Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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7.3. La force de travail en tant que marchandise. La valeur et la valeur d’usage de la marchandise force de travail.

La force de travail, l’ensemble des facultés physiques et morales dont l’homme dispose et qu’il met en action lorsqu’il produit des biens matériels, quelle que soit la forme de la société, est un élément indispensable de la production. Mais c’est seulement en régime capitaliste que la force de travail devient marchandise.

Le capitalisme est la production marchande au plus haut degré de son développement, quand la force de travail elle-même devient marchandise. Avec la transformation de la force de travail en marchandise, la production marchande prend un caractère universel. La production capitaliste est fondée sur le travail salarié, et l’embauchage de l’ouvrier par le capitaliste n’est autre chose qu’une opération de vente-achat de la marchandise force de travail : l’ouvrier vend sa force de travail, le capitaliste l’achète.

En embauchant un ouvrier, le capitaliste reçoit sa force de travail dont il dispose sans réserve. Il l’utilise dans le processus de production capitaliste, dans lequel s’opère l’accroissement du capital.

De même que toute autre marchandise, la force de travail est vendue à un prix déterminé, à la base duquel se trouve la valeur de cette marchandise. Quelle est cette valeur ?

Pour que l’ouvrier conserve sa capacité de travail, il doit satisfaire ses besoins en nourriture, vêtements, chaussures, logement Satisfaire les besoins vitaux, c’est reconstituer l’énergie p. 120vitale dépensée par l’ouvrier : l’énergie des muscles, des nerfs, du cerveau ; c’est reconstituer sa capacité de travail. En outre, le capital a besoin d’un afflux incessant de force de travail ; l’ouvrier doit donc avoir la possibilité non seulement de s’entretenir lui-même, mais d’entretenir aussi sa famille. Par là se trouve assurée la reproduction, c’est-à-dire le renouvellement constant de la force de travail. Enfin, le capital a besoin non seulement d’ouvriers non spécialisés, mais aussi d’ouvriers qualifiés sachant manier les machines complexes ; or, acquérir une qualification comporte certaines dépenses de travail pour l’apprentissage. Aussi les frais de production et de reproduction de la force de travail comprennent-ils un minimum de dépenses pour la formation des générations montantes de la classe ouvrière.

Il ressort de tout cela que la valeur de la marchandise force de travail est égale à la valeur des moyens de subsistance nécessaires à l’entretien de l’ouvrier et de sa famille.

cette marchandise singulière qu’est la force de travail. Pareillement à toutes les autres marchandises, elle possède une valeur. Comment celle-ci est-elle déterminée ?

La valeur de la force de travail, pareillement à celle de tout autre marchandise, est déterminée par le temps de travail nécessaire à la production […].

K. Marx, Le Capital, Livre I, p. 189-190.

Avec le développement historique de la société se modifient le niveau des besoins habituels de l’ouvrier, mais aussi les moyens de satisfaire ces besoins. Dans les différents pays, le niveau des besoins usuels de l’ouvrier n’est pas le même. Les particularités de l’évolution historique suivie par un pays donné, ainsi que celles des conditions dans lesquelles s’est formée la classe des ouvriers salariés, déterminent sous bien des rapports le caractère de ses besoins. Les conditions climatiques et autres exercent également une certaine influence sur les besoins de l’ouvrier en nourriture, en vêtements, en logement. La valeur de la force de travail renferme non seulement la valeur des objets de consommation nécessaires à la restauration des forces physiques de l’homme, mais aussi les frais que comporte la satisfaction des besoins culturels de l’ouvrier et de sa famille, tels qu’ils résultent des conditions sociales dans lesquelles vivent et sont élevés les ouvriers (éducation des enfants, achat de journaux, de livres, cinéma, théâtre, etc.) Les capitalistes cherchent toujours et partout à ramener les conditions matérielles et culturelles de vie de la classe ouvrière au niveau le plus bas.

Pour engager une affaire, le capitaliste commence par acheter tout ce qui est nécessaire à la production : bâtiments, machines, équipement, matières premières, combustible. Ensuite, il embauche la main-d’œuvre et le processus de production commence à l’entreprise. Dès que la marchandise est prête, le capitaliste la vend. La valeur de la marchandise produite renferme, premièrement, la valeur des moyens de production dépensés : matières premières traitées, combustible, une partie p. 121déterminée de la valeur des bâtiments, des machines et des outils ; en second lieu, la valeur nouvelle créée par le travail des ouvriers de l’entreprise.

Qu’est-ce que cette nouvelle valeur ?

Le mode de production capitaliste suppose un niveau relativement élevé de la productivité du travail, tel que l’ouvrier, pour créer une valeur égale à celle de sa force de travail, n’a besoin que d’une partie de la journée de travail. Admettons qu’une heure de travail moyen simple crée une valeur égale à un dollar, et que la valeur journalière de la force de travail soit égale à six dollars. Alors, pour compenser la valeur journalière de sa force de travail, l’ouvrier doit travailler pendant 6 heures. Mais le capitaliste ayant acheté la force de travail pour toute la journée fait travailler le prolétaire non pas 6 heures, mais pendant une journée de travail entière qui comporte, par exemple, 12 heures. Pendant ces 12 heures, l’ouvrier crée une valeur égale à 12 dollars, cependant que sa force de travail ne vaut que 6 dollars.

Nous voyons maintenant en quoi consiste la valeur d’usage spécifique de la marchandise force de travail pour l’acheteur de cette marchandise, le capitaliste. La valeur d’usage de la marchandise force de travail est sa propriété d’être une source de valeur, d’une valeur plus grande qu’elle n’en possède elle-même.