Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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Avec le développement du capitalisme, la propriété privée de la terre prend un caractère de plus en plus parasite. La classe des grands propriétaires terriens accapare, sous forme de rente foncière, une part immense des revenus provenant de l’agriculture. Une partie considérable de ces revenus est, par le prix de la terre, retirée de l’économie rurale et tombe entre les mains des grands propriétaires terriens. Tout cela entrave le progrès des forces productives et fait monter les prix des produits agricoles, ce qui pèse lourdement sur les épaules des travailleurs. Il en résulte que « la nationalisation de la terre est devenue une nécessité sociale » (K. Marx, « La nationalisation de la terre », dans K. Marx et F. Engels, Œuvres, t. 13, 1re partie, p. 341 (en russe).) La nationalisation de la terre est la transformation de la propriété privée de la terre en propriété de l’État.
En justifiant la nationalisation de la terre, Lénine partait de l’existence de deux sortes de monopoles : le monopole de la propriété privée de la terre et le monopole de la terre en tant qu’objet d’exploitation. Nationaliser la terre, c’est supprimer le monopole de la propriété privée de la terre et la rente absolue qui s’y rattache. La suppression de la rente absolue amènerait la baisse des prix des produits agricoles. Mais la rente différentielle continuerait à exister, car elle est liée au monopole de la terre en tant qu’objet d’exploitation. Dans le cadre du capitalisme, en cas de la nationalisation de la terre, une partie importante de la rente différentielle serait mise à la disposition de l’État bourgeois. La nationalisation de la terre écarterait une série d’obstacles sur la voie du développement du capitalisme dans l’agriculture, obstacles dressés par la propriété privée de la terre, et affranchirait la paysannerie des survivances féodales du servage.
Le mot d’ordre de nationalisation de la terre a été formulé par le Parti communiste dès la première révolution russe de 1905-1907. La nationalisation de la terre impliquait la confiscation sans indemnité de toute la terre des gros propriétaires fonciers au profit des paysans.
Lénine n’estimait possible la nationalisation de la terre dans le cadre de la révolution démocratique bourgeoise qu’avec l’établissement de la dictature démocratique révolutionnaire du prolétariat et de la paysannerie. La nationalisation de la terre en tant que mot d’ordre de la révolution démocratique bourgeoise ne renferme en soi rien de socialiste. Mais l’abolition de la grande propriété terrienne renforce l’alliance du prolétariat avec les masses de la paysannerie, déblaie le terrain de la lutte de classes entre prolétariat et bourgeoisie. La nationalisation de la terre en ce cas aide le prolétariat, allié avec la paysannerie pauvre, dans sa lutte pour la transformation de la révolution démocratique bourgeoise en révolution socialiste.
Développant la théorie marxiste de la rente, Lénine a montré que la nationalisation de la terre, dans le cadre de la société bourgeoise, n’est réalisable que dans la période des révolutions bourgeoises et est « inconcevable si la lutte des classes s’aggrave fortement entre le prolétariat et la bourgeoisie ». (V. Lénine : « Le programme agraire de la social-démocratie dans la première révolution russe de 1905-1907 », Œuvres, t. 13, p. 336.) À l’époque du capitalisme développé, lorsque la révolution socialiste est à l’ordre du jour, la nationalisation du sol ne peut être réalisée dans le cadre de la société bourgeoise pour les raisons suivantes : Premièrement, la bourgeoisie n’ose pas liquider la propriété privée de la terre, craignant qu’avec la montée du mouvement révolutionnaire du prolétariat, cela puisse ébranler les fondements de la propriété privée en général. En second lieu, les capitalistes se sont eux-mêmes pourvus de propriété terrienne. Les intérêts de la classe de la bourgeoisie et de la classe des propriétaires fonciers s’enchevêtrent de plus en plus. Dans la lutte contre le prolétariat et la paysannerie, ils agissent toujours de concert.
Tout le cours du développement historique du capitalisme confirme que, dans la société bourgeoise, les masses essentielles de la paysannerie, férocement exploitées par les capitalistes, les propriétaires fonciers, les usuriers et les marchands, sont fatalement vouées à la ruine et à la misère. En régime capitaliste, les petits paysans ne peuvent espérer voir leur situation s’améliorer. Inéluctablement la lutte des classes s’accentue à la campagne.
Les intérêts vitaux des masses fondamentales de la paysannerie concordent avec les intérêts du prolétariat. C’est là la base économique de l’alliance du prolétariat et de la paysannerie laborieuse dans leur lutte commune contre le régime capitaliste.