Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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8.4. Le salaire nominal et le salaire réel.

p. 141Aux premiers stades du développement du capitalisme, la rémunération des salariés en nature était pratiquée sur une grande échelle : l’ouvrier recevait un gîte, une maigre pitance et un peu d’argent.

Le salaire en nature subsiste dans une certaine mesure à la période du machinisme. Il était pratiqué, par exemple, dans l’industrie extractive et textile de la Russie d’avant la Révolution. La rémunération en nature est répandue dans l’agriculture capitaliste, lorsqu’elle utilise le travail des ouvriers agricoles, dans certaines industries des pays capitalistes, dans les pays coloniaux et dépendants. Les formes de rémunération en nature sont variées. Les capitalistes mettent les ouvriers dans une situation qui les contraint à prendre à crédit les produits dans le magasin de l’usine, à utiliser les logements de la mine ou des plantations, à des conditions onéreuses établies par l’entrepreneur, etc. Le capitaliste, en payant un salaire en nature, exploite l’ouvrier salarié non seulement comme vendeur de la force de travail, mais aussi comme consommateur.

Le salaire en argent est caractéristique du mode de production capitaliste évolué.

Il faut distinguer entre le salaire nominal et le salaire réel.

Le salaire nominal est celui qui est exprimé en argent ; c’est la somme d’argent que l’ouvrier reçoit pour la force de travail qu’il a vendue au capitaliste. Le salaire nominal ne donne pas par lui-même une idée du niveau réel de la rémunération de l’ouvrier. Il peut, par exemple, demeurer inchangé, mais si, en même temps, les prix des objets de consommation et les impôts augmentent, le salaire effectif de l’ouvrier baissera. Le salaire nominal peut même augmenter, mais si le coût de la vie durant cette période vient à s’élever plus encore que le salaire nominal, le salaire effectif diminuera.

Le salaire réel est celui qui s’exprime en moyens de subsistance de l’ouvrier ; il indique la quantité et la qualité des objets de consommation et des services que l’ouvrier peut se procurer pour son salaire en argent. Pour déterminer le salaire réel de l’ouvrier, il faut partir du taux du salaire nominal, du niveau des prix des objets de consommation, du loyer, des charges fiscales acquittées par l’ouvrier, des journées non payées avec la semaine de travail réduite, du nombre des chômeurs totaux et partiels qui sont entretenus aux frais de la classe ouvrière. Il faut tenir compte également de la durée de la journée de travail et du degré d’intensité du travail.

En établissant le niveau moyen du salaire, les statistiques bourgeoises déforment la réalité : elles rangent dans la catégorie des salaires les revenus des couches dirigeantes de la bureaucratie industrielle et financière (administrateurs d’entreprises, directeurs de banques, etc.), n’introduisent dans leurs calculs que le salaire des ouvriers qualifiés et en excluent celui de la couche nombreuse des ouvriers non qualifiés et mal payés, du prolétariat agricole ; elles ne font pas état de l’armée nombreuse des chômeurs totaux ou partiels, de la hausse des prix des objets de consommation courante et du relèvement des impôts ; elles ont recours à d’autres méthodes de falsifip. 142cation pour présenter sous un jour favorable la situation de fait de la classe ouvrière en régime capitaliste.

Mais même les statistiques bourgeoises falsifiées ne peuvent dissimuler le fait que le salaire en régime capitaliste, par suite de son bas niveau, du renchérissement du coût de la vie et de la croissance du chômage, n’assure pas à la majorité des ouvriers le minimum vital.

En 1938, les économistes bourgeois des États-Unis, adoptant des normes très inférieures, ont évalué pour les États-Unis le minimum vital d’une famille ouvrière de quatre personnes, à 2 177 dollars par an. Or, en 1938 la moyenne du salaire annuel d’un ouvrier industriel aux États-Unis était de 1 176 dollars, soit un peu plus de la moitié de ce minimum vital, et en tenant compte des chômeurs, de 740 dollars, c’est-à-dire un tiers seulement de ce minimum vital. En 1937, le minimum vital très restreint d’une famille ouvrière moyenne en Angleterre était évalué par les économistes bourgeois à 55 shillings par semaine. D’après les chiffres officiels, 80 % des ouvriers de l’industrie houillère, 75 % des ouvriers de l’industrie extractive (sans l’industrie houillère), 57 % des ouvriers des entreprises municipales d’Angleterre gagnaient moins que ce minimum vital.