Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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21.5. L’aggravation du problème des marchés, la sous-production chronique des entreprises et le chômage chronique de masse.

Un des traits caractéristiques de la crise générale du capitalisme est l’aggravation du problème des marchés et la sous-production chronique des entreprises, ainsi que le chômage chronique et généralisé qui en découle.

L’aggravation du problème des marchés dans la période de la crise générale du capitalisme est due avant tout au fait que certains pays se sont détachés du système mondial de l’impérialisme. Le détachement de la Russie, avec son énorme marché et ses sources considérables de matières premières, devait forcément influer sur la situation économique du monde capitaliste. À l’époque de la crise générale du capitalisme s’accroît nécessairement la paupérisation des travailleurs, dont les capitalistes cherchent à maintenir le niveau de vie dans les limites du strict minimum, ce qui réduit le pouvoir d’achat des masses. L’aggravation du problème des marchés est due également au développement dans les colonies et les pays dépendants d’un capitalisme national qui commence à concurrencer avec succès sur les marchés les vieux pays capitalistes. Le développement de la lutte pour la libération nationale des peuples coloniaux complique de même la situation des États impérialistes sur les marchés extérieurs.

Au total, l’entre-deux guerres a été caractérisé par une stabilité relative des marchés allant de pair avec le développement des possibilités de production du capitalisme. Cela ne pouvait manquer d’accentuer à l’extrême toutes les contradictions capitalistes.

Cette contradiction entre l’accroissement des possibilités de production et la stabilité relative des marchés fait actuellement du problème des marchés le problème fondamental du capitalisme. L’aggravation du problème des débouchés en général, l’aggravation surtout du problème des marchés extérieurs, l’aggravation du problème des marchés pour l’exportation des capitaux en particulier : tel est l’état actuel du capitalisme.

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C’est ce qui explique proprement que la sous-production des usines et des fabriques devient un phénomène habituel.

J. Staline, Rapport politique du Comité central au 15e Congrès du Parti communiste (b) de l’U.R.S.S., p. 7. Éditions en langues étrangères, Moscou, 1950.

Auparavant, la sous-production massive des fabriques et des usines n’avait lieu que pendant les crises économiques. La sous-production chronique des entreprises est caractéristique de la crise générale du capitalisme.

Ainsi, dans la période d’essor de 1925-1929, le potentiel de l’industrie de transformation aux États-Unis n’était utilisé qu’à 80 %. De 1930 à 1934, ce taux est tombé à 60 %. Et il faut tenir compte du fait que les statistiques bourgeoises des États-Unis, en établissant le potentiel de l’industrie de transformation, n’ont pas tenu compte des entreprises longtemps inactives et qu’elles avaient pour base le travail d’entreprises où ne fonctionnait qu’une seule équipe.

En liaison étroite avec la sous-production chronique des entreprises, il y a le chômage chronique massif. Avant la première guerre mondiale, l’armée de réserve du travail grandissait dans les années de crise ; dans les périodes d’essor, elle diminuait, devenant relativement minime. Dans la période de la crise générale du capitalisme, le chômage prend des proportions énormes et se maintient à un niveau élevé même dans les années de reprise et d’essor. L’armée de réserve du travail devient une armée permanente, forte de millions de chômeurs.

Au moment du plus grand essor industriel dans l’entre-deux guerres — en 1929 — les effectifs des chômeurs complets aux États-Unis se montaient à 2 millions d’individus, et dans les années suivantes, jusqu’à la deuxième guerre mondiale, ils ne sont jamais descendus au-dessous de 8 millions. En Angleterre, le nombre de chômeurs complets parmi les assurés n’est pas descendu, de 1922 à 1938, au-dessous de 1,2 million de personnes par an. Des millions d’ouvriers devaient se contenter d’un emploi occasionnel et subissaient un chômage partiel.

Le chômage chronique massif aggrave brutalement la situation de la classe ouvrière. Il permet aux capitalistes d’intensifier au maximum le travail dans les entreprises, de jeter sur le pavé des ouvriers déjà épuisés par l’excès de travail et d’en embaucher d’autres, plus vigoureux et mieux portants. Dès lors, la « vie de travail » de l’ouvrier diminue, ainsi que la durée de sa présence à l’entreprise. L’incertitude du lendemain augmente chez les ouvriers qui travaillent. Les capitalistes utilisent le chômage massif à caractère chronique pour réduire brutalement les salaires des ouvriers occupés. Les revenus de la famille ouvrière baissent également en raison du nombre réduit des membres de la famille qui travaillent.

Aux États-Unis, suivant les données des statistiques bourgeoises, la croissance du chômage de 1920 à 1933 s’est accompagnée de la chute du salaire moyen annuel des ouvriers de l’industrie, du bâtiment et des transports ferroviaires, de 1 483 dollars en 1920 à 915 dollars en 1933, p. 301soit de 38,3 %. Les membres de la famille qui ne travaillent pas sont obligés de pourvoir à leur existence avec le salaire misérable des membres qui travaillent. Si l’on rapporte la masse globale des salaires non seulement aux ouvriers occupés, mais à la totalité des ouvriers, occupés et chômeurs, le salaire d’un ouvrier (y compris les sans-travail) a diminué par suite de l’accroissement du chômage de 1 332 dollars en 1920 à 497 dollars en 1933, soit de 62,7 %.

Le chômage massif à caractère chronique exerce aussi une influence sérieuse sur la condition du paysan. Il rétrécit tout d’abord le marché intérieur et diminue la demande de la population des villes en produits agricoles. Cela entraîne une aggravation des crises agraires. Il aggrave ensuite la situation du marché du travail et rend difficile la participation à la production industrielle des paysans ruinés, qui affluent dans les villes en quête de travail. La surpopulation agraire et la paupérisation de la paysannerie en sont accrues. Le chômage chronique massif, de même que la sous-production chronique des entreprises témoignent du pourrissement du capitalisme, de son incapacité à utiliser les forces productives de la société.

L’exploitation renforcée de la classe ouvrière et la baisse de son niveau de vie pendant la crise générale du capitalisme amènent une nouvelle aggravation des contradictions entre le travail et le capital.