Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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14.6. L’aggravation de l’opposition entre la ville et la campagne.

Un trait caractéristique du mode de production capitaliste est le retard marqué de l’agriculture sur l’industrie, l’aggravation de l’opposition entre la ville et la campagne.

Dans son développement, l’agriculture retarde sur l’industrie : c’est là un phénomène propre à tous les pays capitalistes et qui est l’une des causes les plus profondes de la rupture de la proportionnalité entre les différentes branches de l’économie nationale, des crises et de la hausse du coût de la vie.

V. Lénine, « Nouvelles données sur les lois du développement du capitalisme dans l’agriculture », Œuvres, t. 22, p. 100.

L’agriculture en régime capitaliste retarde sur l’industrie avant tout par le niveau des forces productives. Le progrès technique se réalise dans l’agriculture avec beaucoup plus de lenteur que dans l’industrie. On n’emploie les machines que dans les grandes exploitations, tandis que les exploitations paysannes à petite production marchande sont incapables d’en faire usage. D’autre part, l’emploi capitaliste des machines conduit à un renforcement de l’exploitation et à la ruine du petit producteur. L’emploi des machines en grand dans l’agriculture est retardé par suite du bon marché de la main-d’œuvre, conséquence de la surpopulation agraire.

Le capitalisme a considérablement accentué le retard de la campagne sur la ville dans le domaine culturel. Les villes sont des foyers scientifiques et artistiques. C’est là que se trouvent concentrés les établissements d’enseignement supérieur, les musées, les théâtres, les cinémas. Et ce sont les classes exploiteuses qui profitent des richesses de cette culture. Les masses prolétariennes ne peuvent profiter que médiocrement du progrès culturel des villes. Quant aux masses de la population paysanne des pays capitalistes, elles sont coupées des centres urbains et sont condamnées à rester en retard au point de vue culturel.

La base économique de l’opposition entre la ville et la campagne en régime capitaliste est l’exploitation du village par la ville, l’expropriation de la paysannerie et la ruine de la majorité de la population rurale par tout le cours du développement de l’industrie, du commerce et du système de crédit capitalistes. La bourgeoisie des villes, avec les capitalistes-fermiers et les propriétaires fonciers, exploite les millions de paysans. Les formes de cette exploitation sont multiples : la bourgeoisie industrielle et les commerçants exploitent la campagne grâce aux prix élevés des produits industriels et aux prix relativement bas des produits agricoles ; les banques et les usuriers, par l’octroi de crédits à des conditions draconiennes ; l’État bourgeois, par ses impôts de tout genre. Les sommes énormes que les grands propriétaires terriens s’approprient en prélevant la rente et en vendant la terre, les ressources que perçoivent les banques sous forme d’intérêts pour les prêts hypothécaires, etc., sont détournées de la campagne vers la ville pour la consommation parasite des classes exploiteuses.

Ainsi, les causes du retard de l’agriculture sur l’industrie, l’approfondissement et l’aggravation de l’opposition entre la ville et la campagne résident dans le système même du capitalisme.