Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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18.7. L’achèvement du partage territorial du globe entre les grandes puissances et la lutte pour un nouveau partage.

Parallèlement au partage économique du monde entre les groupements de capitalistes et en liaison avec ce partage, on assiste au partage territorial du globe entre les États bourgeois, à la lutte pour la mainmise sur les terres d’autrui et pour les colonies et les semi-colonies.

Les colonies sont des pays dépourvus d’indépendance nationale ; elles sont les possessions d’États-métropoles impérialistes. On appelle semi-colonies des pays sous-développés, en butte à l’exploitation coloniale de puissances impérialistes, sous la dépendance économique et politique desquelles ils se trouvent, tout en conservant une indépendance formelle. À côté des colonies et des semi-colonies, il existe à l’époque de l’impérialisme divers types de pays dépendants, dont le degré de dépendance est différent et est sujet à toutes sortes de variations.

Cette époque n’est pas seulement caractérisée par les deux groupes principaux de pays : possesseurs de colonies et pays coloniaux, mais encore les formes variées de pays dépendants qui, nominalement, jouissent de l’indépendance politique, mais qui, en réalité, sont pris dans les filets d’une dépendance financière et diplomatique.

V. Lénine, « L’Impérialisme, stade suprême du capitalisme », Œuvres, t. 22, p. 284.

Les défenseurs de la bourgeoisie présentent la domination impérialiste sur les colonies comme une « mission civilisatrice », ayant soi-disant pour objet d’amener les peuples retardataires sur la voie du progrès et d’un développement autonome. En réalité, l’impérialisme voue les pays coloniaux et dépendants au retard économique, et les centaines de millions d’habitants de ces pays à une oppression et à une servitude sans nom, à la privation de droits et à la misère, à la famine et à l’ignorance. La mainmise des impérialistes sur les colonies entraîne un accroissement sans précédent de l’oppression nationale et de la discrimination raciale. Selon la définition de Lénine, le capitalisme, de libérateur des nations qu’il était dans p. 261la période de lutte contre le féodalisme, est devenu, au stade de l’impérialisme, un monstrueux oppresseur des nations.

Dès le milieu du 18e siècle, l’Angleterre a asservi l’Inde, pays aux très riches ressources naturelles et dont la population, numériquement, est de plusieurs fois supérieure à celle de la métropole. Au milieu du 19e siècle, les États-Unis d’Amérique se sont emparés de vastes territoires appartenant à leur voisin le Mexique, et, au cours des décennies suivantes, ils ont établi leur domination sur plusieurs pays de l’Amérique latine.

Vers 1860-1870, les possessions coloniales des pays européens n’occupaient encore qu’une partie relativement faible des territoires d’outre-mer.

Au cours du dernier quart du 19e siècle, pendant la période du passage au stade monopoliste du capitalisme, la carte du monde a subi des modifications radicales. À la suite de l’ancienne puissance coloniale — l’Angleterre — tous les pays capitalistes développés s’engagent dans la voie des annexions territoriales. La France devient, vers la fin du 19e siècle, une grande puissance coloniale dont les possessions s’étendent sur 3,7 millions de milles carrés. L’Allemagne s’est annexé un million de milles carrés de territoire avec une population de 14,7 millions d’habitants ; la Belgique, 900 000 milles carrés avec 30  millions d’habitants ; les États-Unis se sont emparés d’un point d’appui très important dans le Pacifique, les Philippines, ainsi que de Cuba, de Porto-Rico, de Guam, des îles Hawaï, de Samoa et ils ont établi leur domination de fait sur plusieurs pays de l’Amérique centrale et de l’Amérique du Sud.

De 1876 à 1914, les « grandes puissances » se sont emparées de près de 25 millions de kilomètres carrés de territoire, soit une superficie une fois et demie supérieure à celle des métropoles. Plusieurs pays se trouvaient placés dans une dépendance semi-coloniale vis-à-vis des États impérialistes : la Chine dont la population forme à peu près le quart de celle de l’humanité, ainsi que la Turquie et la Perse (Iran). Vers le début de la première guerre mondiale, plus de la moitié du genre humain était sous la domination des puissances coloniales.

Les impérialistes établissent et maintiennent leur pouvoir sur les colonies en recourant aux mensonges et à la violence, en utilisant la supériorité de leur matériel de guerre. L’histoire de la politique coloniale présente une chaîne ininterrompue de guerres de conquête et d’expéditions punitives contre les peuples asservis, ainsi que de conflits sanglants entre les pays possesseurs de colonies. Lénine qualifiait la guerre des États-Unis contre l’Espagne en 1898 de première guerre de type impérialiste, marquant le début de l’époque des guerres impérialistes. L’insurrection du peuple philippin contre l’envahisseur a été férocement écrasée par les troupes américaines.

Au début du 20e siècle, le partage du globe était achevé. La politique coloniale des pays capitalistes avait amené la conquête de toutes les terres qui n’étaient pas encore occupées par les impérialistes. Il ne restait plus de terres « vacantes », et la situation était telle que chaque nouvelle conquête supposait que le possesseur était dépouillé de son territoire. L’achèvement du partage du monde a mis à l’ordre du jour la lutte pour un nouveau partage. La lutte pour un nouveau partage du monde déjà entièrement partagé est l’un des principaux traits distinctifs du capitalisme monopoliste. Cette lutte dégénère en définitive en une lutte pour la domination mondiale et entraîne infailliblement des guerres impérialistes à l’échelle mondiale.

Les guerres impérialistes et la course aux armements causent aux peuples des pays capitalistes d’énormes privations et coûtent des millions de vies humaines. En même temps, les guerres et la militarisation de l’économie constituent pour les monopoles une source de profits particulièrement élevés.