Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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p. 113Le développement de la grande industrie entraîna aussi l’emploi des machines dans l’agriculture. La possibilité de faire usage des machines est un des avantages les plus importants de la grande production agricole. Les machines élèvent énormément la productivité du travail dans l’agriculture. Mais elles ne sont pas à la portée de la petite exploitation paysanne, car pour en faire l’achat, il faut disposer de sommes considérables. L’emploi de la machine peut être efficace dans les grandes exploitations possédant de grandes surfaces emblavées, introduisant, dans la production, les cultures industrielles, etc. Dans les grandes exploitations, fondées sur l’utilisation des machines, les dépenses de travail par unité de production sont sensiblement inférieures à celles des petites exploitations paysannes, fondées sur une technique arriérée et le travail manuel. Il s’ensuit que la petite exploitation paysanne ne peut soutenir la concurrence de la grande exploitation capitaliste. L’emploi des machines agricoles accélère, dans le cadre du capitalisme, le processus de différenciation de la paysannerie.
L’emploi systématique des machines dans l’agriculture élimine le paysan « moyen » patriarcal aussi inexorablement que le métier à vapeur élimine le tisseur-artisan travaillant sur son métier à main.
Le capitalisme, en faisant progresser la technique agricole, ruine la masse des petits producteurs. De plus, la main-d’œuvre salariée dans l’agriculture est tellement bon marché que beaucoup de grandes exploitations n’emploient pas de machines ; elles préfèrent se servir de la main-d’œuvre manuelle. Cela retarde le développement du machinisme dans la production agricole.
L’usage capitaliste des machines dans l’agriculture s’accompagne nécessairement d’une exploitation accrue du prolétariat agricole par l’intensification du travail. Par exemple, une espèce de moissonneuse largement répandue à un moment donné a reçu en russe le nom de « lobogreïka » (chauffe-front), parce qu’il fallait un gros effort physique pour la faire fonctionner.
Dans la période du machinisme capitaliste s’achève la séparation de l’industrie et de l’agriculture, s’approfondit et s’aggrave l’opposition entre la ville et la campagne. En régime capitaliste, l’agriculture retarde de plus en plus dans son développement sur l’industrie. Lénine disait que l’agriculture des pays capitalistes au début du 20e siècle par son niveau technique et économique, était plutôt voisine de la phase manufacturière.
L’introduction du machinisme dans la production agricole en régime capitaliste s’opère avec beaucoup plus de lenteur que dans l’industrie. Si le moteur à vapeur a permis des transformations techniques fondamentales dans l’industrie, il n’a pu être utilisé dans l’agriculture que sous p. 114forme de batteuse à vapeur. Plus tard la batteuse mécanique complexe mènera de front les opérations de battage, de nettoyage et de triage du grain. Ce n’est que dans le dernier quart du 19e siècle qu’apparaissent les machines à récolter le blé à traction hippomobile : les moissonneuses-lieuses. Le tracteur à chenilles a été inventé après 1880, et le tracteur à roues, au début du 20e siècle, mais les grandes exploitations capitalistes n’ont commencé à faire un usage plus ou moins étendu du tracteur qu’à partir de 1920, principalement aux États-Unis.
Cependant, dans l’agriculture de la plupart des pays du monde capitaliste, la force motrice fondamentale est jusqu’à nos jours la bête de trait, et pour le travail du sol on emploie la charrue, la herse, le cultivateur à cheval.