Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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10.1. Le cycle du capital. Les trois formes du capital industriel.

La condition d’existence du mode de production capitaliste est la circulation développée des marchandises, c’est-à-dire leur échange au moyen de l’argent. La production capitaliste est étroitement liée à la circulation.

Tout capital commence sa carrière sous la forme d’une somme déterminée d’argent ; c’est un capital-argent. Avec l’argent, le capitaliste achète des marchandises d’une espèce particulière : 1o des moyens de production et 2o de la force de travail. Cet acte de circulation peut être représenté par la formule :

A — M T Mp

A désigne l’argent ; M la marchandise ; T la force de travail et Mp les moyens de production. Ce changement de la forme du capital permet à son possesseur de disposer de tout ce qui est nécessaire à la production. Auparavant, il possédait du capital sous forme monétaire ; maintenant, il possède un capital de même grandeur, mais désormais sous forme de capital productif.

Par conséquent, le premier stade du mouvement du capital consiste dans la conversion du capital-argent en capital productif.

Vient ensuite le processus de production dans lequel s’opère la consommation productive des marchandises achetées par le capitaliste : les ouvriers dépensent leur travail, la matière première est transformée, le combustible est brûlé, les machines s’usent. De nouveau le capital change de forme : à l’issue du processus de production le capital avancé se trouve incorporé dans une masse déterminée de marchandises ; il prend la forme de capital-marchandise. Mais d’abord, ce ne sont plus les marchandises que le capitaliste a achetées en montant son affaire ; en second lieu, la valeur de cette masse de marchandises est supérieure à la valeur initiale du capital, car elle renferme la plus-value créée par les ouvriers.

Ce stade du mouvement du capital peut être représenté comme suit :

A — M T Mp …P…  M′.

Dans cette formule la lettre P représente la production ; les points placés avant et après cette lettre indiquent que le processus de circulation a été interrompu et que s’opère le processus de production ; la lettre M′ désigne le capital sous sa forme marchandise, capital dont la valeur a augmenté du fait du surtravail des ouvriers.

Par conséquent, le deuxième stade du mouvement du capital consiste dans la conversion du capital productif en capital-marchandise.

Le mouvement du capital ne s’arrête pas là. Les marchandises produites doivent être réalisées. En échange des marchandises vendues, le capitaliste reçoit une somme déterminée d’argent.

Cet acte de circulation peut être représenté comme suit :

M′ — A′.

Le capital change de forme pour la troisième fois : il reprend la forme de capital-argent. Après quoi, son possesseur se trouve avoir une somme d’argent plus importante qu’au début. Le but de la production capitaliste, qui consiste à tirer de la plus-value, a été atteint.

Par conséquent, le troisième stade du mouvement du capital consiste dans la conversion du capital-marchandise en capital-argent.

Le capitaliste emploie de nouveau l’argent, qu’il a tiré de la vente des marchandises, à l’achat des moyens de production et de la force de travail nécessaires pour continuer la production, et tout le processus recommence.

Tels sont les trois stades par lesquels le mouvement du capital passe successivement. À chacun de ces stades, le capital remplit une fonction déterminée. La conversion du capital-argent en éléments du capital productif assure l’union des moyens de production appartenant aux capitalistes avec la force de travail des ouvriers salariés ; à défaut de cette union, le processus de production ne peut avoir lieu. La fonction du capital productif est de créer par le travail des ouvriers salariés une masse de marchandises, une valeur nouvelle et, par suite, de la plus-value. La fonction du capital-marchandise consiste, par la vente de la masse des marchandises produites : en premier lieu, à restituer au capitaliste, sous forme argent, le capital qu’il a avancé pour la production ; en second lieu, à réaliser sous forme argent la plus-value créée dans le processus de production.

C’est par ces trois stades que passe le capital industriel dans son mouvement. Par capital industriel on entend, en l’occurrence, tout capital engagé dans la production des marchandises, qu’il s’agisse de l’industrie ou de l’agriculture.

Le capital industriel est le seul mode d’existence du capital, où sa fonction ne consiste pas seulement en appropriation mais également en création de plus-value, autrement dit de surproduit. C’est pourquoi il conditionne le caractère capitaliste de la production ; son existence implique celle de la contradiction de classe entre capitalistes et ouvriers salariés.

K. Marx, Le Capital, livre 2, t. 1, p. 53.

Ainsi, tout capital industriel accomplit un cycle.

On appelle cycle du capital, la transformation successive du capital d’une forme dans une autre, son mouvement à travers les trois stades. De ces trois stades, le premier et le troisième ont lieu dans la sphère de la circulation, le deuxième dans la sphère de la production. Sans circulation, c’est-à-dire sans transformation des marchandises en argent et reconversion de l’argent en marchandise, la reproduction capitaliste, c’est-à-dire le renouvellement constant du processus de production, devient impossible.

Le cycle du capital dans son ensemble peut être représenté comme suit :

A — M T Mp …P…  M′ — A′.

Les trois stades du cycle du capital sont liés entre eux de la façon la plus étroite et dépendent l’un de l’autre. Le cycle du capital ne s’opère normalement que si ses différents stades se succèdent sans arrêt.

Si le capital est arrêté au premier stade, c’est que l’existence du capital-argent est inutile. S’il est arrêté au deuxième stade, c’est que les moyens de production restent inutilisés et que la force de travail est sans emploi. Si le capital subit un arrêt au troisième stade, les marchandises invendues s’amassent dans les entrepôts et obstruent les canaux de la circulation.

Le deuxième stade où le capital se trouve sous la forme de capital productif, a une importance décisive dans le cycle du capital industriel ; c’est à ce stade que s’opère la production des marchandises, de la valeur et de la plus-value. Aux deux autres stades, il n’y a pas création de valeur ni de plus-value ; il n’y a que succession des formes du capital.

Aux trois stades du cycle du capital correspondent trois formes du capital industriel : 1o le capital-argent, 2o le capital productif et 3o le capital-marchandise.

Chaque capital existe simultanément sous les trois formes : alors qu’une de ses parties représente un capital-argent qui se convertit en capital productif, l’autre partie représente un capital productif qui se convertit en capital-marchandise, et la troisième partie représente un capital-marchandise qui se convertit en capital-argent. Chacune de ces parties revêt et abandonne successivement chacune de ces trois formes. Il en est ainsi non seulement de chaque capital considéré à part, mais de tous les capitaux pris ensemble, ou, autrement dit, de l’ensemble du capital social. Aussi, comme l’indique Marx, ne peut-on concevoir le capital qu’en tant que mouvement et non en tant que chose au repos.

Il y a déjà là la possibilité d’une existence individualisée des trois formes du capital. Nous montrerons plus loin comment du capital engagé dans la production se détachent le capital commercial et le capital de prêt. C’est sur cette séparation que repose l’existence des différents groupes de la bourgeoisie — industriels, marchands, banquiers — entre lesquels s’opère la répartition de la plus-value.