Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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Lorsque les banques deviennent copropriétaires d’entreprises industrielles, commerciales et de transport, en achetant leurs actions et obligations, et que les monopoles industriels possèdent, de leur côté, des actions des banques qui sont liées aux entreprises en question, cette interpénétration de capitaux bancaires monopolistes et de capitaux industriels monopolistes donne naissance à une nouvelle forme de capital, le capital financier. Le capital financier est le capital fusionné des monopoles bancaires et industriels. L’époque de l’impérialisme est celle du capital financier.
Définissant le capital financier, Lénine en a souligné trois aspects importants :
Concentration de la production avec, comme conséquence, les monopoles ; fusion ou interpénétration des banques et de l’industrie, voilà l’histoire de la formation du capital financier et le contenu de cette notion.
La fusion du capital bancaire et du capital industriel apparaît nettement dans l’union personnelle des dirigeants des monopoles bancaires et industriels. Les mêmes personnes sont p. 256à la tête des plus grands groupements monopolistes du système bancaire, de l’industrie, du commerce et des autres branches de l’économie capitaliste.
En Allemagne, à la veille de la première guerre mondiale, les six plus grandes banques berlinoises avaient leurs représentants aux postes de directeurs dans 344 entreprises industrielles et comme membres des conseils d’administration, dans 407 autres entreprises, au total 751 sociétés. D’autre part, faisaient partie des organismes de direction de ces six banques, 51 gros industriels. Plus tard, cette union personnelle a pris un développement encore plus grand. En 1932, faisaient partie des organismes de direction des trois principales banques de Berlin 70 grands représentants de l’industrie. Aux États-Unis, en 1950, un petit groupe comptant 400 industriels et banquiers occupait un tiers des 3 705 postes de directeurs dans les 250 plus grandes sociétés par actions, qui possédaient 42 % de tous les capitaux du pays.
Dans chaque pays capitaliste, des groupes peu nombreux de grands banquiers et d’industriels monopolistes détiennent toutes les branches vitales de l’économie, disposant à leur gré de l’immense masse des richesses sociales. L’activité des monopoles capitalistes devient inéluctablement la domination d’une oligarchie financière (le mot oligarchie signifie littéralement « domination d’un petit nombre »). L’impérialisme est caractérisé par la toute-puissance des trusts et des syndicats monopolistes, des banques et de l’oligarchie financière dans les pays capitalistes développés.
La domination de l’oligarchie financière dans le domaine économique s’exerce tout d’abord par ce qu’on appelle le « système de participation ». Il consiste en ce qu’un grand financier ou un groupe de brasseurs d’affaires a en main la principale société par actions (la « société-mère » ), qui est à la tête du consortium ; cette société, grâce aux actions qu’elle possède (participation de contrôle), exerce à son tour sa domination sur les « sociétés filiales » qui en dépendent ; celles-ci font la loi à leur tour dans leurs « sociétés-filiales », etc. Au moyen de ce système, les brasseurs d’affaires de la finance ont la possibilité de disposer d’immenses sommes de capitaux appartenant à d’autres personnes.
Au moyen d’un système de participation largement ramifié, les huit plus puissants groupes financiers des États-Unis — Morgan, Rockefeller, Kuhn-Loebe, Mellon, Dupont, les groupes de Chicago, de Cleveland et de Boston — occupent une position prédominante dans l’ensemble de l’économie nationale. La zone d’influence de Morgan embrassait, vers 1948, des banques et des sociétés au capital de 55 milliards de dollars ; celle des Rockefeller, 26,7 milliards ; celle des Dupont, 6,5 milliards et celle des Mellon, 6 milliards de dollars. En 1952 aux États-Unis les sociétés étaient an nombre de 660 000. Plus de 75 % de la somme des capitaux de ces sociétés étaient contrôlées, grâce à un système de participation, par 66 sociétés milliardaires (c’est-à-dire avec un capital de 1 milliard de dollars au moins), qui disposaient directement de 28,3 % de la somme totale des capitaux.
L’oligarchie financière, qui jouit d’un monopole de fait, réalise des profits exorbitants provenant de la fondation de sociétés par actions, de l’émission d’actions et d’obligations, du placement des emprunts d’État, de commandes avantageuses de l’État. Le capital financier, concentré entre les mains p. 257d’un petit nombre, lève un tribut toujours croissant sur la société.
L’oligarchie financière a également la haute main sur le domaine politique. La politique intérieure et extérieure des États bourgeois est subordonnée aux intérêts cupides des plus grands monopoles.