Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
Dernière modification le   
Manuel : table des matières, index — Retour au dossier marxisme

18.3. La concentration et les monopoles dans les banques. Le nouveau rôle des banques.

On ne saurait avoir une idée suffisamment complète de la puissance et de l’importance réelles des monopoles actuels, si l’on ne tient pas compte du rôle que jouent les banques. Là, de même que dans l’industrie, il y a concentration du capital et passage de la libre concurrence au monopole.

Au début, les banques servaient principalement d’intermédiaire dans les paiements. Avec le développement du capitalisme, s’accroît l’activité des banques en tant que marchands de capitaux. L’accumulation du capital et la concentration de la production dans l’industrie ont amené la concentration dans les banques d’énormes fonds disponibles qui cherchent un emploi lucratif. La part des grandes banques dans la masse globale des chiffres d’affaires bancaires n’a cessé de croître.

Dans le système bancaire, de même que dans l’industrie, la concentration conduit au monopole. Les plus grandes banques, en accaparant les actions, en consentant des crédits, etc. mettent la main sur les petites. Détenant une situation de monopole, les grosses banques passent entre elles des accords pour le partage des zones d’influence. Il se crée des unions monopolistes de banques. Chacune de ces unions contrôle des dizaines et parfois des centaines de banques moins importantes qui deviennent, de fait, leurs filiales. Un réseau serré de succursales permet aux grandes banques de réunir dans leurs caisses les fonds d’un grand nombre d’entreprises. Presque tout le capital-argent de la classe capitaliste et les épargnes des autres couches de la population sont à la disposition de petits groupes de brasseurs d’affaires des banques.

Au cours des trente-trois années qui précédèrent la première guerre mondiale (1880-1913), le seul accroissement des dépôts dans les systèmes bancaires des quatre plus grands États capitalistes — États-Unis d’Amérique, Allemagne, Angleterre et France — a atteint 127 milliards de marks. Depuis, l’accroissement des dépôts a été encore plus rapide ; dans une période deux fois plus courte — de 1913 à 1928 — les dépôts dans ces pays se sont accrus de 183 milliards de marks.

Aux États-Unis, la part des 20 plus grandes banques était en 1900, de 15 % ; en 1929, de 19 % ; en 1939, de 27 % et en 1952 de 29 % de la totalité des dépôts dans toutes les banques des États-Unis. Le nombre total des banques commerciales aux États-Unis est passé de 30 100 en 1920 à 14 400 a la fin de 1954. En Angleterre, la somme des bilans des cinq plus grandes banques était en 1900, de 28 % ; en 1916, de 37 % ; en 1929, de 73 % et en 1952, de 79 % de la somme globale des bilans de toutes les banques de dépôt britanniques. En France, la part de six banques de dépôt, en 1952, était de 66 % de la somme globale des dépôts dans toutes les banques françaises. En Allemagne, à la veille de la première guerre mondiale, les grandes banques de Berlin concentraient près de la moitié des dépôts existant dans toutes les banques allemandes ; en 1929-1932, les deux tiers.

p. 255La concentration de l’industrie et la constitution des monopoles bancaires amènent une modification radicale des rapports entre les banques et l’industrie. Avec l’agrandissement des entreprises, une importance sans cesse accrue s’attache aux gros crédits à long terme que les banques consentent aux capitalistes industriels. L’accroissement de la masse des dépôts dont disposent les banques ouvre de larges possibilités pour le placement à long terme des fonds bancaires dans l’industrie.

La forme la plus répandue de l’investissement des fonds bancaires dans l’industrie est l’achat d’actions de telles ou telles entreprises. Les banques contribuent à la formation d’entreprises par actions en se chargeant de la réorganisation des entreprises capitalistes isolées en sociétés par actions, ainsi que de la création de nouvelles sociétés par actions. La vente et l’achat des actions se font de plus en plus par l’intermédiaire des banques.

Les intérêts des banques et des entreprises industrielles s’entremêlent de plus en plus étroitement. Lorsqu’une banque consent des avances à plusieurs grandes entreprises d’une branche d’industrie donnée, elle a intérêt à une entente monopoliste entre elles et elle y contribue. C’est ainsi que les banques renforcent et accélèrent le processus de concentration du capital et la formation des monopoles.

La transformation des banques, de modestes intermédiaires en une poignée de monopoles tout-puissants, constitue l’un des processus fondamentaux de la transformation du capitalisme de l’époque de la libre concurrence en capitalisme monopoliste.