Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS
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p. 89Dans l’économie marchande fondée sur la propriété privée, les marchandises sont fabriquées par des producteurs privés, isolés. Entre les producteurs de marchandises règnent la concurrence et la lutte. Chacun s’efforce d’évincer l’autre, de maintenir et d’élargir ses positions sur le marché. La production se fait sans aucun plan d’ensemble. Chacun produit pour son compte, indépendamment des autres, nul ne connaît quel besoin les marchandises qu’il produit doivent satisfaire ni le nombre des autres producteurs qui travaillent à la fabrication de la même marchandise, ni s’il pourra vendre sa marchandise au marché et si sa dépense de travail sera dédommagée. Avec le développement de la production marchande, le pouvoir du marché sur le producteur se renforce de plus en plus.
Cela veut dire que dans la production marchande fondée sur la propriété privée des moyens de production agit la loi économique de la concurrence et de l’anarchie de la production. Cette loi exprime le caractère spontané de la production et de l’échange, la lutte entre les producteurs privés pour des conditions plus avantageuses de la production et de la vente des marchandises.
Dans les conditions de l’anarchie de la production, qui règne dans l’économie marchande fondée sur la propriété privée, c’est la loi de la valeur agissant par la concurrence du marché, qui joue le rôle de régulateur spontané de la production.
La loi de la valeur est la loi économique de la production des marchandises d’après laquelle l’échange des marchandises s’opère conformément à la quantité de travail socialement nécessaire à leur production.
Spontanément la loi de la valeur règle, par le mécanisme des prix, la répartition du travail social et des moyens de production entre les diverses branches de l’économie marchande. Sous l’influence des fluctuations qui se produisent dans le rapport de l’offre et de la demande, les prix des marchandises s’écartent sans cesse de leur valeur (au-dessus ou en dessous de celle-ci). Ces écarts ne sont pas le résultat de quelque déficience de la loi de la valeur ; au contraire, c’est le seul moyen pour cette loi de se réaliser. Dans une société où la production est détenue par des propriétaires privés qui travaillent à l’aveuglette, seules les fluctuations spontanées des prix sur le marché font connaître aux producteurs quels sont les produits qui sont en excédent ou qui manquent par rapport à la demande solvable de la population. Seules les fluctuations spontanées des prix autour de la valeur obligent les producteurs à élargir ou à réduire la production de telle ou telle marchandise. Sous l’influence de la variation des prix, les producteurs se tournent vers les branches plus avantageuses, où les prix des marchandises sont supérieurs à leur valeur, et ils se retirent de celles où les prix des marchandises sont inférieurs à leur valeur.
L’action de la loi de la valeur conditionne le développement p. 90des forces productives de l’économie marchande. Comme on le sait, la grandeur de la valeur d’une marchandise est déterminée par le travail socialement nécessaire. Les producteurs qui appliquent pour la première fois une technique plus avancée, produisent leurs marchandises avec des dépenses inférieures aux dépenses socialement nécessaires ; ils les vendent cependant à des prix correspondant au travail socialement nécessaire. Ce faisant, ils reçoivent un surplus de monnaie et s’enrichissent. Cela incite les autres producteurs à moderniser leurs entreprises au point de vue technique. C’est ainsi qu’à la suite d’actions disséminées de producteurs isolés, qui ne songent qu’à leur profit personnel, la technique progresse, les forces productives de la société se développent.
La concurrence et l’anarchie de la production font que la répartition du travail et des moyens de production entre les différentes branches, et le développement des forces productives dans l’économie marchande, sont réalisés au prix de grosses pertes de travail social et aboutissent à une aggravation constante des contradictions de cette économie.
Dans le cadre de la production marchande fondée sur la propriété privée, l’action de la loi de la valeur conduit à la naissance et au développement des rapports capitalistes. Les variations spontanées des prix du marché autour de la valeur, les écarts des dépenses individuelles de travail par rapport au travail socialement nécessaire qui détermine la grandeur de la valeur de la marchandise, accentuent l’inégalité économique et la lutte entre les producteurs. La concurrence provoque la ruine et la disparition de certains producteurs qui deviennent des prolétaires, l’enrichissement de certains autres, qui deviennent des capitalistes. L’action de la loi de la valeur conduit ainsi à la différenciation des producteurs.
[…] la petite production engendre le capitalisme et la bourgeoisie constamment, chaque jour, à chaque heure, d’une manière spontanée et dans de vastes proportions.