Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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5.3. Le mode capitaliste du travail à domicile.

Dans la phase manufacturière du capitalisme, la distribution de travail à domicile prit une large extension.

Le travail à domicile pour le capitaliste consiste à transformer, pour un salaire aux pièces, les matériaux reçus de l’entrepreneur. Cette forme d’exploitation se rencontrait parfois déjà au temps de la coopération simple. Elle a lieu aussi dans la phase de la grande industrie mécanisée, mais elle caractérise précisément la manufacture. Le travail à domicile pour le capitaliste apparaît ici comme un appendice de la manufacture.

La division manufacturière du travail décomposait la production de chaque marchandise en un certain nombre d’opérations séparées. Souvent l’accapareur manufacturier trouvait avantageux de fonder un petit atelier où ne s’opérait que l’assemblage ou la finition de la marchandise. Toutes les opérations préparatoires étaient exécutées par des artisans à domicile, mais ceux-ci n’en étaient pas moins sous la dépendance absolue des capitalistes. Souvent les artisans, disséminés dans les villages, ne traitaient pas avec le propriétaire de l’atelier, mais avec des maîtres-ouvriers intermédiaires qui les exploitaient à leur tour.

Les artisans travaillant à domicile recevaient du capitaliste un salaire de beaucoup inférieur à celui de l’ouvrier occupé dans l’atelier du capitaliste. L’industrie attirait les masses de paysans que le besoin d’argent contraignait à chercher un gagne-pain auxiliaire. Pour gagner une petite somme d’argent, le paysan s’épuisait et faisait travailler tous les membres de sa famille. Une journée de travail excessivement longue, des conditions de travail nuisibles à la santé, l’exploitation la plus impitoyable, tels sont les traits distinctifs du travail capitaliste à domicile.

Ces traits sont caractéristiques des nombreux métiers artisanaux de la Russie tsariste. Les accapareurs, devenus en fait les maîtres des industries artisanales du village ou du district, pratiquaient largement la division du travail parmi les artisans. Par exemple, dans l’établissement des Zavialov, à Pavlovo (dont l’atelier d’assemblage, entre 1860 et 1870, occupait p. 98plus de 100 ouvriers) un simple canif passait par les mains de 8 à 9 artisans. Forgeron, coutelier en lames, emmancheur, trempeur, polisseur, finisseur, affileur, marqueur travaillaient à sa fabrication. Un grand nombre d’ouvriers parcellaires étaient occupés, non dans l’atelier du capitaliste, mais à domicile. De même étaient organisées la fabrication des voitures, du feutre, les industries travaillant le bois, la cordonnerie, la boutonnerie, etc.

De nombreux exemples d’exploitation féroce des artisans ont été cités par Lénine dans son ouvrage Le Développement du capitalisme en Russie. Ainsi, dans la province de Moscou, vers 1880, 37 500 ouvrières travaillaient au dévidage des filés de coton, au tricotage et à d’autres métiers de femmes. Les enfants commençaient à travailler à 5 ou 6 ans. Le salaire moyen était de 13 kopeks par jour ; la journée de travail atteignait 18 heures.