Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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L’État bourgeois est l’organe des classes exploiteuses qui a pour but de maintenir en sujétion la majorité exploitée de la société et de sauvegarder les intérêts de la minorité exploiteuse dans l’ensemble de la politique intérieure et extérieure.
Pour accomplir sa mission, l’État bourgeois dispose de tout un appareil : armée, police, organismes punitifs et judiciaires, service de renseignements, différents organes d’administration et d’action idéologique sur les masses. Cet appareil est entretenu aux frais du budget de l’État. Les impôts et les emprunts sont la source qui alimente le budget de l’État.
Le budget de l’État est un instrument de redistribution d’une partie du revenu national dans l’intérêt des classes exploiteuses. Il est établi sous la forme d’un devis annuel des recettes et des dépenses de l’État. Marx écrivait que le budget de l’État capitaliste « n’était pas autre chose qu’un budget de classe, qu’un budget pour la bourgeoisie ». (K. Marx, « Livres, shillings, pence, ou un budget de classe et à qui il profite », dans K. Marx et F. Engels, Œuvres, t. 9, p. 146 (éd. russe).)
Les dépenses de l’État capitaliste pour la plus grande part sont improductives. Une part importante des ressources du budget de l’État en régime capitaliste va à la préparation et à la conduite des guerres. Il faut également y rattacher les dépenses nécessitées par les recherches scientifiques dans le domaine de la production et du perfectionnement des nouveaux engins de destruction massive des êtres humains, les dépenses pour les activités de sabotage à l’étranger.
Une autre part importante des dépenses de l’État capitaliste va à l’entretien de l’appareil d’oppression des travailleurs.
Le militarisme moderne est le résultat du capitalisme. En tant que force armée utilisée par les États capitalistes dans les conflits extérieurs […] et en tant que moyen employé par les classes dominantes pour réprimer toute espèce de mouvement prolétarien, qu’il soit politique ou économique […], le militarisme constitue, sous ces deux formes, une « manifestation vitale » du capitalisme.
L’État dépense des sommes fort importantes, notamment pendant les crises et les guerres, pour soutenir directement les entreprises capitalistes et leur assurer des profits élevés. Souvent les subventions accordées aux banques et aux industriels ont pour but de les sauver de la faillite pendant les crises. Au moyen de commandes d’État, réalisées aux dépens du budget, des milliards de profits supplémentaires vont dans les poches des gros capitalistes.
Les dépenses consacrées à la culture et à la science, à l’instruction et à la santé publiques représentent une part infime des budgets d’État des pays capitalistes. Aux États-Unis, par exemple, dans les budgets fédéraux de ces dernières années, plus des deux tiers de la somme totale des ressources ont été utilisés à des fins militaires ; moins de 4 % à la santé, à l’instruction publique et à la construction de logements, la part de l’instruction publique étant inférieure à 1 %.
La masse essentielle des revenus de l’État capitaliste est constituée par les impôts. En Angleterre, par exemple, les impôts constituaient, en 1938, 89 % de la somme totale des revenus du budget de l’État.
Les impôts, en régime capitaliste, sont une forme d’exploitation supplémentaire des travailleurs par la redistribution budgétaire d’une partie de leurs revenus au profit de la bourgeoisie. Les impôts sont appelés directs s’ils grèvent les revenus des particuliers, et indirects s’ils grèvent les marchandises mises en vente (principalement les objets de consommation courante) ou bien les services (par exemple, les billets de cinéma et de théâtre, les tickets distribués aux usagers des transports urbains, etc.) Les impôts indirects élèvent le prix des marchandises et des services. En fait, les impôts indirects sont payés par les acheteurs. Les capitalistes font retomber aussi sur les acheteurs une partie de leurs contributions directes, s’ils parviennent à faire monter le prix des marchandises ou des services.
La politique de l’État bourgeois tend à réduire par tous les moyens les charges fiscales qui pèsent sur les classes exploiteuses. Les capitalistes se dérobent au paiement des impôts, en dissimulant l’ampleur réelle de leurs revenus. La politique des impôts indirects est particulièrement profitable aux classes possédantes.
[…] les contributions indirectes, qui portent sur les objets de première nécessité, sont très injustes. Elles pèsent de tout leur poids sur les pauvres, créant un privilège pour les riches. Plus un homme est pauvre, plus est grande la part de son revenu qu’il abandonne à l’État au titre des contributions indirectes. La masse des gens pauvres et de médiocre aisance forme les 9/10 de toute la population, consomme les 9/10 de tous les produits imposés et paie les 9/10 de tous les impôts indirects, tandis que de tout le revenu national elle ne reçoit que 2 ou 3/10.
Par conséquent, le poids principal des impôts pèse sur les masses laborieuses : ouvriers, paysans, employés. Comme nous l’avons déjà indiqué, à l’heure actuelle, dans les pays bourgeois, près d’un tiers des salaires des ouvriers et des employés est transféré sous forme d’impôts au budget de l’État. De lourds impôts pèsent sur les paysans et ont pour effet d’accroître leur misère.
Outre les impôts, les emprunts constituent un important chapitre des recettes de l’État capitaliste. L’État bourgeois recourt le plus souvent aux emprunts pour couvrir les dépenses exceptionnelles, en premier lieu les dépenses militaires. Une grande partie des ressources recueillies au moyen des emprunts, sert à l’État à payer des fournitures d’armement et d’équipement militaires qui rapportent des profits énormes aux industriels. En définitive, les emprunts amènent un nouvel accroissement des impôts frappant les travailleurs, afin d’acquitter les intérêts des emprunts et d’amortir les emprunts eux-mêmes. Le montant de la dette publique dans les pays bourgeois augmente rapidement.
Le montant total de la dette publique dans le monde entier est passé de 38 milliards de francs en 1825 à 250 milliards de francs en 1900 ; il a donc été multiplié par 6,6. La dette publique a augmenté encore plus rapidement au 20e siècle. Aux États-Unis, en 1914, le montant de la dette publique était de 1,2 milliard de dollars ; en 1938, de 37,2 milliards ; elle a donc été multipliée par 31. En Angleterre, en 1890, il a été payé à titre d’intérêt des emprunts 24,1 millions de livres sterling ; en 1953-1954, 570,4 millions ; aux États-Unis, en 1940, il a été payé à titre d’intérêt des emprunts 1 milliard de dollars, en 1953-1954, 6,5 milliards de dollars.
Une des sources des revenus du budget de l’État capitaliste est l’émission de papier-monnaie. Provoquant l’inflation et la hausse des prix, elle fait passer à l’État bourgeois une partie du revenu national en abaissant le niveau de vie des masses populaires.
Ainsi, le budget de l’État en régime capitaliste est, entre les mains de l’État bourgeois, un instrument de dépossession supplémentaire des travailleurs et d’enrichissement de la classe capitaliste ; il accentue le caractère improductif et parasitaire de l’utilisation du revenu national.