Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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9.7. La loi générale de l’accumulation capitaliste. La paupérisation relative et absolue du prolétariat.

Le développement du capitalisme a pour résultat qu’avec l’accumulation du capital, à un pôle de la société bourgeoise d’immenses richesses se concentrent, le luxe et le parasitisme, le gaspillage et l’oisiveté des classes exploiteuses augmentent ; tandis qu’à l’autre pôle de la société s’intensifie de plus en plus le joug, l’exploitation, s’accroissent le chômage et la misère de ceux dont le travail crée toutes les richesses.

Plus grandissent la richesse sociale, le capital en fonctionnement, l’ampleur et l’énergie de sa croissance, et par conséquent aussi la grandeur absolue du prolétariat et la force productive de son travail, et plus grandit l’armée industrielle de réserve. la force de travail disponible se trouve développée par les mêmes causes que celles qui développent la force expansive du capital. La grandeur relative de l’armée industrielle de réserve croît ainsi avec les potentialités de la richesse. Mais plus cette armée de réserve est grande par rapport à l’armée ouvrière active, et plus la surpopulation consolidée, dont la misère est inversement proportionnelle aux tourments infligés par le travail, est massive. […] Ceci est la loi absolue et générale de l’accumulation capitaliste.

K. Marx, Le Capital, Livre I, p. 723.

La loi générale de l’accumulation capitaliste est l’expression concrète du fonctionnement de la loi économique fondamentale du capitalisme, la loi de la plus-value. La course à la plus-value aboutit à l’accumulation des richesses entre les mains des classes exploiteuses et à l’augmentation de l’appauvrissement et de l’oppression des classes non possédantes.

Le développement du capitalisme s’accompagne de la paupérisation relative et absolue du prolétariat.

La paupérisation relative du prolétariat consiste en ce que dans la société bourgeoise la part de la classe ouvrière dans le montant global du revenu national décroît sans cesse, alors que la part des classes exploiteuses est en progression constante.

Malgré l’accroissement absolu de la richesse sociale, la part des revenus de la classe ouvrière diminue rapidement. Les salaires des ouvriers de l’industrie américaine par rapport aux profits des capitalistes, étaient de 70 % en 1889, de 61 % en 1919, de 47 % en 1929 et de 45 % en 1939.

Dans la Russie tsariste, de 1900 à 1913, l’ensemble des salaires nominaux, étant donné le nombre accru des ouvriers d’usine, avait augmenté d’environ 80 %, malgré une diminution du salaire réel, tandis que les bénéfices des industriels avaient plus que triplé.

D’après les données d’économistes bourgeois, américains, vers 1920, aux États-Unis 1 % des propriétaires possédait 59 % de toutes les richesses, tandis que les couches pauvres formant 87 % de la population ne possédaient que 8 % de la richesse nationale.

En 1920-1921, les plus gros propriétaires anglais, qui représentaient moins de 2 % de la totalité des propriétaires, détenaient 64 % de toute la richesse nationale, tandis que 76 % de la population n’en possédaient que 7,6 %.

La paupérisation absolue du prolétariat consiste dans l’abaissement pur et simple de son niveau de vie.

L’ouvrier connaît une paupérisation absolue, c’est-à-dire qu’il devient tout simplement plus pauvre qu’avant, qu’il est obligé de vivre moins bien, d’avoir une nourriture plus chiche, de moins souvent manger à sa faim, de vivre dans les caves et dans les greniers.

[…]

Dans la société capitaliste la richesse grandit à une vitesse invraisemblable, en même temps que les masses ouvrières sont frappées par la paupérisation.

V. Lénine, « La paupérisation dans la société capitaliste », Œuvres, t. 18, p. 451.

Pour enjoliver la réalité capitaliste, l’économie politique bourgeoise s’efforce de nier la paupérisation absolue du prolétariat. Les faits cependant attestent qu’en régime capitaliste le niveau de vie de la classe ouvrière est en baisse constante. Gela se manifeste sous bien des formes.

La paupérisation absolue du prolétariat se traduit par la baisse du salaire réel. Comme on l’a déjà dit, la hausse des prix des objets de consommation courante, l’augmentation des loyers et des impôts entraînent la diminution constante du salaire réel des ouvriers.

La paupérisation absolue du prolétariat se manifeste par l’ampleur et la durée accrues du chômage.

Elle se manifeste dans l’intensification et dans l’aggravation des conditions de travail, qui aboutissent au vieillissement rapide de l’ouvrier, à la perte de sa capacité de travail, à sa transformation en invalide. L’intensification du travail et l’absence de mesures nécessaires à la protection du travail multiplient les accidents et les cas de mutilation.

La paupérisation absolue du prolétariat se manifeste dans de plus mauvaises conditions d’alimentation et de logement des travailleurs, ce qui a pour effet de ruiner la santé et d’abréger la vie des travailleurs.

Dans l’industrie houillère des États-Unis, de 1878 à 1914, sur mille ouvriers occupés, le nombre d’accidents mortels a augmenté de 71,5 %. Dans la seule année 1952, dans les entreprises des États-Unis, environ 15 000 personnes ont été tuées et plus de deux millions ont été mutilées. Le nombre d’accidents augmente également dans les charbonnages d’Angleterre : avant-guerre, chaque année un mineur sur six a été victime d’un accident ; de 1949 à 1953 la proportion est passée à un sur trois.

Les données officielles des recensements relatifs à l’habitat établissent que près de 40 % des locaux d’habitation aux États-Unis ne répondent pas aux exigences minima d’hygiène et de sécurité. Le taux de mortalité de la population ouvrière est de beaucoup supérieur à celui des classes dominantes. La mortalité infantile dans les taudis de la ville de Détroit est six fois plus élevée que la moyenne des États-Unis.

Le niveau de vie du prolétariat est particulièrement bas dans les pays coloniaux, où la misère extrême et la mortalité exceptionnellement élevée des ouvriers, par suite d’un travail exténuant et d’une famine chronique, revêtent un caractère de masse.

Le niveau de vie de la paysannerie pauvre, en régime capitaliste, n’est pas supérieur, mais souvent même inférieur à celui des ouvriers salariés. Dans la société capitaliste, on assiste non Seulement à la paupérisation absolue et relative du prolétariat, mais aussi à la ruine et à la paupérisation de la paysannerie. On comptait en Russie tsariste des dizaines de millions de paysans pauvres qui souffraient de la faim. Les recensements américains établissent qu’au cours des dernières décennies, près des deux tiers des fermiers des États-Unis, en règle générale, n’ont pas le minimum vital. Aussi bien, leurs intérêts vitaux poussent les paysans à s’unir à la classe ouvrière.

La voie du développement du capitalisme est celle de l’appauvrissement et de la sous-alimentation pour l’immense majorité des travailleurs. En régime bourgeois, l’essor des forces productives n’apporte pas aux masses laborieuses un allégement de leur situation, mais une aggravation de leur misère et de leurs privations.

En même temps se développe la lutte de la classe ouvrière contre la bourgeoisie, pour la libération du joug du capital, et grandissent sa conscience et son organisation. Dans cette lutte sont entraînées de plus en plus les masses de la paysannerie.