Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
Dernière modification le   
Manuel : table des matières, index — Retour au dossier marxisme

16.1. Le capital social. La composition du produit social total.

La reproduction capitaliste comprend le processus immédiat de production ainsi que le processus de circulation. Pour que la reproduction se réalise, le capital doit avoir la possibilité d’accomplir sans entrave son cycle, c’est-à-dire de passer de la forme argent à la forme productive, de celle-ci à la forme marchandise, de la forme marchandise à la forme argent, etc. Cela ne concerne pas seulement chaque capital pris à part, mais tous les capitaux existant dans la société.

Les cycles des capitaux individuels s’entrelacent, se supposent et se conditionnent les uns les autres et c’est précisément cet enchevêtrement qui constitue le mouvement de l’ensemble du capital social.

K. Marx, Le Capital, livre 2, t. 2, p. 9.

Le capital social est l’ensemble des capitaux individuels dans leurs liens et dépendances réciproques. Il existe des liens multiples entre les différentes entreprises capitalistes : les unes procurent aux autres des machines, des matières premières et d’autres moyens de production ; les autres produisent les moyens de subsistance achetés par les ouvriers, ainsi que les objets de consommation et de luxe achetés par les capitalistes. Chacun des capitaux individuels est indépendant des autres, et cependant tous les capitaux individuels sont liés entre eux et dépendent l’un de l’autre. Cette contradiction se manifeste dans le cours de la reproduction et de la circulation du capital social tout entier. Les multiples rapports de liaison et de dépendance réciproques qui existent entre les différents capitalistes se manifestent spontanément par suite de l’anarchie de la production propre au capitalisme.

En examinant le processus de reproduction et de circulation de l’ensemble du capital social, afin de ne pas compliquer les choses, nous supposons que toute l’économie du pays est gérée sur des bases capitalistes (c’est-à-dire que la société n’est composée que de capitalistes et d’ouvriers), que tout le capital constant est consommé dans l’année et que sa valeur est entièrement transférée au produit annuel. Dans cette hypothèse, le produit social total n’est pas autre chose que le capital social (avec addition de la plus-value), sorti du processus de production sous forme marchandise.

Pour que la production puisse continuer, le produit social doit passer par le processus de la circulation. Dans le processus de circulation, chaque partie du produit social transforme d’abord sa forme marchandise en forme argent, puis sa forme argent en la forme marchandise qui est nécessaire pour la poursuite de la production. La réalisation du produit social est la succession de ces formes : transformation marchandise-argent, puis transformation argent-nouvelle marchandise.

Comme il a été montré précédemment, par sa valeur tout le produit social se décompose en trois parties : la première compense le capital constant ; la seconde compense le capital variable ; la troisième représente la plus-value. Ainsi la valeur du produit social est égale à c + v + p. Ces différentes parties du produit social jouent un rôle différent dans le cours de la reproduction. Le capital constant doit continuer à servir dans le processus de production. Le capital variable se transforme en salaire que les ouvriers dépensent pour leur consommation. La plus-value, dans la reproduction simple, est entièrement consommée par les capitalistes ; dans la reproduction élargie, elle est partiellement consommée par les capitalistes et va partiellement à l’achat de moyens supplémentaires de production et à l’embauchage d’une main-d’œuvre supplémentaire.

Par sa forme matérielle, tout le produit social est composé de moyens de production et d’objets de consommation. De ce point de vue toute la production sociale est divisée en deux grandes sections : la première (section I) est la production des moyens de production et la seconde (section II), la production des objets de consommation. Les objets de consommation se divisent à leur tour en moyens de subsistance nécessaires qui servent à satisfaire les besoins de la classe ouvrière, des masses travailleuses, et en objets de luxe qui ne sont accessibles qu’aux classes exploiteuses. Par suite de l’abaissement de leur niveau de vie les travailleurs sont contraints de plus en plus d’acheter, au lieu d’objets de consommation de bonne qualité, des marchandises de qualité inférieure et des succédanés. En même temps augmentent le luxe et le gaspillage des classes Parasites.

La division du produit social sous sa forme matérielle assigne à son tour un rôle différent à ses diverses parties au cours de la reproduction. Ainsi, par exemple, les machines à tisser sont destinées à servir à la fabrication des tissus et ne peuvent être utilisées à rien d’autre ; les vêtements doivent servir à la consommation personnelle.

Quand on examine le cycle et la rotation du capital individuel, il importe peu de savoir quelles marchandises précises sous leur forme naturelle (valeurs d’usage) sont produites dans une entreprise donnée. Lorsqu’on examine la reproduction et la circulation du capital social total, la forme matérielle des marchandises produites dans la société prend une importance particulière : pour qu’il y ait renouvellement incessant du processus de production, il faut qu’il y ait en présence des moyens de production appropriés, mais aussi des objets de consommation.

Une question se pose alors : comment, dans les conditions de l’anarchie de la production capitaliste, se réalise le produit social ? Lénine disait que

la question de la réalisation se ramène précisément à l’analyse de la compensation de toutes les parties du produit social quant à la valeur et à la forme matérielle.

V. Lénine, « Pour caractériser le romantisme économique », Œuvres, t. 2, p. 39.

Il s’agit donc de savoir comment, pour chaque partie du produit social quant à sa valeur (capital constant, capital variable et plus-value) et quant à sa forme matérielle (moyens de production, objets de consommation), trouver une autre partie du produit qui la remplace sur le marché.

À l’examen de la reproduction élargie, il faut joindre la question de savoir comment s’opère la transformation de la plus-value en capital, c’est-à-dire d’où viennent les moyens de production et les objets de consommation supplémentaires pour le supplément d’ouvriers nécessaires à l’élargissement de la production.