Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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p. 93Le capitalisme se rend d’abord maître de la production telle qu’il la trouve, c’est-à-dire avec sa technique arriérée d’économie artisanale et petite-paysanne, et ce n’est que plus tard, à une phase supérieure de son développement, qu’il la transforme sur des bases économiques et techniques nouvelles.
La production capitaliste commence là où les moyens de production sont détenus par des particuliers, et où les ouvriers privés des moyens de production sont obligés de vendre leur force de travail comme une marchandise. Dans la production artisanale et dans les petites industries des paysans se forment des ateliers relativement importants, qui appartiennent aux capitalistes. Ces derniers étendent la production, sans modifier au début ni les instruments, ni les méthodes de travail des petits producteurs. Cette phase initiale du développement de la production capitaliste s’appelle la coopération capitaliste simple.
La coopération capitaliste simple est une forme de socialisation du travail dans laquelle le capitaliste exploite un nombre plus ou moins important d’ouvriers salariés occupés simultanément à un travail de même espèce. Cette coopération capitaliste simple apparaît lors de la désagrégation de la petite production marchande. Les premières entreprises capitalistes furent fondées par des marchands accapareurs, des usuriers, des maîtres-ouvriers et des artisans enrichis. Dans ces entreprises travaillaient des artisans ruinés, des apprentis, qui n’avaient plus la possibilité de devenir maîtres-ouvriers, des paysans pauvres.
La coopération capitaliste simple présente des avantages sur la petite production marchande.
La réunion de nombreux travailleurs dans une seule entreprise permet d’économiser les moyens de production. Construire, chauffer et éclairer un atelier pour vingt personnes coûte moins cher que construire et entretenir dix ateliers occupant chacun p. 94deux ouvriers. Les dépenses nécessitées par les outils, les entrepôts, le transport des matières premières et des produits finis, sont également réduites.
Le fruit du travail d’un artisan pris à part dépend dans une large mesure de ses qualités individuelles : de sa force, de son habileté, de son art, etc. Dans le cadre d’une technique rudimentaire ces différences entre travailleurs sont très grandes. Déjà de ce seul fait la situation du petit producteur est extrêmement précaire. Les producteurs qui pour la fabrication d’une marchandise d’une seule et même espèce dépensent plus de travail qu’il n’en faut dans les conditions moyennes de la production, finissent inévitablement par se ruiner. Les ouvriers étant nombreux dans un atelier, les différences individuelles entre eux s’effacent. Le travail de chaque ouvrier s’écarte dans un sens ou dans l’autre du travail social moyen, mais le travail d’ensemble de nombreux ouvriers occupés simultanément correspond plus ou moins à la moyenne du travail socialement nécessaire. De ce fait, la production et la vente des marchandises d’un atelier capitaliste deviennent plus régulières et plus stables.
La coopération simple permet une économie de travail, un accroissement de la productivité du travail.
Prenons un exemple : la transmission de briques de la main à la main par des ouvriers faisant la chaîne. Chaque travailleur accomplit ici les mêmes mouvements, mais ses actes font partie d’une seule opération commune. Résultat : le travail va beaucoup plus vite que si le transport des briques était effectué par chacun pris à part. Dix personnes travaillant ensemble produisent, pendant une journée de travail, plus que ces mêmes dix personnes travaillant isolément ou qu’une seule personne travaillant pendant dix journées de même durée.
La coopération permet de conduire des travaux simultanément sur une grande superficie, par exemple : l’assèchement de marais, la construction de barrages, de canaux, de voies ferrées ; elle permet également de dépenser sur un espace réduit une grande quantité de travail, par exemple, pour la construction d’édifices ou pour les cultures agricoles qui réclament beaucoup de travail.
La coopération a une grande importance dans les branches de la production où des travaux doivent être exécutés rapidement, par exemple, pour la rentrée des récoltes, la tonte des moutons, etc. L’emploi simultané d’un grand nombre d’ouvriers permet d’accomplir rapidement ce genre de travaux et d’éviter par là de grosses pertes.
Ainsi, la coopération a engendré une nouvelle force productive sociale du travail. Déjà la simple réunion des efforts de divers travailleurs aboutissait à l’accroissement de la productivité du travail. Cela permettait aux propriétaires des premiers ateliers capitalistes de fabriquer à meilleur compte les marchandises et de concurrencer avec succès les petits producteurs. Accaparés gratuitement par les capitalistes, les résultats de la nouvelle force productive sociale du travail servaient à leur enrichissement.