme a été causé à la France ; l’Angleterre a été très affaiblie. Pendant ce temps, les monopoles des États-Unis, qui s’étaient enrichis durant la guerre, ont consolidé leurs positions économiques et politiques dans le monde capitaliste.
Dans la période qui s’étend de 1929 à 1939, l’industrie américaine, malgré les réserves importantes de son potentiel de production, ne fit au fond que piétiner. Les entreprises fonctionnaient au ralenti à cause du rétrécissement des marchés d’écoulement. Pendant la deuxième guerre mondiale, le territoire des États-Unis ne fut pas touché par les opérations militaires et leur économie ne subit aucune destruction de guerre. Le marché d’écoulement des monopoles américains s’est alors considérablement élargi. La guerre provoqua une demande gigantesque d’armements et de matériel de guerre. Cela permit aux monopoles américains de mettre la main sur les anciens marchés des pays d’Europe occidentale dans leurs colonies d’outre-mer et leurs sphères d’influence. Dans ces conditions, les monopoles des États-Unis purent rapidement augmenter le volume de leur production et réaliser un large renouvellement de l’appareil de production de l’industrie.
La production de l’industrie américaine en 1943 dépassait de 120 % le niveau de 1939, tandis que dans les principaux pays capitalistes d’Europe occidentale qui avaient sérieusement souffert de la guerre, la production industrielle à la fin des hostilités avait sensiblement diminué. Aussi la part des États-Unis dans le total global de la production industrielle des pays du camp capitaliste passa-t-elle de 41 % en 1937 à 56,4 % en 1948.
Les milieux monopolistes des États-Unis annoncèrent un programme de domination mondiale et pratiquèrent une large expansion économique et politique dans les pays capitalistes et les colonies. Profitant de l’affaiblissement de leurs concurrents, les monopoles américains à la poursuite des profits maximums, pendant les premières années de l’après-guerre, s’emparèrent d’une partie importante du marché capitaliste mondial. Pour l’exportation des capitaux, ces monopoles eurent largement recours à la forme de prêts d’État, en vue d’asservir les pays étrangers.
Pourtant les calculs de l’oligarchie financière américaine, qui rêvait d’établir sa domination sur le marché capitaliste mondial, ne se réalisèrent pas. Les pays capitalistes d’Europe occidentale, à la fin de la guerre, se trouvèrent face à de grandes destructions. La guerre avait porté un coup sérieux à l’économie des principaux pays d’Europe occidentale, sur les territoires desquels avaient eu lieu les opérations militaires (Allemagne, France, Italie), ou qui avaient subi des attaques aériennes (Angleterre). Après la guerre, la bourgeoisie de ces p. 314pays, grâce au renforcement de l’exploitation des travailleurs et à l’abaissement de leur niveau de vie, rétablit l’appareil de production de l’industrie, en le renouvelant dans une large mesure. Par suite du rétrécissement du marché intérieur, ces pays se retournent vers leurs marchés extérieurs, sur lesquels les monopoles américains avaient mis la main pendant la guerre. Au lendemain de la guerre, les États-Unis se heurtèrent sur le marché capitaliste mondial à une concurrence accrue de la part des pays de l’Europe occidentale, et d’abord de l’Angleterre. La lutte pour les débouchés s’accentua encore davantage du fait que, cinq ou six ans après la fin de la guerre, l’Allemagne occidentale et le Japon sont revenus y prendre part.
L’expansion de l’impérialisme américain s’est présentée au début sous forme d’une « aide pour le relèvement de l’Europe dans l’après-guerre ». Le plan Marshall qui a été en vigueur de 1948 à 1952 se proposait de mettre sous la dépendance des monopoles américains les pays d’Europe occidentale, de les entraîner dans l’orbite de la politique américaine d’agression, de pousser la militarisation de leur économie. Le plan Marshall a servi de base au pacte de l’Atlantique-Nord, bloc d’agression constitué en 1949 par l’impérialisme américain avec le soutien actif des milieux dirigeants britanniques en vue d’établir sa domination sur le monde. Arrivé à échéance, le plan Marshall fut remplacé par le programme dit de « sécurité mutuelle », aux termes duquel l’ « aide » américaine n’était accordée que pour assurer la course aux armements et préparer une nouvelle guerre. Ainsi l’impérialisme américain jetait définitivement son masque de « restaurateur » de l’économie des pays capitalistes.
Pendant la guerre, les exportations américaines ont beaucoup augmenté au détriment des exportations des pays européens, et, surtout, de l’Angleterre. En 1945, la part des exportations des États-Unis, dans l’ensemble des exportations des pays capitalistes, était de 40,1 % contre 12,6 % en 1937, tandis que la part de l’Angleterre tombait de 9,9 % en 1937 à 7,4 % en 1945. Cependant, après la guerre, par suite de l’aggravation de la lutte sur le marché mondial et du progrès des exportations des pays européens, la part des États-Unis dans les exportations des pays capitalistes était tombée en 1954 à 19,5 %, tandis que la part de l’Angleterre représentait, la même année, 10,1 %.
Les monopoles américains s’efforcent d’accroître au maximum l’exportation de leurs marchandises vers les autres pays du camp capitaliste, en utilisant à cet effet aussi bien l’octroi de prêts à des conditions asservissantes qu’un dumping non déguisé. En même temps, les États-Unis s’attachent à préserver leur marché intérieur contre l’importation de marchandises étrangères, en fixant des droits d’entrée extrêmement élevés. Ce caractère unilatéral du commerce extérieur américain engendra dans les autres pays capitalistes un déficit en dollars chronique, c’est-à-dire un manque de dollars pour payer les marchandises importées des États-Unis.
L’expansion économique des monopoles des États-Unis aboutit à la rupture du système des relations économiques qui s’étaient établies entre les pays au cours de l’histoire. L’impérialisme américain prive l’Europe occidentale de la possibilité de recevoir les produits alimentaires et les matières premières en provenance des pays de l’Europe orientale, qui fournissaient ces marchandises en échange de la production industrielle de l’Ouest européen. Le fait que les impérialistes se sont p. 315eux-mêmes interdit l’accès du marché mondial du camp démocratique, en réduisant à peu près à zéro leur commerce avec l’Union soviétique, la République populaire chinoise et les pays européens de démocratie populaire est un des facteurs de l’aggravation des difficultés rencontrées depuis la guerre par l’économie capitaliste.
Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, de 1946 à 1954, les exportations des États-Unis ont atteint en moyenne 13,5 milliards de dollars par an, les importations 8,5 milliards seulement ; les États-Unis ont importé des pays d’Europe occidentale, en moyenne, pour 1,3 milliard de dollars par an et exporté vers ces pays pour une somme de 4 milliards. En huit ans, l’écart entre les exportations des États-Unis vers les pays d’Europe occidentale et les importations en provenance de ces pays s’est élevé à 21,6 milliards de dollars.
Le chiffre d’affaires du commerce des États-Unis avec les pays aujourd’hui intégrés au camp démocratique, s’est réduit en 1951 au dixième de ce qu’il était en 1937 ; le chiffre d’affaires du commerce de l’Angleterre avec ces pays, au sixième, celui de la France, à moins du quart.
L’expansion des monopoles américains porte des coups sensibles aux intérêts des autres pays capitalistes. Sous couleur d’« aide », en consentant des crédits, les monopoles américains pénètrent dans l’économie de ces pays, et s’emparent de positions importantes dans les colonies des puissances de l’Europe occidentale. L’Angleterre et la France, pour lesquelles les matières premières à bon marché et les débouchés assurés ont une importance de premier plan, ne peuvent tolérer indéfiniment un tel état de choses. Les pays vaincus — l’Allemagne occidentale, le Japon, l’Italie — tombés sous le joug du capital financier américain, ne peuvent pas non plus prendre leur parti de ce sort.
Depuis la deuxième guerre mondiale, le développement inégal à l’intérieur du camp rétréci de l’impérialisme s’est accentué encore, ce qui conduit à une nouvelle aggravation des contradictions entre les pays capitalistes. La principale est la contradiction entre les États-Unis et l’Angleterre. Elle se manifeste dans la lutte ouverte entre monopoles américains et britanniques pour les débouchés, pour les sources de matières premières (surtout le pétrole, le caoutchouc, les métaux non ferreux et les métaux précieux), pour les sphères d’influence en général (en Europe occidentale, dans le Proche-Orient et en Extrême-Orient, en Amérique latine).
Les blocs agressifs d’États impérialistes forgés par les États-Unis, et dirigés contre les pays du camp socialiste, ne peuvent écarter les antagonismes et les conflits entre les membres de ces blocs dans la lutte pour les bénéfices élevés de monopole, alors que le territoire sous la domination du capital diminue. Ainsi, dans la période actuelle aussi, reste vraie la thèse de Lénine que l’action de la loi de l’inégalité de développement des pays capitalistes à l’époque de l’impérialisme est grosse de luttes et de conflits militaires entre ces pays.
Les milieux agressifs des puissances impérialistes — en premier lieu ceux des États-Unis —, dès la fin de la deuxième guerre mondiale, se mirent à pratiquer une p. 316politique de préparation d’une troisième guerre mondiale. Les valets des monopoles essaient de tromper les peuples, en affirmant que l’inéluctabilité des guerres serait due à l’existence, dans le monde actuel, de deux systèmes opposés — celui du capitalisme et celui du socialisme. Les faits de l’histoire démentent cette invention. La première guerre mondiale a été provoquée par l’aggravation des contradictions impérialistes dans un monde où le système capitaliste régnait encore sans partage. La deuxième guerre mondiale a commencé entre deux coalitions de pays capitalistes. Dans la période qui suit la deuxième guerre mondiale, les pays du camp socialiste, avec l’Union soviétique à sa tête, défendent avec fermeté et persévérance la cause du maintien et du renforcement de la paix entre les peuples, en partant du point de vue que les systèmes capitaliste et socialiste peuvent fort bien coexister pacifiquement, en rivalisant sur le terrain économique. La politique de l’Union soviétique et des pays de démocratie populaire, axée sur le développement de la coopération pacifique entre États, indépendamment de leur régime social, bénéficie de l’appui des masses laborieuses et de la sympathie de tous les défenseurs de la paix dans le monde entier.
Le mouvement des partisans de la paix rassemble des centaines de millions de gens de tous les pays, y compris des millions de gens des pays capitalistes. Sur la base générale de la défense de la paix et de la sécurité des peuples s’unissent les représentants de groupes sociaux différents, de conceptions politiques et religieuses différentes. Les plans d’une nouvelle guerre mondiale que les milieux impérialistes agressifs préparent actuellement seront voués à l’échec si les peuples prennent la cause du maintien de la paix entre leurs mains, et s’ils la défendent jusqu’au bout.
Les forces démocratiques du monde sont suffisamment puissantes pour empêcher la guerre à condition qu’elles agissent avec ensemble et qu’elles arrivent à neutraliser les profiteurs de guerre et les prétendants à la domination mondiale.