Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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21.4. La crise du système colonial de l’impérialisme.

La crise du système colonial de l’impérialisme est l’un des traits essentiels de la crise générale du capitalisme. Ouverte au cours de la première guerre mondiale, cette crise se développe en étendue et en profondeur. La crise du système colonial de p. 297l’impérialisme consiste dans l’aggravation brutale des contradictions entre les puissances impérialistes d’une part, les colonies et les pays dépendants, d’autre part ; dans le développement de la lutte pour la libération nationale des peuples opprimés de ces pays, dans la libération d’une série de colonies de l’asservissement impérialiste.

La Grande Révolution socialiste d’Octobre a joué un rôle immense dans l’essor du mouvement de libération nationale des colonies et des pays dépendants. Elle a déclenché une série de puissants mouvements de libération nationale dans les pays coloniaux de l’Orient. La victoire de la Révolution socialiste d’Octobre en Russie a joué un rôle immense dans l’essor du mouvement de libération nationale du grand peuple chinois. Un puissant mouvement de libération nationale a également grandi dans l’Inde, l’Indonésie et d’autres pays. La grande Révolution socialiste d’Octobre a ouvert l’ère des révolutions coloniales, qui apportent aux peuples des colonies la libération du joug impérialiste.

Au cours de la crise générale du capitalisme, s’accroît le rôle des colonies comme source du profit maximum pour les monopoles. L’aggravation de la lutte entre impérialistes pour les débouchés et les sphères d’influence, l’accroissement des difficultés et des contradictions à l’intérieur des pays capitalistes, aboutissent à renforcer la pression des impérialistes sur les colonies, à augmenter l’exploitation des peuples des pays coloniaux et dépendants. Cela provoque le renforcement de la lutte anti-impérialiste, de la lutte de libération nationale.

La crise du système colonial est déterminée également par le développement d’une industrie et d’un capitalisme local dans les colonies, ce qui aggrave le problème du marché capitaliste mondial et fait grandir dans les colonies un prolétariat industriel.

La première guerre mondiale qui a vu diminuer brusquement l’exportation des marchandises industrielles des métropoles, a donné une vigoureuse impulsion au développement industriel des colonies. Dans l’entre-deux guerres, grâce à l’exportation accrue des capitaux vers les pays arriérés, le capitalisme a continué à se développer dans les colonies. Ainsi le prolétariat grandissait dans les pays coloniaux.

Dans l’Inde le nombre total des entreprises industrielles est passé de 2 874 en 1914 à 10 466 en 1939. Par suite le nombre des ouvriers d’usine a augmenté. Le nombre des ouvriers de l’industrie de transformation s’élevait en 1914 à 951 000 ; en 1939, à 1 751 000. Le nombre total des ouvriers de l’Inde,y compris les mineurs, les ouvriers des transports par voie ferrée et par eau, ainsi que les ouvriers des plantations, s’élevait en 1939 à près de 5 millions. En Chine (sans la Mandchourie), le nombre des entreprises industrielles (occupant au moins 30 ouvriers) est passé de 200 en 1910 à 2 500 en 1937, et le nombre des ouvriers y travaillant passait de 150 000 en 1910 à 2 750 000 en 1937. Compte tenu de la Mandchourie, plus évoluée industriellement, le nombre des ouvriers dans l’industrie et les transports (à l’exception des petites entreprises) s’élevait en Chine, à la veille de la deuxième guerre mondiale, à près de 4 millions. Le prolétariat s’est notablement accru en Indonésie, en Malaisie, dans les colonies africaines et autres.

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Au cours de la crise générale du capitalisme s’accentue l’exploitation de la classe ouvrière des colonies. Une commission d’enquête sur la situation des ouvriers indiens en 1929-1931, a établi que la famille d’un simple ouvrier touche un salaire qui ne représente par tête que la moitié environ de l’entretien d’un détenu dans les prisons de Bombay. La grande majorité des ouvriers des colonies est sous la dépendance des usuriers. Le travail forcé, notamment dans l’industrie extractive et l’agriculture (dans les plantations) est largement pratiqué dans les colonies.

La classe ouvrière des colonies mène une lutte efficace, la plus conséquente, contre l’impérialisme et elle est capable de rallier les millions de paysans et de faire aboutir la révolution. L’alliance de la classe ouvrière et de la paysannerie, sous la direction de la classe ouvrière» est la condition expresse du succès de la lutte pour la libération nationale des peuples opprimés des pays coloniaux. Par tout le cours de son développement économique et politique, la classe ouvrière des colonies apparaît de plus en plus comme la force dirigeante du mouvement de libération nationale.

Ainsi qu’on l’a montré, malgré un certain développement de l’industrie, l’impérialisme freine le progrès économique des colonies. Malgré un certain développement de leur propre industrie, l’industrie lourde ne se développe pas dans ces pays, qui demeurent des réserves de produits agricoles et de matières premières pour les métropoles. L’impérialisme maintient ce qui reste des rapports féodaux dans les colonies, et les utilise pour renforcer l’exploitation des peuples opprimés. Le développement des rapports capitalistes à (a campagne, qui détruit les formes naturelles d’économie, ne fait qu’accentuer l’exploitation et la paupérisation de la paysannerie. La révolution coloniale est la fusion des deux courants du mouvement révolutionnaire, le mouvement contre les survivances féodales et le mouvement contre l’impérialisme. On ne saurait liquider les survivances féodales dans les colonies sans renversement révolutionnaire du joug impérialiste. La paysannerie, qui forme la masse de la population des colonies, est la force la plus importante des révolutions coloniales.

La bourgeoisie nationale des colonies, dont les intérêts sont étranglés par le capital étranger, à un certain stade de la révolution, participe à la lutte contre l’impérialisme. Sous une bonne direction prolétarienne du mouvement, l’inconséquence et les hésitations de la bourgeoisie nationale dans la lutte contre l’impérialisme et les survivances du féodalisme peuvent être surmontées, et cette bourgeoisie, à certaines périodes de la révolution, est capable de jouer un rôle progressiste. Cependant au fur et à mesure que se développe la lutte de libération nationale des peuples coloniaux, s’intensifie l’activité des forces réactionnaires des propriétaires terriens féodaux et de la bourgeoisie compradore.

La croissance des effectifs de la classe ouvrière dans les pays coloniaux et l’intensification de la lutte pour la libération nationale des peuples de ces pays, à la période de la crise générale du capitalisme, marquent une étape nouvelle du p. 299mouvement de libération nationale. Tandis qu’auparavant la lutte pour la libération nationale n’aboutissait qu’à confirmer le pouvoir de la bourgeoisie, la période de crise générale du capitalisme a créé la possibilité d’une hégémonie de la classe ouvrière, qui permet au pays de s’engager dans la voie du socialisme sans passer par le stade capitaliste de développement.

À l’époque de la crise générale du capitalisme le mouvement de libération nationale dans les colonies est de plus en plus lié à la lutte révolutionnaire de la classe ouvrière dans les métropoles. Les colonies et les pays dépendants, de réserves de l’impérialisme qu’ils étaient, se transforment de plus en plus en réserves de la révolution socialiste.