Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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20.1. L’impérialisme, dernier stade du capitalisme.

p. 278

Déterminant la place historique de l’impérialisme par rapport au général, Lénine écrivait :

L’impérialisme est un stade historique particulier du capitalisme. Cette particularité est de trois ordres : l’impérialisme est (1) le capitalisme monopoliste ; (2) le capitalisme parasite ou pourrissant ; (3) le capitalisme agonisant.

V. Lénine, « L’Impérialisme et la scission du socialisme », Œuvres, t. 23, p. 116.

Le capitalisme monopoliste n’élimine pas et ne peut pas éliminer les fondements de l’ancien capitalisme. Il apparaît dans un certain sens comme une superstructure de l’ancien capitalisme prémonopoliste. De même qu’il n’y a pas et qu’il ne peut y avoir de « capitalisme pur », de même l’existence d’un « impérialisme pur » est inconcevable. Même dans les pays les plus développés, il existe, à côté des monopoles, une multitude de petites et moyennes entreprises, notamment dans l’industrie légère, dans l’agriculture, dans le commerce et d’autres branches de l’économie. Dans presque tous les pays capitalistes, une partie importante de la population est constituée par la paysannerie qui, dans sa grande masse, se livre à la production marchande simple. Dans les pays coloniaux et semi-coloniaux l’oppression impérialiste s’enchevêtre avec des formes d’exploitation précapitalistes, en particulier avec des formes féodales.

Un trait essentiel de l’impérialisme est que les monopoles existent parallèlement au marché, à la concurrence, aux crises. Comme l’impérialisme est le prolongement et le développement des particularités essentielles du capitalisme, à son stade monopoliste les lois économiques du capitalisme en général restent en vigueur. Mais avec la modification des conditions économiques, avec l’aggravation extrême de toutes les contradictions du capitalisme, ces lois reçoivent un nouveau développement et p. 279agissent avec une force de destruction accrue. Il en est ainsi des lois de la valeur et de la plus-value, de la loi de la concurrence et de l’anarchie de la production, de la loi générale de l’accumulation capitaliste qui conditionne la paupérisation relative et absolue de la classe ouvrière et voue les masses de la paysannerie laborieuse à l’appauvrissement et à la ruine ; il en est de même des contradictions de la reproduction capitaliste, des crises économiques.

Les monopoles poussent la socialisation de la production à l’extrême limite possible en régime capitaliste. Les grandes et les très grandes entreprises, qui font travailler chacune des milliers d’ouvriers, fabriquent une partie considérable de l’ensemble de la production dans les branches maîtresses de l’industrie. Les monopoles unissent en un tout des entreprises géantes, ils font le compte des débouchés, des sources de matières premières, ils accaparent les cadres scientifiques, les inventions et les perfectionnements. Les grandes banques exercent leur contrôle sur la presque totalité des fonds d’un pays. Les liaisons entre les diverses branches de l’économie et leur interdépendance se resserrent considérablement. L’industrie, qui possède un énorme potentiel de production, est capable d’augmenter rapidement la masse des marchandises produites.

Cependant, les moyens de production restent la propriété privée des capitalistes et l’essentiel des moyens de production est détenu par un petit groupe de monopoles. Dans leur course au profit maximum, ils augmentent par tous les moyens le degré d’exploitation de la classe ouvrière, ce qui accroît l’appauvrissement des masses laborieuses et réduit leur pouvoir d’achat.

Ainsi, la domination des monopoles aggrave au plus haut degré la contradiction fondamentale du capitalisme, entre le caractère social de la production et la forme capitaliste privée de l’appropriation du fruit de la production. Il apparaît de plus en plus clairement que le caractère social du processus de production impose la propriété sociale des moyens de production.

À l’époque de l’impérialisme, les forces productives de la société atteignent un niveau de développement tel qu’elles ne peuvent plus tenir dans le cadre étroit des rapports de production capitalistes. Le capitalisme, qui vint, en tant que mode de production plus avancé, remplacer la féodalité, s’est transformé au stade impérialiste en une force réactionnaire qui retarde l’évolution de la société humaine. La loi économique de correspondance nécessaire entre les rapports de production et le caractère des forces productives exige que des rapports nouveaux, socialistes, soient substitués aux rapports de production capitalistes. Cette loi rencontre l’opposition la plus énergique des classes dominantes et, tout d’abord, de la bourgeoisie monopoliste et des gros propriétaires terriens, qui entendent empêcher la classe ouvrière de s’allier avec la paysannerie et de renverser le régime bourgeois.

Le haut degré du développement des forces productives et de la socialisation de la production, l’approfondissement et l’aggravation de toutes les contradictions de la société p. 280bourgeoise témoignent du fait que le capitalisme, entré dans le dernier stade de son évolution, est mûr pour être remplacé par un régime social supérieur, le socialisme.