Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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Le capital commercial et le capital usuraire sont antérieurs historiquement au capital industriel. Sous le régime de production capitaliste, ces formes du capital perdent leur ancien rôle indépendant ; leurs fonctions consistent désormais à servir le capital industriel. Dès lors, en régime capitaliste, le capital commercial et le capital porteur d’intérêts se distinguent foncièrement de leurs formes précapitalistes.
Le capital industriel, comme on l’a déjà dit, prend dans le cours de son cycle successivement trois formes : la forme monétaire, la forme productive et la forme marchande, qui se différencient suivant leurs fonctions. Ces fonctions du capital industriel, à un certain degré de son développement, se distinguent l’une de l’autre. Du capital industriel occupé dans la production, se détachent le capital commercial sous la forme du capital du commerçant, et le capital de prêt, sous la forme du capital du banquier. À l’intérieur de la classe des capitalistes se forment trois groupes, qui participent à l’appropriation de la plus-value : les industriels, les commerçants et les banquiers.
Le capital commercial est le capital appliqué dans la sphère de la circulation marchande. Dans la sphère de la circulation, il n’est pas créé de plus-value. D’où provient donc le profit du commerçant ? Si le capitaliste industriel s’occupait lui-même de la réalisation de sa marchandise, il devrait dépenser une partie de son capital pour aménager ses locaux commerciaux, embaucher des commis et engager d’autres dépenses nécessitées par le commerce. Il lui faudrait pour cela augmenter le capital avancé ou bien, avec le même capital avancé, réduire le volume de la production. Dans un cas comme dans l’autre, il y aurait diminution de son profit. L’industriel préfère vendre ses marchandises à un intermédiaire, au capitaliste commerçant, qui s’occupe spécialement de la vente des marchandises et en assure l’acheminement aux consommateurs. Cette spécialisation du capital commercial dans les fonctions de la circulation marchande permet de réduire la durée de la circulation et les dépenses qui lui sont liées. Le capital commercial, en assurant le processus de la réalisation des marchandises de beaucoup de capitalistes industriels, réduit par là-même la part du capital social détournée de la production dans la sphère de la circulation marchande. En chargeant le commerçant des opérations de réalisation des marchandises, le capitaliste industriel accélère la rotation de son capital, ce qui a pour effet d’accroître son profit. L’industriel trouve ainsi avantage à céder au commerçant une certaine part de la plus-value, qui constitue le profit du capitaliste commercial. Le profit commercial est une partie de la plus-value que l’industriel cède au commerçant pour la réalisation de ses marchandises.
La réalisation des marchandises est assurée par le capital commercial au moyen de l’exploitation des employés de commerce. Le travail des salariés occupés à la réalisation des marchandises, c’est-à-dire à la transformation des marchandises en argent et de l’argent en marchandises ne crée ni valeur, ni plus-value, mais il offre au capitaliste commerçant la possibilité de s’approprier une partie de la plus-value créée dans la production.
De même que le travail non payé de l’ouvrier crée directement de la plus-value pour le capital productif, de même le travail non payé du salarié du commerce procure au capital commercial une part de cette plus-value.
La journée de travail des employés de commerce, tout comme celle des ouvriers occupés dans la production, se divise en deux parties : pendant le temps de travail nécessaire, ils assurent la réalisation de la plus-value créée dans la sphère de la production, qui compense les dépenses des capitalistes en achat de force de travail ; et pendant le temps de travail supplémentaire, ils travaillent gratuitement pour les capitalistes et leur assurent l’appropriation du profit commercial. Par conséquent, les travailleurs du commerce sont exploités par les capitalistes commerçants, de même que les ouvriers producteurs de marchandises le sont par les industriels.
Afin de réaliser une masse déterminée de marchandises, le commerçant doit avancer, pour un certain temps, un capital d’une grandeur correspondante. De ce capital, il s’efforce de retirer le plus de profit possible. Si le taux du profit commercial est inférieur au taux moyen du profit, le commerce devient une occupation peu avantageuse ; dès lors les commerçants transfèrent leurs capitaux dans l’industrie, l’agriculture ou dans quelque autre branche de l’économie. Inversement, un taux élevé du profit commercial attire le capital industriel dans le commerce. La concurrence entre capitalistes fait que le niveau du profit commercial est déterminé par le taux moyen du profit, le profit moyen s’entendant par rapport à tout le capital, y compris le capital qui fonctionne dans la sphère de la circulation.
Ainsi, non seulement le capital des capitalistes industriels, mais aussi le capital commercial participent au processus d’égalisation du taux du profit, ce qui fait que capitalistes industriels comme capitalistes commerçants reçoivent le taux moyen du profit, proportionnellement au capital qu’ils ont dépensé. Par conséquent, les capitalistes industriels ne réalisent pas tout le profit créé dans l’industrie, mais seulement la partie de ce profit qui constitue le profit moyen du capital qu’ils ont investi. Les capitalistes commerçants vendent la marchandise au prix de production, qui comprend le profit moyen de l’industriel ainsi que celui du commerçant. Ainsi ils peuvent réaliser le profit moyen du capital qu’ils ont investi, grâce à la différence entre le prix d’achat et le prix de vente.
Sous la forme du profit commercial, la source effective de l’accroissement du capital est encore plus cachée que sous la forme du profit industriel. Le capital du commerçant ne participe pas à la production. La formule du mouvement du capital commercial est : A — M — A′. Ici le stade du capital productif disparaît, la liaison avec la production est rompue en apparence. L’illusion se crée que le profit naît du commerce lui-même, par une augmentation du prix, en vendant les marchandises au-dessus du prix de production. En réalité, comme on l’a montré, c’est le contraire qui se produit : l’industriel en vendant la marchandise au commerçant au-dessous du prix de production, lui cède une partie de son profit.
Non seulement le capital commercial participe à la réalisation de la plus-value créée dans la production, mais il exploite par surcroît les travailleurs en tant que consommateurs. Soucieux d’obtenir un profit supplémentaire, les capitalistes commerçants haussent par tous les moyens les prix, trompent les acheteurs sur le poids et la mesure, vendent des marchandises falsifiées, de mauvaise qualité.
Une des sources du profit commercial est l’exploitation par le capital commercial des petits producteurs de marchandises. Les capitalistes commerçants obligent les paysans et les artisans à leur vendre les produits de leur travail à vil prix, et à leur acheter en même temps les outils, les matières premières et les matériaux au prix fort. La part des intermédiaires commerciaux dans le prix de détail des produits agricoles aux États-Unis, de 1913 à 1934, est passée de 54 à 63 %.
Tout cela aboutit à l’accroissement de la paupérisation des travailleurs et aggrave encore les contradictions du capitalisme.