Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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À l’époque de l’impérialisme, l’État bourgeois, qui représente la dictature d’une oligarchie financière, oriente toute son activité dans l’intérêt des monopoles.
Au fur et à mesure que s’aggravent les contradictions de l’impérialisme, les monopoles renforcent leur mainmise directe sur l’appareil d’État. Les grands magnats du capital jouent de plus en plus souvent le rôle de dirigeants de l’appareil d’État. On assiste à la transformation du capitalisme monopoliste en capitalisme monopoliste d’État. Déjà la première guerre mondiale avait accéléré et accentué sensiblement ce processus.
Le capitalisme monopoliste d’État consiste à subordonner l’appareil d’État aux monopoles capitalistes et à l’utiliser pour intervenir dans l’économie du pays (notamment par sa militarisation), afin d’assurer le profit maximum aux monopoles et d’asseoir la toute-puissance du capital financier. Et l’on procède à la remise entre les mains de l’État bourgeois de certaines entreprises, branches et fonctions économiques (main-d’œuvre, approvisionnement en matières premières déficitaires, système de rationnement, construction d’entreprises militaires, financement de la militarisation de l’économie, etc.), tout en maintenant dans le pays le règne de la propriété privée des moyens de production.
La propriété d’État dans les pays impérialistes apparaît ou bien à la suite de la construction d’entreprises, de voies ferrées, d’arsenaux, etc., aux frais du budget de l’État, ou bien sous la forme de la nationalisation bourgeoise, c’est-à-dire du transfert de certaines entreprises privées aux mains de l’État, moyennant une forte compensation. En dépit des affirmations des économistes bourgeois, qui présentent l’étatisation des entreprises sous la domination politique de la bourgeoisie comme un « pas vers le socialisme », celle-ci n’a rien de commun avec le socialisme. La propriété d’État dans les pays bourgeois est une variété de propriété capitaliste, où le propriétaire n’est pas un capitaliste particulier, mais l’État bourgeois, qui est subordonné à une poignée de grands monopoles. L’étatisation des entreprises est utilisée par les monopoles pour renforcer l’exploitation de la classe ouvrière et de tous les travailleurs et pour multiplier leurs profits.
Les monopoles utilisent le pouvoir d’État pour collaborer activement à la concentration et à la centralisation du capital, augmenter leur puissance et leur influence : par des mesures spéciales, l’État force les entrepreneurs restés indépendants à se soumettre aux groupements monopolistes et, en temps de guerre, il fait procéder à la concentration forcée de la production, en fermant les portes d’une foule d’entreprises petites et moyennes. C’est dans l’intérêt des monopoles que l’État, d’une p. 285part, établit des droits élevés sur les marchandises importées et que, d’autre part, il encourage l’exportation des marchandises en payant aux monopoles des subventions à l’exportation et en leur facilitant la conquête de nouveaux marchés au moyen du dumping.
Les monopoles utilisent le budget d’État afin de piller la population du pays en la grevant d’impôts et en recevant de l’État des commandes qui leur rapportent de gros profits. L’État bourgeois, sous le prétexte « d’encourager les initiatives économiques », verse aux gros entrepreneurs des sommes considérables sous forme de subventions. Dans le cas où les monopoles sont menacés de faillite, ils reçoivent de l’État les crédits nécessaires pour couvrir leurs pertes, et on leur fait remise des impôts qu’ils doivent à l’État.
Le développement du capitalisme monopoliste d’État s’accentue particulièrement en période de préparation et de conduite de guerres impérialistes. Lénine disait que le capitalisme monopoliste d’État en temps de guerre était un bagne pour les ouvriers et un paradis pour les capitalistes. Les gouvernements des pays impérialistes font aux monopoles de grosses commandes d’armements, d’équipements et de vivres ; ils bâtissent des usines de guerre aux frais de l’État et les mettent à la disposition des monopoles ; ils lancent des emprunts de guerre. En même temps, les États bourgeois font supporter toutes les charges de la guerre aux travailleurs. Tout cela procure des superbénéfices aux monopoles.
Le développement du capitalisme monopoliste d’État a pour effet, premièrement, de hâter encore la socialisation capitaliste de la production, créatrice des conditions matérielles nécessaires pour remplacer le capitalisme par le socialisme. Lénine disait que le capitalisme monopoliste d’État était la préparation matérielle complète du socialisme.
Le développement du capitalisme monopoliste d’État amène, en second lieu, une accentuation de la paupérisation relative et absolue du prolétariat. C’est au moyen du pouvoir d’État que les monopoles élèvent au maximum le degré d’exploitation de la classe ouvrière, de la paysannerie et de larges couches d’intellectuels, ce qui ne manque pas d’aggraver considérablement les antagonismes entre exploités et exploiteurs.
Les défenseurs du capitalisme, en dissimulant la subordination de l’État bourgeois aux monopoles capitalistes, prétendent que l’État est devenu dans l’économie des pays capitalistes une force décisive, capable d’assurer la direction planifiée de l’économie nationale. En réalité, l’État bourgeois ne peut diriger de façon planifiée l’économie, car il n’en est pas maître : elle se trouve entre les mains des monopoles. L’effort de l’État pour « régler » l’économie, accompli dans l’intérêt du capital monopoliste, ne peut pas supprimer l’anarchie de l’économie capitaliste ni les crises économiques et il conduit en fait à une aggravation des contradictions du régime bourgeois.