Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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7.10. La structure de classe de la société capitaliste. L’État bourgeois.

Ce qui caractérisait les modes de production esclavagiste et féodal, c’était la division de la société en différentes classes p. 131et castes, division qui lui donnait une structure hiérarchique complexe. L’époque bourgeoise a simplifié les antagonismes de classes et substitué aux diverses formes de privilèges héréditaires et de dépendance personnelle le pouvoir impersonnel de l’argent, le despotisme illimité du capital. Avec le mode de production capitaliste, la société se scinde de plus en plus en deux grands camps ennemis, en deux classes opposées : la bourgeoisie et le prolétariat.

La bourgeoisie est la classe qui possède les moyens de production et les utilise pour exploiter le travail salarié. Elle est la classe dominante de la société capitaliste.

Le prolétariat est la classe des ouvriers salariés, dépourvus de moyens de production et obligés, par suite, de vendre leur force de travail aux capitalistes. Sur la base de la production mécanique le capital a entièrement mis sous sa coupe le travail salarié. Pour la classe des ouvriers salariés, la condition prolétarienne est devenue son lot pour la vie. La situation économique du prolétariat en fait la classe la plus révolutionnaire.

Bourgeoisie et prolétariat sont les classes fondamentales de la société capitaliste. Tant qu’existe le mode de production capitaliste, ces deux classes sont indissolublement liées entre elles : la bourgeoisie ne peut exister et s’enrichir sans exploiter les ouvriers salariés ; les prolétaires ne peuvent vivre sans se louer aux capitalistes. En même temps, la bourgeoisie et le prolétariat sont des classes antagonistes, dont les intérêts s’opposent et sont irréductiblement hostiles. Le capitalisme, en se développant, approfondit l’abîme entre la minorité exploiteuse et les masses exploitées.

À côté de la bourgeoisie et du prolétariat en régime capitaliste existent la classe des propriétaires fonciers et celle des paysans. Ces classes sont des survivances du régime féodal antérieur, mais elles ont pris un caractère sensiblement différent, en rapport avec les conditions du capitalisme.

Les propriétaires fonciers en régime capitaliste sont la classe des grands propriétaires terriens, qui, d’ordinaire, afferment leurs terres à des fermiers capitalistes ou à de petits paysans producteurs, ou bien qui pratiquent sur la propriété qui leur appartient la grande production capitaliste à l’aide de travail salarié.

La paysannerie est la classe des petits producteurs possédant leur propre exploitation, fondée sur la propriété privée des moyens de production, sur une technique arriérée et le travail manuel. La paysannerie constitue dans les pays bourgeois une partie importante de la population. La masse essentielle de la paysannerie, exploitée sans merci par les propriétaires fonciers, les paysans riches, les marchands et les usuriers, court à sa ruine. Dans le processus de sa différenciation, la paysannerie dégage constamment de son sein, d’une part, des masses de prolétaires, et de l’autre, des paysans enrichis, des capitalistes.

L’État bourgeois qui, à la suite de la révolution bourgeoise, p. 132est venu remplacer l’État féodal, est par son caractère de classe, entre les mains des capitalistes, un instrument d’asservissement et d’oppression de la classe ouvrière et de la paysannerie. L’État bourgeois protège la propriété privée capitaliste des moyens de production, garantit l’exploitation des travailleurs et réprime leur lutte contre le régime capitaliste. Gomme les intérêts de la classe capitaliste s’opposent foncièrement à ceux de l’immense majorité de la population, la bourgeoisie est obligée de cacher par tous les moyens le caractère de classe de son État. Elle s’efforce de le présenter comme un État de « démocratie pure », soi-disant au-dessus des classes et appartenant au peuple tout entier. Mais en fait la « liberté » bourgeoise est la liberté pour le capital d’exploiter le travail d’autrui, l’ « égalité » bourgeoise est une apparence qui masque l’inégalité de fait entre l’exploiteur et l’exploité, entre l’homme rassasié et l’affamé, entre les propriétaire moyens de production et la masse des prolétaires qui ne possèdent que leur force de travail.

L’État bourgeois réprime les masses populaires à l’aide de son appareil administratif, de sa police, de son armée, de ses tribunaux, de ses prisons, de ses camps de concentration, et d’autres moyens de coercition. L’action idéologique à l’aide de laquelle la bourgeoisie maintient sa domination est le complément indispensable de ces moyens de coercition. Cela comprend la presse bourgeoise, la radio, le cinéma, la science et l’art bourgeois, les Églises.

L’État bourgeois est le comité exécutif de la classe des capitalistes. Les constitutions bourgeoises ont pour but de renforcer le régime social, agréable et avantageux pour les classes possédantes. L’État bourgeois déclare sacré et inviolable le fondement du régime capitaliste, la propriété privée des moyens de production.

Les formes de l’État bourgeois sont très variées, mais leur essence est la même : dans tous ces États, la dictature est exercée par la bourgeoisie qui essaie par tous les moyens de conserver et de fortifier le régime d’exploitation du travail salarié par le capital.

À mesure que se développe la grande production capitaliste, augmentent les effectifs du prolétariat qui prend conscience de plus en plus de ses intérêts de classe, progresse politiquement et s’organise pour la lutte contre la bourgeoisie.

Le prolétariat est la classe de travailleurs[] liée à la forme d’avant-garde de l’économie, la grande production.

Étant donné le rôle économique qu’il joue dans la grande production, le prolétariat est seul capable d’être le guide de toutes les masses laborieuses et exploitées […]

V. Lénine, « L’État et la révolution », Œuvres, t. 25, p. 437.

Le prolétariat industriel qui est la classe la plus révolutionnaire, la plus avancée de la société capitaliste, est appelé à p. 133réunir autour de lui les masses travailleuses de la paysannerie, toutes les couches exploitées de la population et de les mener à l’assaut du capitalisme.